21 — Dans les ténèbres (4/4)
Le vent gelé continuait de lacérer mon visage durant la descente. J’avais bien fait d’acheter une écharpe ce matin en allant récupérer le vélo, ça atténuait. Cette balade me procura du plaisir et me fit retrouver un semblant de sérénité. Mon cerveau cherchait à tisser des connexions et des conjonctures après cette journée riche en découvertes et en émotions.
Mes sentiments étaient toujours partagés entre déception, crainte, colère, et euphorie. On m’avait aidé, c’était désormais une évidence. Je tentai de dresser une liste de suspects. Les agents de Hernandez ? J’avais plus ou moins compris lors de ma discussion avec le type à la gare que l’ancien assistant faisait fausse route. Ce gars-là en savait bien plus qu’il ne voulait le dire. Il avait la première place du classement. Les personnes qui ont fait pression contre Van Enhoorte à plusieurs reprises ? Les mêmes qui m’auraient menacé avec Nathalie ? Impossible qu’ils m’aient aidé.
Je bifurquai du sentier de randonnée pour retrouver un petit chemin de campagne longé par un fossé et la forêt. Ughvaere se rapprochait tout doucement. Avec toutes mes réflexions, je ne voyais pas le trajet passer.
Ni le grand rouquin qui apparut de nulle part, qui se tenait debout, quelques mètres devant moi. J’écrasai les deux freins. La roue arrière se bloqua et dessina une trace noire sur le bitume. Je perdis le contrôle et faillis me casser la gueule. Après quelques longues secondes de frayeur, je parvins à stopper la bécane tout en gardant un semblant de stabilité. Mon sac à dos bien lourd me déséquilibrait et je manquai plusieurs fois de tomber. Mes jambes tremblaient et mon cœur battait à toute allure. Je scrutai autour de moi, personne. Voilà que je commençais à avoir des hallucinations.
Je me remis de mes émotions, et ensuite, je mis mon pied sur la pédale pour redémarrer. Au moment où j’entamai mon mouvement, je sentis quelque chose me percuter violemment sur le côté. Je valdinguai et roulai dans le fossé jusqu’à atteindre le fond. Le vélo tomba à côté de moi et manqua de m’éclater le crâne si je n'avais pas porté pas le casque.
La douleur déchirait mon corps. Je me recroquevillai en gémissant, le souffle coupé, un goût métallique dans la bouche. J’entendis quelques rires satisfaits, des paroles menaçantes. Une violente souffrance explosa depuis mon ventre pour se propager partout ailleurs. J’eus envie de vomir et crachai de la bile. On venait de me foutre un coup de pied, ce n’était pas possible autrement. Un second arriva. Mes yeux restaient fermés, j’ignorais ce qu’il se passait. Je protégeai ma tête avec mes bras, je hurlai, j’implorai qu’on arrête de me faire du mal en vain.
Puis les rires moqueurs se transformèrent en cris de surprise.
— Putain ! C’est elle !
— Butez-la !
Et le calme revint.
Mon corps n’était plus qu’une épave pathétique souffrant le martyre et versant des larmes. Mes oreilles bourdonnaient, je me sentais faiblir, ma conscience vacillait.
Une main douce me caressa la joue en me promettant que « ça va aller » juste avant que je ne tombe dans les pommes.
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