16 – La lettre (2/3)

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— Et merde ! hurlai-je.

Je venais de faire tomber mes affaires alors que je tentais de refermer ma boîte aux lettres. Heureusement, rien n’était fragile, mais je me flagellais en me disant que j’aurais dû prendre un sac pour trimballer tout ça. Quelle idée d’avoir entrepris cette acrobatie en étant aussi encombré ! Et pourquoi n’avais-je pas eu la patience de ranger ce bordel et redescendre ensuite ? C’était le genre d’instant où je me détestais encore plus que d’ordinaire.

— Laissez-moi vous aider, fit une voix féminine.

J’étais à quatre pattes à ramasser tout mon foutoir sans spécialement prêter attention à elle. Elle récupéra les produits de la trousse de secours qui s’était ouverte et les fourra dedans. Elle me la tendit alors que je venais de me relever.

— Merci, fis-je un peu gêné. Vous pouvez la poser sur la boîte, s’il vous plaît ?

Elle s’exécuta avec délicatesse puis bloqua la porte pour me laisser entrer. J’étais tellement préoccupé à maintenir mon équilibre que je n’avais même pas cherché à savoir si c’était une voisine ou une personne de passage. Je me retournai pour la remercier et constatai qu’elle était partie sans demander son reste. Elle m’avait l’air bien pressée.

J’ai l’impression de l’avoir déjà croisée quelque part, cette blonde.

Je déposai tout mon fatras sur la table dès mon arrivée à l’appartement. À côté se trouvaient un sac de randonnée, quelques outils pliables, comme une pelle, une torche, mon appareil photo avec trois pellicules, des cartes de la région d’Ughvaere, et d’autres menues bricoles qui pourraient me servir. J’avais aussi pris du temps pour recopier les dessins de Marie qui me semblaient représenter la fameuse caverne. Je n’avais pas son talent, mais un peu d’ingéniosité à base de rétroéclairage me permit d’en faire des reproductions fidèles. Ces documents étaient trop précieux pour être confiés à un imprimeur du coin, alors j’avais décidé de continuer à travailler sur mes propres imitations. Il me restait encore quelques papiers à retranscrire, mais c’était tellement long et fastidieux que je préférais faire une pause et poursuivre les emplettes pour mon équipement.

Je m’affalais dans mon fauteuil pour me détendre, puis attrapai du bout des doigts la missive récupérée dans ma boîte aux lettres.

— Bizarre, m’étonnai-je.

L’enveloppe ne mentionnait pas d’expéditeur et l’absence d’affranchissement suggérait que quelqu’un l’aurait déposée. J’aurais pensé à une erreur s’il n’y avait pas eu « A.C. », mes initiales, inscrites dessus. Je sortis le courrier et le dépliai.

Mon cœur s’arrêta de battre pendant quelques instants et je me sentis blêmir. Je haletai comme si je reprenais mon souffle à l’issue d’une longue apnée. Ce courrier avait été rédigé à la machine et ne contenait qu’une seule ligne.

Vous ne savez pas dans quoi vous vous embarquez, laissez tomber avant qu’il ne soit trop tard.

— Des… menaces ? bredouillai-je.

J’étais abasourdi. Comment une simple enquête sur un personnage historique pouvait-elle susciter ce genre de tentative d’intimidation ? D’où ça venait ? Pourquoi ?

Je me torturais de questions tout en relisant en boucle ces dix-sept mots.

J’eus une soudaine révélation. La nana à l’entrée qui m’avait aidé, cette blonde. Elle m’avait laissé une impression de déjà-vu, et cela me revint. C’était elle que j’avais rencontrée après avoir quitté Rafael Hernandez. J’essayai de me rappeler tant bien que mal son apparence. Elle avait les cheveux flamboyants attachés à l’arrière, les yeux d’un bleu vif, un visage sérieux, mais amical. Elle portait un tailleur plutôt chic, tout en noir, avec une chemise blanche.

Je m’enfonçai dans mon fauteuil et me décomposai. Hernandez m’avait bassiné avec ses « agents » et je l’avais pris pour un fou. Je pris conscience avec cette lettre de menace que cette partie de son récit n’était pas si délirante non plus.

Pourtant, j’avais des doutes. Si c’était elle qui avait déposé ce message, pourquoi se serait-elle donné du mal pour m’aider à l’entrée ? Je consultai mes notes de l’entretien avec Hernandez et relus les passages au sujet des « agents ». Ce mode opératoire ne collait pas.

— C’était il y a plus de trente ans, auraient-ils changé de méthode ? m’interrogeai-je à voix haute.

Et merde, voilà que je commençais à croire en ce délire. Je désespérais à l’idée de trouver une idée plus rationnelle, sans y parvenir.

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