Chapitre 2

7 minutes de lecture

Uruma m’emmène enfin à l'arrière du domaine, un espace ouvert où je sens déjà l’air frais caresser mon visage. En arrivant, un Torii immense nous accueille tel un seuil sacré vers un autre monde. En baissant la tête, mon souffle se coupe presque pour un instant, alors que mes yeux balaie l’espace verdoyant qui se déploie devant moi.

Les rayons du soleil caressent les champs de fleurs multicolores, transformant le jardin en un véritable kaléidoscope où les couleurs dansent et se mêlent sous mes yeux éblouis. Les plantes en pots, disposées avec un soin méticuleux, créent une harmonie parfaite. Tandis que des arbres aux feuillages vibrants et aux floraisons éclatantes ornent chaque recoin du jardin.

Un ruisseau sinueux traverse le jardin, son eau cristalline scintillant sous la lumière du jour. Plusieurs petits ponts en bois dispersés un peu partout, enjambent le cours d'eau.

D’autres Torii plus petits, éparpillés ici et là, menent à des cabanes. Abritant probablement du matériel de jardinage et des végétaux fragiles face aux rayons du soleil.

« Nom d'un dragon... » souffle-je, incapable de contenir mon émerveillement face à un tel spectacle. Cet endroit m’a tout l’air d’être un vrai paradis sur terre.

Uruma m'indique du bout des doigts une grande table en bois située sous un cerisier gigantesque. Ses branches, lourdement chargées de sakura, créent une canopée rose scintillante.

Cette table, taillée dans un bois massif, est une véritable œuvre d'art. Chargée d'instruments et d'ustensiles d’herboristerie en tous genres, disposés avec une précision méticuleuse comme s'ils n'attendaient que moi.

Il me précise que cet espace m'est réservé et que je suis libre de découvrir la première moitié du jardin.

Je descends lentement les quatre petites marches menant au parterre de gravier blanc ratissé avec une précision implacable, chaque grain semblant avoir trouvé sa place.

En avançant, je frôle du bout des doigts le bois lisse et ambré de la table, avant de poser mes mains à plat sur sa surface, m'imprégnant du plaisir de découvrir ces outils.

« N'oubliez pas que ces instruments vous appartiennent à présent, ceci est un humble cadeau du daimyo. »

« Je le remercie sincèrement, et je jure d'en prendre le plus grand soin. »

Avant de partir, Uruma me rappelle de ne pas hésiter à le contacter en cas de problème. Il me salue respectueusement et me laisse à la découverte de mon nouveau terrain de travail.

Je relève la tête, les yeux brillants d'excitation, et observe avec admiration la variété d’objets disposés devant moi. L'anticipation de pouvoir les utiliser à ma guise me fait presque trembler.

Mais soudain, vif et pénétrant, un son résonna dans mes oreilles. Me faisant sursauter et brisant la tranquillité du jardin. Je me retourne et balaie du regard les environs.

Alors que les échos se dissipe peu à peu, je réalise avec une clarté croissante qu’il s’agissait d’un cri d’enfant, empreint d’une détresse poignante qui me saisit au cœur.

Mes pensées s'emballe et une vague d'angoisse m'envahit ; je pensais être seule ici.

Ma main, encore posée sur la table, se referme instinctivement, mes doigts s’enfonçant dans le bois tandis que je tente de réfléchir à ce que je dois faire. L’inquiétude se mêle à la peur, formant un nœud glacé dans mon estomac.

Mais je me ressaisis. Bon sang, c’était le cri d’un enfant ! Je ne peux pas rester là, paralysée par la peur, alors qu’un pauvre gamin est peut-être en danger.

Rassemblant tout mon courage, je prends la décision de découvrir l’origine de ce cri inquiétant.

Je sens une légère hésitation me saisir, et des souvenirs d’enfance remontent soudainement à la surface : les histoires effrayantes que mon père aimait me raconter lorsqu’il s’ennuyait.

Je secoue la tête pour chasser ces pensées absurdes, me rappelant que ce n’est pas le moment de laisser la peur me paralyser.

* * *

Après avoir suivi un sentier de pierres dissimulé parmi la végétation luxuriante, j'arrive devant un espace discret. Une petite cabane, presque invisible sous l'ombre généreuse d'un grand chaîne, se dresse devant moi.

Des yotsume-gaki délimitent un chemin étroit menant au centre de cet espace. Là, où sur un sol de tatami, j'aperçois deux personnes qui capturent immédiatement mon attention.

L'une d'elles est un petit garçon, probablement âgé de huit ou neuf ans. Il porte un uwagi et un zubon blancs, ornés du symbole du clan Kojiromi : un soleil rouge avec trois bambous dressés devant.

Dans ses petites mains, il tient un shinai. Sa posture est légèrement recroquevillée, comme si le poids de l'arme était trop lourd pour lui. Son visage est crispé, déformé par une expression ambiguë où se mêlent douleur et peur.

Face à lui, un homme à la figure imposante s'élance soudainement. Avant que je ne puisse comprendre ce qu'il se passe, l'homme frappe violemment l'enfant avec son shinai.se passe, il frappe violemment l'enfant avec son shinai.

Celui-ci tente de bloquer le coup, mais le choc est beaucoup trop brutal, projetant le garçon en arrière. Il tombe lourdement sur le sol, son arme s’envolant et retombant plus loin.

Sidérée par cette violence, mes yeux s'écarquillent tandis que ma main vient couvrir mes lèvres. Une onde de choc traverse mon corps, laissant place à une indignation grandissante.

« Debout », ordonne l'homme d'une voix glaciale, se redressant de toute sa hauteur et dominant la scène.

« ...A– Attends, grand frère, je– » balbutie le garçon, sa voix tremblante trahissant sa douleur.

« DEBOUT », répète-t-il avec insistance, pointant son shinai vers le garçon au sol.

À cet instant, la peur qui m'habitait s'évapora, remplacée par une colère ardente que je ne pouvais plus contenir. Je me précipita vers eux, et me jeta sur le petit garçon pour le protéger.

« Ne vois-tu pas qu'il a mal ?! T'es aveugle ou quoi ?! » m'écriai-je, ma voix vibrant d'indignation tandis que je couvre l'enfant de mon corps, mon regard furieux fixé sur l'inindividu face à moi.

Désormais plus proche, je reconnue immédiatement l’homme que nous avions croisé en allant voir le daimyo. Son kimono gris anthracite, complètement ouvert, flotte à ses deux côtés. Cette couleur faisant ressortir la pâleur de sa peau.

Et ses yeux, aussi noirs que l'obsidienne, semblent absorber toute la lumière, reflétant une froideur presque inhumaine.

La brise soufflait doucement sur ses mèches noirs, lisses et fines. Tombant en mèches indisciplinées sur ses épaules et jusqu’au bas de son dos.

Il serre fermement le shinai dans une main, immobile un instant, ses lèvres se pinçant légèrement. Son regard transperce le mien avec une intensité mortellement glaciale.

La chaleur de ma colère se heurte à son regard impassible, qui semble indifférent à mon intervention.

« Bordel, qui es-tu ? » gronde-t-il, sa voix grondant comme le tonnerre.

La pointe du shinai reste menaçante devant mon visage, ses yeux plongeant dans les miens avec une intensité insoutenable. Je déglutis, mes bras se resserrant autour du garçon, qui, malgré les larmes aux coins de ses yeux, s'efforce de ne pas pleurer.

« Mon identité n'a aucune importance. Fiche la paix à ce gosse, » grommelé-je, en luttant pour dissimuler la nervosité qui tambourine dans ma poitrine.

Il me scrute un instant, et j’arrive à déceler un léger tressaillement dans ses yeux. Lentement, il abaisse le shinai qu'il tenait si fermement que le bambou commençait à craquer sous ses doigts.

Sa mâchoire se contracte, ses dents se serrant avec une telle force que je crains qu'elles ne se brisent sous la pression.

« Mon frère doit s'entraîner. Dégage, je ne le répèterai pas. » dit-il d'une voix chargée d'une autorité menaçante.

Résolue à ne pas fléchir, je lâche le petit garçon et me redresse pour lui faire face. « Il va falloir me passer sur le corps si-»

D'un geste brusque, il balance le shinai plus loin, le bâton volant dans l'air avant de s'écraser sur le sol avec un bruit sourd. Il s'approche alors lentement, son ombre s'étendant sur le sol menaçante et suffocante.

En se penchant vers moi, son regard sombre perce le mien. « Sais-tu ce qui arrive aux personnes qui s’occupent de ceux qui ne les regarde pas ? » gronde-t-il, chaque mot lourd de menace.

Mon regard ne peut s’empêcher de glisser sur les veines saillant le long de son cou, pulsant à chaque battement de son cœur.

Mon souffle se bloque dans ma gorge. Ses paroles sont aussi tranchantes que des lames.

« Arrête, Ryoma ! » crie le garçon. Sa voix tremblante d'angoisse alors que sa main serre un pan de mon obi.

« La ferme. » répond-il d'une voix glaciale. « Les ignorants qui se prennent pour des héros, je déteste ça. »

Une goutte de sueur glissa le long de ma tempe, prise dans l’étau d’une panique muette. Je peux le sentir, il dangereux… il dégage une aura anormal, terrifiante. Chaque battement de mon cœur résonnait comme un compte à rebours, précipitant mon esprit au bord du gouffre. Je dois trouver une solution, pour l’éloigner, où je crois bien que je me ferais engloutir toute entière.

« Q– Que dira le daimyo s'il apprend que vous avez touché à la fille de son meilleur ami !? » rétorquai-je, ma voix s'élevant avec détermination, frayeur et désespoir.

À ma grande surprise, il s'immobilise, l’hésitation passant dans ses yeux un instant. Ses pupilles dans lesquelles j’arrive à me voir, se dilatèrent légèrement. Un instant de silence lourd s'installe, avant qu'il ne lâche une injure étouffée dans un soupir de rage.

Ses yeux descendirent et il lança un regard terrifiant vers son petit frère, qui se tient derrière moi, la tête baissée.

Il finit par détourner le regard, ses cheveux flottant derrière lui alors qu'il se tourne pour partir. Sa silhouette s'éloigne lentement, chaque pas résonnant dans le calme soudain du jardin.

Je reste figée, le poing contre ma poitrine, mon regard rivé vers l’homme disparaissant petit à petit dans la beauté de la nature autour de nous.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Mary_Akamush ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0