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L’après-midi de ce premier jour, Marc m’avait emmenée faire le tour de « Sether Creek », nom de la propriété. Le terrain, sans être immense, couvrait une bande de la rive sud du lac, avec d’un côté de hautes collines dissimulant de multiples chemins forestiers, et de l’autre la zone habitée. Janet et Ryan avaient construit leur maison au pied d’une butte, celle de Marc se trouvait plus loin, en bordure de l’eau et côtoyait de grands pins. Une véritable carte postale !

Nous avions commencé par les garages abritant deux motoneiges et du matériel, puis par les baraquements réservés aux visiteurs. En fait, deux chalets situés non loin du lac, au creux d’une petite crique sableuse. Chacun pouvait accueillir quatre personnes. Les gens qui venaient ici devaient se souvenir longtemps de ce paysage partagé entre eau et forêt. Janet était responsable de la décoration et de l’entretien. Malheur à qui rentrait les pieds sales : il en ressortait plus mort que vivant. Je ris en imaginant mon amie en mégère, du peu que je la connaissais, je ne la voyais pas dans ce rôle. Nous avions suivi la rive du lac. Une centaine de mètres nous séparaient d’un garage dans lequel étaient entreposés des canoës et des kayaks. En face, un petit ponton s’avançait sur l’eau. Marc, en rigolant, m’avait demandé si j’avais des compétences en matière de navigation, face à mon haussement d’épaules, il m’avait expliqué pourquoi.

« C’est une nouvelle activité que nous lançons, comme tu peux voir, les bateaux sont neufs. John s’occupera de la développer, il a les brevets, mais n’y arrivera pas tout seul. Nous avons enregistré beaucoup de requêtes et, pour l’instant, personne n’a répondu à notre annonce d’embauche afin de le seconder. La saison va démarrer, nous allons refuser du monde. »

Je lui rappelais que j’avais vécu cinq ans à Venise, et qu’avec mon père, nous avions une barque pour nous déplacer sur les canaux. Un permis de navigation était nécessaire, mais je doutais de sa validité ici, et de toute façon, mes papiers étaient restés en France. Toutefois, je pourrais aider.

« D’ac ! », avait-il répondu avant d’ajouter « viens, je vais te présenter Vasco de Gama, Magellan, Colomb et toute la bande. »

Je compris qu’il me parlait des chiens Huskies. Leur enclos se trouvait derrière la maison de Ryan, d’ailleurs, le « Géant », comme j’allais le surnommer, s’occupait à nettoyer les niches. Chaque animal avait la sienne, construite par Marc, le grand luxe. Ces bêtes étaient d’une beauté incroyable, le bleu acier de leurs yeux m’électrisait.

« Voilà la fierté de notre entreprise ! Nous avons commencé avec six chiens, à présent, ils sont seize, de quoi tracter deux traîneaux. Avec eux, nous organisons des balades et des treks de plusieurs jours lorsque le temps le permet. Nous avons bâti notre renommée avec eux, sans eux, nous n’existerions pas. Tu vois Vasco ? Sa niche domine la meute, c’est le chef incontesté. »

J’avais fait oui de la tête.

« Approche-toi doucement de lui et plonge ton regard dans le sien. Après, propose ta main, s’il te lèche la paume, c’est que tu l’as conquis. Ne t’inquiète pas, il ne te mordra pas. »

J’avançais. À hauteur de Géant, j’avais posé une bise contre sa joue. Il m’avait souri. J’avais fixé Vasco de Gama à me perdre dans la couleur de ses yeux. J’y avais d’abord vu la sagesse et la force tranquille de celui que rien n’arrête, l’aura de celui qui franchit les obstacles, l’envie de courir toujours plus loin, d’entraîner à sa file ses compagnons de voyage. J’y avais vu les lacs gelés du Yukon, les arbres ployant de neige, les étendues immaculées et désertes, celles où, un jour, il m’emmènerait. Ma main s’était approchée de son museau, il avait enfoui sa truffe dans ma paume, ne m’avait pas léchée. Vasco s’était assis, m’offrant sa toison. J’avais perdu mes doigts dans son pelage blanc, doux et chaud, puis avais posé mes fesses à ses côtés. J’avais regardé Marc et Géant, tous deux n’en revenaient pas.

Je restais avec Vasco. Marc, parti s’occuper, comprenant qu’un truc se passait entre son chien et moi, Géant le suivit. Janet et ses enfants avaient déboulé trois minutes plus tard au bas de l’enclos, ils m’avaient adressé des signes de mains puis avaient disparu à leur tour. Je ne peux dire combien de temps j’avais tenu compagnie à l’animal, seul l’air frais de la fin de journée m’avait obligée à me lever. Je lui promettais de venir le voir tous les jours, puis regagnais la terrasse de la maison de Ryan. Tous, autour d’un brasero, préparaient l’arrivée d’un groupe le lendemain soir. Je m’étais jointe, sans un mot, au cercle, Géant m’avait fait une place. Contre lui, je n’avais pas eu froid.

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