CHAPITRE 8 - LENDEMAIN
Le lendemain est un dimanche bienvenu. Nous sommes trop fatigués pour nous lever avant midi. La mésaventure de la veille semble déjà si loin, et pourtant, elle a laissé des marques indélébiles en chacun de nous.
Nous mangeons lentement, serrés dans ma minuscule cuisine, puis sortons prendre l’air.
Tout de suite, je sais qu’ils ne sont plus là. Ils ont abandonné leur poste. Je me sens d’autant plus à leur merci maintenant qu’ils ne me surveillent plus. Finalement je ne dois pas tant puer la mort que ça…
Antoine se tourne vers moi :
« Tu vas être un peu plus tranquille maintenant.
_ Si tu le dis… »
Instinctivement nos pieds nous amènent devant notre ancien lycée. Nous avons fait le chemin tellement de fois, que nos cerveaux sont encore conditionnés.
Le portail nous fait face. Au travers, on aperçoit la cour et les bâtiments responsables de nos heures d’ennui et de créativité. Quelques souvenirs refont surface, comme le premier jour dans ce nouvel établissement ou encore la remise des diplômes. C’est déjà loin. Je demande à mon ami :
« Tu es à l’Université maintenant ?
_ J’ai abandonné. Entre les cours et le taff, j’ai vite fait mon choix. Et puis, je ne voulais pas te donner raison tu sais, car comme tu me disais si bien, qu’est-ce que tu vas apprendre au chômage toi. »
Il m’avait cherchée ce jour-là. J’étais sur les nerfs, les examens arrivaient à grands pas, et il m’avait posé cette question « Qu’est-ce que tu vas apprendre à la fac dis-moi ? ». Ma réponse ne l’avait pas déçu.
Même si ma réputation n’était pas brillante, Antoine était toujours là pour moi. Il me lançait gentiment des piques à chaque instant de la journée, mais il me tenait compagnie, discutait avec moi, me traînait en ville et au cinéma pour me changer les idées, et surtout on s’entraidait en cours.
C’était de belles années. Mais nos chemins se sont séparés à l’entrée dans le supérieur. J’ai continué dans le but de décrocher un master, et il est parti de son côté un peu plus loin pour un projet que je n’ai jamais connu. Antoine me sort de ma rêverie :
« Tu viens chez moi ?
_ Tu as encore une piscine ?
_ A ton avis ?
_ Alors let’s go ! »
On passe la fin de la journée autour de sa piscine dans sa résidence vidée de toute présence.
« Tu vis seul maintenant ?
_ Ouais, mes parents ont déménagé. Ils m’ont laissé la maison avant de partir.
_ Ce n’est pas trop vide parfois ?
_ Je ne les voyais pas quand ils vivaient ici, parce qu’ils étaient toujours en déplacement ou au travail, donc ça ne change pas grand-chose…
_ Tu n’aurais pas des amis pour la remplir de temps en temps ?
_ Depuis qu’on a quitté le lycée, je n’ai côtoyé que très peu de personne, et jamais au point de me lier d’amitié avec eux, alors non.
_ Dommage.
_ Pourquoi cette question ?
_ On aurait pu organiser un pool party. J’aurais pu te jeter à l’eau ! »
J’accompagne mes paroles du geste, et il tombe dans la piscine sans même avoir le temps de réagir. Je m’étouffe de rire alors qu’il remonte à la surface, furieux.
« Tu es sûre de toi là ?
_ Qu’est-ce que tu vas faire ? »
Il n’essaie pas de me jeter à l’eau, non, il fait venir l’eau à moi. Il m’en envoie une bonne quantité en pleine tête avant de revenir sur le bord et de m’écraser de tout son poids sous son corps trempé.
On rit aux éclats. Et l’espace d’un instant, on oublie la veille, et nos esprits repartent quatre ans en arrière. Quand soudain, mon esprit s’embrase.
Le sol s’ouvre mes pieds. Je tombe dans une faille rougeoyante. Les murs ne sont que sang, le gouffre est sans fond. Je chute sans m’arrêter alors qu’autour de moi, des corps décharnés et des visages déformés par la douleur m’entourent en hurlant. Je ne vais jamais atterrir…
J’ouvre les yeux. La lumière du soleil me surprend. Antoine se tient à côté de moi, le visage anxieux. Que s’est-il passé ?
« Tu t’es effondrée d’un coup… Tu vas bien ? »
Je lui raconte ma vision. Son visage ne fait que s’assombrir. Il reprend la parole :
« Et si la chose avait raison ? Et si tu étais leur clé pour les guider vers je ne sais quoi ?
_ Alors pourquoi ces visions ne sont que douleur et mort ?
_ Il faudrait leur demander… »
En disant cela, il observe par-delà mon épaule. Je me retourne pour tomber nez à nez avec deux corbeaux majestueux.
Ils n’avaient finalement pas lâché l’affaire. Ils me suivaient plus discrètement c’est tout. Leurs plumages noir d’ébène se reflétaient en multiples couleurs irisées dans l’eau. Leurs yeux à la profondeur infinie me fixaient, comme s’ils essayaient de communiquer avec mon esprit. Je m’échappe une fois de plus…
Alors comme ça tu as réussi à t’en échapper ? Qu’a-t-elle bien pu voir en toi pour ne pas te tuer ? Tout ce que je vois, ce sont des questions, des doutes et aucune réponse. Tu es sûr que c’est elle ? Tu es sûr qu’elle n’a pas fait preuve de bonté ? De bonté ? Ce mot n’existe pas pour elle ! En effet… mais combien de temps va-t-il falloir attendre pour savoir ? Tu peux lui demander…
Était-ce une imagination de ma part, ou ces êtres ont-ils vraiment communiqués avec moi ? Et puis de quoi parlaient-ils ? Quelles réponses attendent-ils de moi ? Je suis un livre ouvert à leurs yeux, mais ils ne trouvent pas ce qu’ils souhaitent…
Antoine me regarde une fois de plus de façon insistante. J’ai un truc sur le visage ou quoi ? Il ouvre lentement la bouche pour difficilement articuler :
« Depuis quand tu sais croasser toi ? »
Pardon ?!
***
Salut !
Je continue tant bien que mal à écrire dès que l'inspiration fait son apparition,
La suite ne devrait pas tarder !
A bientôt :3
BNT
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