4.
Maude entra dans son minuscule bureau au deuxième étage. Elle s’empressa d’ouvrir les stores de la pièce plongée dans l’obscurité. Elle posa sa serviette sur le secrétaire, s’assit et fixa le mur mitoyen à celui du professeur Royanez. Elle songea avec ironie à leur première rencontre dans le couloir en tout point semblable à la bousculade avec Maxine. Cela avait le mérite de la faire sourire.
Elle retira un dossier d’une pochette en plastique, l’ouvrit et le parcourut en l’annotant de-ci de-là. Mais, bien vite, elle s’en détourna, porta son regard vers la fenêtre et mordilla son stylo plume entre ses lèvres. Les pensées accaparées par la Fondation Haussler, elle referma le dossier, se demandant si elle n’aurait pas dû profiter de cette journée pour s’y rendre afin d’y rencontrer la directrice.
Ma petite chérie, tu dois t’armer de patience, tu es trop curieuse, voilà le problème. Franchement, sans motif valable, ta visite ne fera qu’éveiller les soupçons de Pauline. Quelle tête feras-tu si Ayden s’est trompé et que tu te trouves face à un homme ou n’importe qui d’autre d’ailleurs ?
Une demi-heure plus tard, Frederic termina son cours au milieu d’un véritable chahut. Alors que l’amphithéâtre se vidait, il s’arrêta dans l’allée centrale pour porter son regard sur une jeune femme.
Il l’avait observée cogner du bras le dessus d’un siège dans la rangée. Dans le choc, elle avait relâché ses chemises et les feuilles s’étaient étalées au sol. Elle lui sembla affolée. Frederic la trouva particulièrement charmante. Il s’approcha d’elle attirée par sa beauté et sa maladresse. Puis il s’accroupit pour l’aider à ramasser ses affaires. Leurs têtes se heurtèrent. Maxine laissa échapper un rire nerveux.
« Oh, mon Dieu ! Cela va vous paraître insensé, mais c’est la deuxième fois que je bouscule quelqu’un depuis ce matin, dit-elle d’un air embarrassé.
— Non, je suis tout aussi responsable », répondit-il d’une voix grave qui résonna contre les murs de l’amphithéâtre.
Maxine se releva en posant la main sur le pli de sa mini-jupe. Elle se sentait mal à l’aise, écrasée par sa taille, impressionnée par sa prestance.
« Je m’appelle Maxine Timber », dit-elle avec un faible sourire.
Il se borna à finir de ramasser ses carnets.
Elle prit une profonde inspiration, toussa dans son poing fermé, et le remercia. C’est alors qu’il lui proposa de la raccompagner jusqu’à la sortie de l’hémicycle. Elle ne sut quoi répondre.
« En fait, je pensais y aller seule, enfin je voulais dire… que vous devez être très occupé, dit-elle en secouant la tête.
— C’est exact, aussi je vais vous laisser, car loin de moi l’idée de vous importuner. ».
Il passa devant elle et Maxine lui emboîta le pas. Tandis qu’ils arrivaient en haut des marches, elle le saisit par le bras. Il se retourna l’air surpris.
« Je regrette professeur, je ne voulais pas vous offenser, j’ai dû vous apparaître comme une jeune femme très capricieuse.
— Ne dites pas de bêtises, vous n’avez aucune raison de vous excuser »
Il poussa la porte et l’invita de la main à la franchir en premier. Maxine s’arrêta au beau milieu.
« Ça ne vous embête pas, si je vous pose une question ?
— Bien sûr que non, dit-il.
— Durant votre cours, j’ai remarqué que le terme Came Cruse avait de nombreuses interprétations, jambe crue, nue, cuite, selon vous, laquelle vous paraît la plus plausible ? », lança-t-elle en plongeant son regard dans ses yeux bleus.
Il haussa tout d’abord un sourcil puis ses traits s’adoucirent quand il esquissa un sourire.
« Tout ce que je peux vous dire, c’est que la notion de corps cru ou cuit opposait deux mondes. D’un côté, la croyance populaire du Moyen Âge qui distinguait la chair appelée cadavres sans âme, de la viande cuite possédée par les créatures maléfiques.
— Pourquoi cela ? demanda-t-elle en observant ses fossettes au-dessus de sa barbe.
— Il est probable que les gens parlaient de carcasse crue mangée par les hommes.
— Quelle horreur ! », dit-elle en caressant ses frisottis.
Maxine apparaissait pendue à ses lèvres.
« C’est merveilleux ! lança-t-elle.
— Quoi donc ? s’enquit-il.
— Je… je ne sais pas », ajouta-t-elle les joues rouges.
Elle eut l’impression de paraître idiote. Maxine le remercia et partit d’un pas rapide. Frederic la regarda s’en aller se disant qu’aussi loin qu’il se souvienne, il n’avait jamais rencontré une jeune femme si angélique. Il se dirigea vers l’escalier et gravit les marches d’un pas léger.
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