1 — Le fiasco (3)

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Je me rendis en début d’après-midi à la Bibliothèque Universitaire d’Augusta pour approfondir mes recherches. Mon premier objectif était d’identifier des témoins avec qui je pourrais m’entretenir. Malheureusement, il ne restait plus beaucoup de collaborateurs l’ayant connu de son vivant encore de ce monde. Je tentai d'abord la piste la plus évidente : ses héritiers, Francis et Isabelle Van Enhoorte.

Francis Van Enhoorte est né en 1985, premier enfant du couple. Contrairement à son paternel, il n’avait pas embrassé de carrière universitaire ou scientifique, mais se tourna vers le journalisme. Il fut reporter photo pour plusieurs magazines et couvrit également les expéditions de son père. Un contrat trouvé à ce sujet dans les archives de l’entreprise familiale montrait que celle du fiston avait obtenu l’exclusivité des droits sur les clichés pris. Malin.

Isabelle était la sœur cadette de Francis, née en 1989, et marchant dans les traces de papa. Elle poursuivit la voie universitaire, et devint archéologue experte dans l’étude des anciennes civilisations. Elle mena une brillante carrière durant laquelle elle monta ses propres expéditions de fouilles. Sa découverte la plus notable fut celle d’une cité antique à proximité de Tipersis, la capitale de la verdoyante région de Gyptios. Ces ruines enfouies depuis des millénaires virent la lumière du soleil pour la première fois grâce à des moyens techniques sophistiqués.

L’autre collaborateur que je pus identifier n’était pas un membre de la famille, mais un proche ami. Il s’agissait de Robert Worthstram, associé de Van Enhoorte. Ce n’était pas un scientifique, mais un homme d’affaires, un investisseur et l’un des principaux soutiens financiers de l’explorateur. Il possédait une galerie d’art et d’histoire non loin de l’Université d’Augusta dans laquelle des artefacts découverts par Van Enhoorte étaient exposés. Je me notais d’aller y faire un tour à l’occasion. Hélas, sa qualité de témoin s’envola à la lecture de sa nécrologie. Il mourut en 2020 d’un accident d’escalade. La même année que Van Enhoorte. Les derniers articles qui évoquaient la salle Worthstram dataient un peu, mais elle serait toujours en activité malgré une période difficile.

Je fus étonné de voir que les documents de l’Université d’Augusta sur ses expéditions ne mentionnaient aucun autre participant, alors qu’il était connu pour s’entourer de ses étudiants les plus proches. Cela enrichissait leur cursus en ajoutant une ligne prestigieuse dans leur résumé de carrière. Ce fut d’ailleurs l’un des tremplins de celle de sa propre fille. Quel dommage, les jeunes de cette époque avaient de fortes chances d’être encore en vie de nos jours pour obtenir un témoignage de leur part.

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Mon second passage à la Bibliothèque Universitaire d’Augusta le lendemain fut source de déception. Une maintenance en cours immobilisait presque tous les ordinateurs. Je dus recourir à de la bonne vieille lecture papier après m’être explosé les yeux sur les écrans. Un étudiant de la discipline informatique s’occupait de recopier les bases de données documentaires d’une machine à l’autre. Je n’y connaissais pas grand-chose dans le domaine, mais vue de ma fenêtre, c’était une tâche ingrate. Il s’installait devant un ordinateur, branchait une sorte de stockage externe, pianotait deux ou trois trucs, attendait, débranchait, redémarrait l’engin, et ainsi de suite. Sa tronche me disait qu’il était au bout de sa vie. Mon pauvre, si t’es déjà comme ça, imagine quand t’auras vingt piges de plus comme moi, compatissais-je intérieurement.

Les livres de l’Université restaient une source inépuisable d’information, mais l’informatique faisait gagner un temps fou dans la recherche. Il me suffisait de saisir « liste des collaborateurs de Nigel Van Enhoorte » pour que la machine me retourne une synthèse avec les liens vers les documents de référence. Elle pouvait même me les résumer et les classer selon la pertinence. Tant pis, on fera sans.

Dans tous les cas, mon plan d’enquête se dessinait, et je tenais ma prochaine étape : m’entretenir avec les héritiers de Van Enhoorte. Je décidai de faire un détour par le bureau de mon agent au retour, un appui de l’éditeur ne sera pas de trop pour jouer la diplomatie avec des témoins qui ne sont plus de première jeunesse.

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