4.

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Une heure plus tard, les yeux d’Ayden se rétrécissaient. Son regard se perdait sur sa peluche posée sur l’étagère. Il cligna plusieurs fois des cils, les battant très vite. Il bâilla et prit Captain Boum dans ses bras pour le câliner. Maude nota dans son calepin l’existence de Seeker. Le couple avait continué de vivre dans la forêt, poursuivant sa routine misérable sans être perturbé par la naissance d’un fils. Le plus étrange, ni monsieur Tach, ni les Grenereau n’avait entendu parler du gamin. Cela clochait avec l’histoire racontée par le vieil homme. Il avait déclaré que la famille avait quitté le marais après la disparition de Pauline.

Maude s’était légèrement mordu la lèvre lorsque Ayden avait mentionné le nom du professeur Frederic Royanez. Elle venait de découvrir que son voisin du bureau 112 à l’université de Bordeaux Montaigne avait grandi avec la mère de Pauline dans une Fondation située à Andernos. Bien avant la tragédie qui avait frappé cette famille, il connaissait Jeanne et sa fille. Il ressemblait trait pour trait à la description fournie par Ayden, musclé, un tempérament de feu. Elle revit l’image de la bousculade dans le couloir de la faculté et les yeux d’un bleu au couleur océan du professeur. Cette coïncidence était très étrange.

Mal à l’aise assise sur le bord du lit, Myriam croisait et décroisait les jambes. Elle prit la main de Maude. Ses doigts serrèrent les siens pour la presser d’abréger la séance.

« Nous allons te laisser te reposer, tu en as besoin, dit Maude d’une voix douce.

— Non, pas maintenant ! s’écria Ayden les yeux brillants.

— Madame Tirbois a raison, mon chéri, tu as l’air mort de fatigue, elle va revenir te voir très bientôt. »

Maude se redressa, s’approcha de lui pour l’embrasser, puis elles quittèrent ensemble la chambre. Parvenue en haut des marches, Myriam enfouit son visage entre les mains, et essuya son maquillage qui avait coulé. Elle était bouleversée.

« J’ai besoin de boire un verre d’eau», dit-elle d’un ton grave.

Delors une chaleur de plomb écrasait la Créole. Maude profita que Myriam s’était retirée dans la cuisine pour saisir son portable. Elle appela Cléo et tomba sur sa boite vocale.

Ayden apparut sur la terrasse et se glissa sans bruit dans son dos.

« Cette nuit, Pauline portait une jolie jupe et des écouteurs aux oreilles. Elle était joyeuse, elle m’a dit qu’elle aimait bien ma chambre. »

Maude sursauta et lâcha le portable.

« Elle la trouve très jolie. »

Maude se retourna et sans le quitter des yeux, elle tâtonna à la recherche du téléphone.

« Ensuite, il y a eu un gros bruit et Pauline a sauté par la fenêtre. Je l’ai vu courir sous les arbres dans le parc.

— Tu dis qu’elle portait des écouteurs.

— Oui, c’est la fille de monsieur Tach qui lui a offert. »

C’est à peine si Maude ressentit son portable vibrer dans la main. Elle répondit tout en continuant de regarder Ayden.

« C’est dingue ! J’espère que tu es assise ! Dans la cabane, on croirait que la famille va prendre son petit-déjeuner, lança Cléo. Les bols, les serviettes sont posés sur la table ! »

Le vent s’était levé d’un coup dans le marais et lacérait le timbre de sa voix.

« Maude ! Tu es toujours là ? Cette baraque me file le frisson, dans la cafetière, le jus est encore chaud !

— Chaud ?

— Ouais, et ce n’est pas tout, il y a une pendule qui affiche l’heure exacte. »

Maude ouvrit la bouche avec une succession de sons affreux qui venaient du portable.

« C’est très étrange ! Il y a… un clown… accr… sur le toit ! »

Cléo raccrocha. Il n’avait jamais vu un coup de chien se lever aussi vite. Le vent cognait fort et emportait les branches mortes dans son sillage.

Ayden était inquiet.

« La Cama Crusa va bientôt arriver, dit-il en plaçant son pouce dans la bouche.

— Qui t’a parlé de cette légende ?

— C’est Pauline, elle dit que la bête est venue chercher une personne ?

— Qui donc ? », s'enquit Maude en lui pressant la main.

Il eut un long silence avant qu’il ne reprenne.

« Elle n’a pas prononcé son nom, mais cela va se passer pendant la nouvelle lune. Pourquoi a-t-elle dit nouvelle, quelqu’un va la changer ? »,  demanda-t-il d’un air triste.

Maude se pencha sur sa peluche et lui montra la tête de Captain Boum.

« Regarde, l’œil de droite représente le soleil, et celui de gauche la terre. Mon doigt, c’est la lune. Je tourne autour de l’œil gauche et quand mon ongle se trouve entre les deux yeux, la lumière du soleil éclaire la partie en face de lui. Tu es sur la terre, donc tu ne peux voir que le côté dans le noir. C’est ce que les grandes personnes appellent la nouvelle lune.

— Chouette ! s’exclama Ayden, la lune n’est pas cassée ! »

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