8.

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Dans un geste tendre envers Maude Cléo éteignit la lumière de la chambre, en prenant soin d’entrouvrir la porte pour ne pas jeter la pièce dans le noir complet. Maude se sentait protégée. Il se faufila sous la couette, étreignit son visage entre ses mains, se pencha sur elle et l’embrassa. Il aimait la serrer doucement contre lui, effleurer son dos, enrouler sa cuisse autour de sa jambe. Cléo fit glisser les bretelles de sa nuisette. Ses doigts plongèrent dans ses cheveux, parcoururent sa mince silhouette pour s’attarder sur ses reins avant de poursuivre et descendre jusqu’aux mollets. Elle avait les pieds glacés.

Une douce chaleur envahit Maude peu à peu. Son corps se cambra, se souleva. Elle offrait ses lèvres à ses baisers, ses seins à ses caresses. Elle frémit, désireuse de se laisser entraîner dans un jeu délicieux. Une soif d’amour intense brillait dans son regard. Mais, alors que leur soirée semblait parfaite, Maude se contracta.

« Cléo, je ne suis pas sûre… »

Il fronça les sourcils et s’écarta.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »

Elle se tourna sans rien dire. Il prit un air contrarié.

« Pour l’amour du ciel, à quoi penses-tu ? »

Maude demeurait silencieuse.

Avec un soupir, il posa la main sur son ventre. Les rideaux ouverts, un jeu d’ombre et de lumière éclaira leur visage. Il découvrit qu’inquiète, elle se mordillait les lèvres. Cléo perçut de l'inquiètude dans son regard.

« Pauline est toujours vivante, dit-elle.

— Tu sais bien que l’enquête à l’époque n’a rien donné, comment peux-tu en être aussi sûre maintenant ?

— Je le suis, c’est tout. »

Cléo repoussa la couette et se leva pour finalement se mettre à tourner en rond dans la chambre.

« J’ai entendu parler de cette affaire lors de ma formation à Toulouse. À l’époque, les enquêteurs n’avaient pas relevé d’empreintes, comme si tout laissait à penser qu’elle s’était littéralement volatilisée. Ils n’ont pas retrouvé de cadavre ni de vêtements. Il n’y avait aucune trace de scène de crime. Dans un premier temps, ils ont suspecté les parents qui n’avaient pas signalé sa disparition immédiatement. Cependant, cela ne prouvait rien.

— Et si ce jour-là, elle avait fugué.  Peut-être qu’elle était tombée amoureuse et que tous deux se sont enfuis», reprit-elle.

Cléo ne croyait pas à une telle hypothèse. Il esquissa un sourire.

« Les autorités ont sûrement dû l’envisager. Le fait est que deux adolescents auraient continué leur petite balade et leur auraient échappé pendant vingt-huit ans. Mon cœur, ce n’est pas sérieux ! Ce dont nous sommes certains, c’est qu’elle n’avait pas raté le bus qui la ramenait du collège, que le voisin l’avait aperçu s’enfoncer dans le bois et qu’un fermier du coin avait découvert sa peluche dans un buisson et ses souliers à proximité de la rivière. Un peu maigre pour résoudre une telle affaire, dès le départ ça s’annonçait mal, fit-il avant d’ajouter que seul Caleb le beau-père avait paru froid, distant au moment de sa déclaration.

— Ayden m’a raconté que les services sociaux avaient pris en charge Pauline. Une assistante du Conseil général et l’un de ses collègues étaient venus la chercher. Puis, il a fait allusion à une table que la mère aurait trouvée près de la rivière. La description correspond à celle que j’ai vue sous la rotonde chez les Grenereau, et ce n’est pas tout, la peluche de Pauline était un ourson. Il ressemble étrangement à celui d’Ayden. Je reste persuadée qu’il mêle la réalité à l’imaginaire. La question est de savoir s’il ouvre des tiroirs pour révéler les évènements tels qu’ils se sont produits ou bien s’il en donne une vision déformée.

— Tu peux oublier la piste des services sociaux, les enquêteurs n’y ont jamais fait allusion et je ne crois pas aux fantômes, souligna-t-il l’air amusé. Quant à l’ourson, des milliers d’enfants en possèdent. En revanche, je reconnais que la présence d’une Vierge sur une table basse ce n’est pas commun.

— J’ignore comment cela est possible, mais Pauline s’est manifestée près de la cabane lorsque j’y étais, je t’en ai parlé au téléphone.

— Oui, vaguement sans plus de détails ».

Jusque-là, Cléo avait conservé une attitude réfléchie, mais cette affirmation lui fit un drôle d’effet.

« Ne me dis pas que tu crois à ces hallucinations, de simples bêtises ! s’indigna-t-il en ricanant.

— Alors, c’est tout ce que tu as à répondre ! lança-t-elle les yeux levés au ciel de manière exagérée. Tu ne me crois pas? Penses-tu vraiment que c’est le moment de plaisanter !

— Excuse-moi ma chérie », dit-il en accusant sa réaction cinglante.

Cléo n’arrivait décidément pas à la prendre au sérieux.

« Ayden possède un don, il y a déjà eu des expériences similaires, et de façon étrange, il entre dans son récit avec de telles précisions… c’est comme si chaque personnage l’accaparait. »

Il souriait, et semblait trouver cette histoire bien plus amusante qu’intrigante.

« Tu n’es pas obligé, mais j’aimerais que tu m’accompagnes lundi et que tu prospectes du côté de la Bruyère, il y a certains détails que je voudrais que tu vérifies. »

À la seule évocation de la cabane dans la forêt, Maude sentit son estomac se nouer.

« Et ta conférence ?

— Je m’arrangerai. 

— Je suis pas mal occupé en ce moment, je viens tout juste d’être détaché au commissariat d’Arcachon.

— Oh, je t’en prie, Cléo, je suis sérieuse, accompagne-moi ! », dit-elle en le fixant d’un regard implorant.

Il lâcha un soupir.

« Je suppose que je n’ai pas le choix », reprit-il, en souriant, se disant que Maude savait se montrer persuasive.

Il posa sa main d’une geste tendre et protecteur dans le creux de son cou avant de l’embrasser. Sa peau était incroyablement douce. Maude allait avoir quarante-trois ans, sa peau lisse et satinée était comparable à celle d’une jeune femme, et l’expression de son visage avec les lèvres pincées le troublait. C’était si facile de se perdre dans son regard vulnérable.

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