Chapitre 4
Les princes se regardèrent étonnés. Une grande expérience ? Mais quoi ? Quel pouvait être cette grande expérience ? Ils s’en allèrent soucieux et intrigués. Que pourraient-ils bien choisir ? Les deux aînés partirent dès le lendemain. Le troisième prince alla se réfugier sous sa couette en pleurant. Pendant trois mois, le couple royal reçu des nouvelles d’un peu partout dans le monde. Les princes cherchaient quelle expérience ils pourraient donner à leurs parents. Pendant trois mois, Kevin déprima dans son lit. Une expérience inoubliable ? Que pouvait-il bien offrir à deux souverains qui avaient passés leur vie dans le luxe et la joie ? La veille de l’échéance, il décida d’aller dans le jardin. Il se promena les mains dans les poches parmi les fleurs, l’air triste. L’horticultrice le vit et décida d’aller lui parler :
– Bonsoir mon Prince, vous semblez bien abattu. Vous craignez que l’expérience que vous avez trouvée ne soit pas suffisamment impressionnante ?
– C’est le moins que je puisse dire, hélas. Je n’ai rien trouvé.
– Rien ? Rien de rien ? s’étonna l’employée.
– Rien de valable. J’ai pensé à des milliers de choses mais rien qu’ils n’aient déjà vécu.
– C’est surprenant, il y a pourtant tout un tas de choses qui correspondraient.
- Vous croyez ?
– Oui, tout à fait. Si vous le souhaitez, je connais une expérience que vos parents n’ont jamais faite et qu’ils n’oublieront pas de sitôt.
Le prince ouvrit de grands yeux ronds. Puis se mit à rire.
– Alors que j’ai eu trois mois pour chercher, vous pensez trouver quelque chose comme ça ? En claquant des doigts ? Et que ça suffira ?
– En effet, ça ne suffira peut-être pas, vos frères ont apparemment beaucoup dépensé pour cette épreuve. Mais c’est toujours mieux que de ne rien avoir, n’est-ce pas ?
Le prince soupira, regarda le sol un instant et hocha légèrement la tête.
– Si, c’est toujours mieux que rien, vous avez raison. Quelle est votre idée ?
– Il faut d’abord que je m’occupe des détails, mon prince. Donnez-moi votre carnet d’adresse et le numéro de votre téléphone portable, je vous indiquerai où vous devez aller et ce que vous devrez faire.
Alors le prince donna le carnet et s’en retourna dans sa chambre, soucieux mais confiant tout de même : elle avait bien choisi la voiture pour la première épreuve. Il avait gagné, il avait une longueur d’avance sur ses frères. Peut-être trouverait-elle une bonne idée. Mais, en une nuit ? Aurait-elle le temps ?
Le prince se présenta devant la salle du conseil le lendemain. Il était un peu plus rassuré que la première fois mais ses frères avaient l’air si triomphants et surs d’eux-mêmes que son sourire disparut rapidement. Il se mit à douter. Avait-il bien fait de laisser cette chose si importante à cette fille à nouveau ? Certes, elle lui avait fait gagner la première épreuve mais là ? Que pouvait-elle savoir de ses parents et de ce qu’ils avaient vécu ? Elle n’était qu’une simple roturière, beaucoup de choses pouvaient lui paraître extraordinaire alors que ses parents l’avaient déjà subi mille fois. Et puis, il n’avait toujours aucune nouvelle d’elle. L’avait-elle trahi ? Qu’allait-il bien pouvoir dire ? Mais la porte s’ouvrit, l’obligeant à aller de l’avant, à oublier ses peurs.
– Bien le bonjour à vous, mes enfants, commença la reine.
– Avez-vous trouvé ce que nous vous demandions ? J’espère que nous allons vivre un grand moment aujourd’hui.
– Allons, Godefroy, montre-nous ce que tu as.
L’ainé se retourna et fit un signe. Deux employés vinrent tenant un grand rectangle recouvert d’un drap blanc. Ils posèrent l’objet de manière à ce qu’il ne tombe pas et s’en allèrent discrètement.
– Mes chers parents, pour vous, pendant trois mois, j’ai cherché et cherché encore. J’ai trouvé la semaine dernière. Je suis arrivé juste à temps, hier soir, pour vous présenter le plus célèbre tableau du plus célèbre peintre, tableau qu’on croyait détruit depuis plus de cent ans.
A ces mots, le prince enleva le drap avec beaucoup de précaution et une toile magnifique apparut. Chacun des personnages d’une beauté parfaite regardait un nourrisson, les couleurs étaient éclatantes, l’émotion poignante. La reine sentit son cœur battre et le roi serra le poing pour ne rien laisser montrer. Ce tableau était tout simplement parfait. Il transportait chaque personne qui pouvait le voir. Le prince remit le drap sur la toile pour que l’assistance retrouve son calme. Il fallut quelques minutes et une minute encore de silence pour que les gens reprennent leurs esprits. Alors s’avança le deuxième prince, ému du tableau de son frère bien sûr, mais souriant, sûr de sa victoire. Il reprit les mots de son frère pour commencer :
– Mes chers parents, pour vous, pendant trois mois, j’ai cherché et cherché encore. J’ai trouvé la semaine dernière. Je suis arrivé juste à temps, hier soir, pour vous présenter le résultat. J’ai voulu que vous découvriez la plus belle voix et le plus beau chant au monde.
Alors, le prince se retourna et tendit la main. Un petit garçon apparut hors de la foule. Il s’approcha du centre de la pièce, se tint droit et commença à chanter. Sa voix s’élevait, divine, magique et légère. Elle faisait frissonner et bouleversait les cœurs. La reine ne put s’empêcher de plonger son visage dans son mouchoir. Le roi lui-même semblait transporté et une larme unique roula le long de sa joue. À la fin de la chanson, le silence résonna, plus long encore que le précédent. Il fut interrompu par une sorte de bourdonnement. Tous les visages se tournèrent vers l’auteur de ce bruit d’autant plus infâme qu’il succédait au chant céleste. Le troisième prince se mit à rougir. Le roi commença d’un ton sec :
– Et bien Kevin, qu’as-tu à nous faire découvrir ?
L’interpellé commença à balbutier, n’ayant aucune idée de ce qu’il pourrait bien dire. Puis, il se rappela le bourdonnement et regarda son portable. Il avait reçu un message de l’horticultrice. Il le lut rapidement avant d’expliquer :
– L’expérience que je vous ai préparée se trouve en ville. Je ne peux pas vous l’amener ici, il faut aller là-bas. Et en petit comité serait préférable, précisa-t-il juste à temps.
– Vraiment ? grogna la reine. Voilà qui est fort désappointant. Et bien, allons-y tout de même.
Kevin prit le volant de la voiture qu’il avait offerte lors de la première épreuve et les emmena jusqu’à l’endroit indiqué sur le message. Plus il avançait, plus il se sentait pâlir. Il s’arrêta devant un bâtiment isolé mais bondé de monde. Sur le fronton, il y avait une grande enseigne.
– C’est ici, mon fils ? s’étonna la reine.
– La soupe populaire ? Mais tu te fiches de nous ! s’indigna le roi.
– Je vous assure que c’est bien ici. Ne vous inquiétez pas, suivez-moi.
Le prince avait voulu prendre le ton le plus réconfortant et rassurant qu’il avait. Pourtant, lui-même entendait que sa voix était blanche. Il entra d’un pas peu assuré avec ses parents sur les talons. Une personne s’avança vers eux :
– C’est fort aimable à vous d’être venus nous aider. Heureusement que vous êtes là car nos bénévoles sont tous malades aujourd’hui. Tenez, prenez ces tabliers. Madame, pouvez-vous prendre en charge la distribution du potage ? Et vous monsieur, du pain ? Jeune homme, vous vous occuperez de la vaisselle.
Et ce fut ainsi sans pouvoir dire un mot de plus que les trois personnes de la famille royale se mirent à servir la soupe aux pauvres. Les deux souverains fulminaient et le jeune prince se cachait derrière la vaisselle sale qu’il ramassait et allait ensuite laver dans l’arrière salle. Mais à chaque fois qu’il revenait les visages de ses parents se faisaient moins sombres. Vers la fin, ils en furent même rayonnants. La reine s’était échappée de la marmite et allait distribuer des bonbons aux enfants qui mangeaient finalement à leur faim. Ils prenaient les friandises avec un sourire plus rayonnant que n’importe quel soleil. Le roi discutait avec les parents en tenant deux petits bébés sur ses genoux, attendrit par les poupons. Le repas se termina petit à petit, les gens rentrèrent chez eux et le chef de l’endroit vint les remercier chaleureusement :
–Ce n’est pas la peine, répondit la reine, leurs sourires m’ont suffi.
– J’ai apprécié faire quelque chose d’utile également, renchérit le roi.
Ils prirent congé et retournèrent au château. Le résultat fut donné le soir dans la salle du trône :
– Mes enfants, commença la reine, vous nous avez tous les trois offerts un merveilleux spectacle. Je ne me lasserai jamais de contempler ce si beau tableau et je me souviendrai toujours de ce chant magnifique.
– Cependant, nous avons décidé de choisir le cadeau de notre benjamin.
– Quoi ? Mais pourquoi ? protestèrent les deux frères. Il vous a fait travailler toute l’après-midi !
– Justement, ce sont les choses simples qui sont inoubliables. Certes, nous avons accès à des plaisirs raffinés et rares. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes des hommes comme les autres au service du peuple. C’est pourquoi nous avons choisi Kevin pour cette épreuve, fit le roi.
– Maintenant, les enfants, nous allons vous donner la dernière épreuve.
– À quoi bon ? protesta l’ainé.
– Kevin a déjà remporté les deux premières épreuves. Nous n’avons aucune chance de gagner.
– C’est faux, la troisième épreuve est la plus importante. Si vous réussissez celle-ci avec brio, le trône sera à vous. Bien sûr, Kevin est avantagé grâce à son succès à ses deux premières épreuves mais vous avez encore vos chances, mes enfants.
– Et en quoi consiste cette dernière épreuve ? demandèrent les deux aînés avec espoir.
– Il vous faudra choisir femme. Vous devez prendre épouse. Enfin fiançailles, je ne tiens pas à devoir organiser trois mariages sans aucune crise économique derrière pour redonner moral au peuple. Vous avez, là encore, trois mois.
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