Chapitre 1

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« Il ne reste qu'une ligne droite mademoiselle ! » vocifère l'homme à l'avant de la charette, me sortant d'un sommeil agité.

Je me redresse en m'étirant après un inconfortable repos sur une botte de foin. Entourée de sacs en jutes débordant de patates, j'avoue en avoir subtilisé quelques-unes sans vraiment avoir l'autorisation du cher conducteur.

La charrette avance tranquillement, entourée des érables rouge, typique du district de Chuo-ku, ayant déjà eu l'opportunité de le visiter enfant avec mon père. Bercée par le bruits des sabots frappant le sols terreux, le ruissèlement de la rivière nichée au cœur de la foret, les gazouillis des hirondelles et le bruissement des feuilles.

« Et donc, une aussi belle jeune femme que vous est jardinière ? Je vous aurai plutot vue en geisha ou en oiran. » déclare le conducteur, attirrant mon attention.

Je soupire silencieusement à sa remarque, et reporte mon regard vers le ciel. « Herboriste, pas jardinière. Et sachez monsieur que mes intêrets se portent sur l'art des plantes, non sur celui de divertir. »

Il ajusta son chapeau en paille tressées avant de ricaner. « Je vois. »

L'ère Tokugawa, une période initialement marqué par la paix à connue un basculement inattendu lorsqu'une maladie mystérieuse à frappée Osaka. Nous qui pensions entrer en temps de tranquilité après les terreurs des époques prédédentes...

Mes yeux ont à peine le temps de se refermer que la charrete s'arrete brusquement me faisant remuer, moi, et les sacs de patates.

« Allez, nous y sommes », déclare l'homme alors que je me redresse rapidement et fait un petit saut pour descendre, mes zori aux semelles rouges touchant enfin le sol.

Je fais le tour de la charrette, et joint les mains avant de m'incliner trois fois d'affilées. « Merci beaucoup pour le voyage ! »

Il me fit un petit mouvement de tête en réponse et je le quitta pour rejoindre le quartier

* * *

En franchissant les immenses portes, je suis immédiatement immergé dans le quartier des affaires et de la luxure ; Chuo-ku. Je ne peux qu'être éblouie face aux rue animées par les habitants, les canaux où baignent à travers tout le district, des carpes, des lanternes encore éteintes mais tout de même colorés et magnifiques arpentent au dessus de ma tête remuée par la brise et je ne peux que m'imaginer caresser un des adorables petits renards qui se baladent dans les forêts de bambou. Les allées de cerisiers s'étendent dans toutes leurs splendeurs et le château d'Osaka, demeure du shogun, visible au loin, rend le paysage encore plus resplendissant.

En réalité, toute cette agitation n'est pas si étonnante, après tout la maladie à commencer à s'étendre au nord d'Osaka, ici au sud, à l'exacte opposée, nous paraissons bien loin de la catastrophe, et pourtant elle existe bel et bien et elle arrive à grand pas...

« Vous voilà enfin ! » psalmodie un homme en arrivant vers moi. Un sourire éclaire son visage, ses mains jointes dans un geste de bienvenue.

Ses lunettes rondes, ses cheveux brun plaquée en arrière et son sourire lui confère immédiatement une certaine empathie alors que je me tourne vers lui.

Il me tend une main, j'hésite un instant, puis je tends la mienne pour serrer la sienne.

« Mademoiselle Hanaroshi, fille de l'herboriste Hanaroshi Hozuki, c'est bien cela ? »

Étonnée, je hoche la tête. « Comment... comment m'avez vous reconnue ? »

« Voyons, je vous ai déjà rencontré. Certes il y a bien longtemps, mais je n'oublie pas un visage. Surtout s'il est aussi ravissant que le vôtre. »

Je rougis légèrement, gênée par son compliment, mais je tente de garder mon calme. « Vous m'accordez trop d'honneur, monsieur... »

« Kento Uruma, humble serviteur du daimyo Kojiromi. Je suis chargé de vous conduire au domaine, si vous voulez bien me suivre. »

Je me contente de hocher la tête, tentant de masquer la nervosité qui commence à s'installer en moi. « Bien sûr, je vous suis. »

Uruma m'offre un sourire rassurant avant de se tourner et de m'indiquer le chemin à suivre. Nous traversons les rues du quartier, les marchands déballent leurs étals avec frénésie, tandis que des femmes en kimonos colorés se dirigent vers les temples, leurs rires joyeux s'élevant dans l'air.

L'odeur alléchante des stands de nourriture emplit mes narines, une symphonie de parfums épicés et sucrés qui chatouillent mes sens. Un vent léger agite les branches des cerisiers bordant l'allée, déposant un tapis de pétales roses sur notre passage.

« Qu'adviendra-t-il de Chuo-ku si le Kuroikiri se répand jusqu'ici... ? » questionne Uruma.

Je remarque ses mains entrelacées dans son dos, se serrant jusqu'à en rougir. Mon regard se pose sur un petit groupe d'enfants jouant avec des cerfs-volants, un soupir m'échappe alors que je me surprends à imaginer le quartier dans un état de désolation après le passage dévastateur de la maladie.

« Je ne sais pas... » murmuré-je, ma voix à peine audible face aux pensées sombres qui m'assaillent, et que je m'efforce de chasser. « Mais... nous devons tout faire pour éviter cette catastrophe, » dis-je d'une voix assurée, masquant la terreur qui gronde en moi, prête à éclater à tout moment.

Nous traversons un pont de bois, sous lequel coule paisiblement une rivière, et bientôt, les rues animées laissent place à un sentier plus tranquille, bordé d'arbres majestueux dont les feuilles bruissent doucement au gré du vent. Enfin, au bout du sentier, le domaine du daimyo se dévoile. Une vaste demeure aux toits en pente douce, et aux murs de bois. Une enseigne en or au-dessus des portes d'entrée, aussi magnifique soit-elle, arbore le nom "Kojiromi".

Uruma pousse les portes d'entrée, et je pénètre dans l'enceinte du domaine. L'intérieur est aussi splendide que l'extérieur, le hall principal est ornés de peintures délicates et de paravents finement décorés. Nous marchons en silence jusqu'au pavillon intérieur, où je suis attendue.

Lorsque nous arrivons enfin, Uruma s'arrête devant une grande porte coulissante, ornée de motifs représentant des grues en vol au dessus du mont Fuji. Alors qu'il était que le point de frapper, la porte glissa et un homme aussi grand qu'Uruma même peut-être un peu plus, sorti avant de nous jeter un regard.

Urama s'inclina tandis que je le regarde faire sans comprendre quoi que se soit.

« Bonsoir, jeune maître », dit Uruma d'un ton toujours calme et respectueux.

L'homme, immobile, ne répond pas à la salutation d'Uruma et au lieu de cela il pose son regard froid sur moi, me figeant à mon tour. Uruma se redresse et l'homme finit enfin par bouger, il se retourne et s'en va sans un mot.

Je le regarde s'éloigner dans le couloir, son kimono gris contrastant avec la noirceur de ses longs cheveux qui cascadent dans son dos. Je me surprend à l'observer intensément quand la voix d'Uruma me fait sursauter.

« Maître ? » murmure Uruma devant la porte grande ouverte.

Une voix grave et posée se fit alors entendre de l'intérieur : « Entrez. »

Uruma s'écarta alors pour me laisser entrer. Je traversant le shoji, et découvre le daimyo Kojiromi assis en tailleur sur un tatami, vêtu d'un kosode de soie marron aux motifs shippo, sobres mais élégants. Ses yeux, aussi sombres que la nuit, semblable à l'homme de tout à l'heure, fixent un bouquin ouvert dans sa main.

Je m'incline profondément devant lui, comme le veut la coutume. « Daimyo Kojiromi, c'est un honneur de vous revoir. »

Un léger sourire éclaire son visage autrefois concentré, et il incline la tête en retour. « Mademoiselle Hanaroshi... C'est également un plaisir de vous revoir et de constater comme vous avez grandi. »

Sa voix éveillent en moi, un écho lointain de cette journée passée ici avec mon père. Une image floue de moi courant dans les couloirs du domaine, sous les regards bienveillants du daimyo et de mon père... Je ressens soudain une vague de nostalgie, mais je me force à rester concentrée sur le présent.

« Je suis ici pour servir, comme mon père l'aurait fait. »

Il hoche la tête, satisfait. « Votre père est un homme remarquable, et je suis certain que vous avez hérité de ses talents. Je prie pour qu'il s'en remette. »

Je me redresse lentement, sentant son regard sur moi. « C'est un homme persévérant, il s'en sortira. Merci quand même pour votre soutien. »

En refermant et déposant son livre sur la petite table basse devant lui, il fait un geste de la main, m'invitant à m'asseoir en face de lui. Je m'exécute, alors qu'Uruma se poste devant la porte les bras dans le dos.

« Cette maladie, » commence-t-il d'une voix grave, « est comme rien que nous n'avons jamais connu. Elle frappe sans prévenir, et aucun remède ne semble l'arrêter. Les meilleurs médecins de la région ont échoué à en trouver la cause ou le remède. »

« Qu'en est-il précisément des symptômes ? »

« De ce que j'en sais, les malades présentent une faiblesse extrême, des vertiges, une forte fièvre qui ne baisse pas, elle touche tout le monde, les plus petits comme les plus âgés. Mais le plus étrange reste les taches noires apparaissant sur les corps. La maladie aurait été nommé "Kuroikiri" pour cette raison. »

Je fronce les sourcils, réfléchissant à ses paroles. « Et vous dites que les remèdes traditionnels n'ont eu aucun effet ? »

« Aucun. Les herbes les plus puissantes, les potions les plus savantes, tout a échoué. C'est pourquoi j'ai pensé à vous. Votre père avait une façon unique de voir les choses, de combiner des plantes que personne d'autre n'aurait pensé à associer. Peut-être trouverez-vous une solution là où les autres ont échoué. »

Je hoche lentement la tête, les pensées tournant à toute vitesse dans mon esprit. Une maladie mystérieuse, qui cible absolument tout le monde, et qui résiste à tous les remèdes connus... ça me parait plus qu'interessant.

« Si vous le voulez bien, j'aimerais commencer par examiner les plantes locales, » dis-je finalement.

Le daimyo m'observe un instant, puis hoche la tête, l'ombre d'un sourire passant sur son visage. « Vous êtes votre père tout craché. Je savais que je pouvais compter sur vous. Uruma vous montrera notre jardin. Faites-moi savoir dès que vous aurez des résultats. »

Je me relève avant de m'incliner à nouveau. « Je vous tiendrai informé. »

Alors que je me retire, accompagnée d'Uruma, une nouvelle énergie me parcourt. La tâche est immense, mais je sens au fond de moi que j'ai un rôle à jouer dans cette bataille. La nature recèle encore de nombreux secrets, et il est temps de les découvrir.

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