D'ANTAN
Tiens, le bouquet est toujours sur la table, posé,
Sur le temps révolu d’une toile cirée :
Les matins enfumés autour du café noir,
Les soirées éreintées quand l’alcool nous fait choir.
Les chaises sont rangées : une seule servait.
Lorsque tu es partie, je n’ai rien effacé :
Nos souvenirs éteints, nos silences épais…
Je regardais ta chaise et je pouvais pleurer.
Je n’aimais pas les fleurs, elles se fanaient trop vite.
Mais ce bouquet séché, figé dans sa poussière,
Avait le doux parfum de la mort implicite :
Ses pétales cassaient, ébréchant la lumière.
Je vois un champ aussi, dans la pauvre cuisine…
Tu l’appelais « salon » en regardant l’usine :
Je savais bien me taire en rêvant des ailleurs,
Au-delà des fumées, où poussaient les vraies fleurs.
Tout se mélange ici : je n’y suis plus déjà,
Je ne suis pas parti, j’attends sur l’établi.
Mes vies en filigrane ont résonné du glas
Qui dit bien qu’on n’est plus et que tout est fini.
Pourquoi sont-ils tout gris les tableaux qui s’effacent ?
Un murmure à l’envers hanté de guerres lasses,
Le soupir du toujours, le rêve en son décours,
Où ta voix ne me dit que : « Je t’attends, mon Amour. »
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