Chapitre 11
Les deux jours passèrent étrangement vite. Rune aidait de temps en temps Chloé à réparer des outils, grâce à ses quelques notions de mécaniques. Yuki lui apprenait à cuisinier, mais elle n’aimait vraiment pas ça. Elle préférait se goinfrer du repas, plutôt que de passer son temps à le faire. Elle s’entraina un peu au combat rapproché avec Zaz, qui tenta plusieurs fois de la draguer, sans grand résultat. Puis elle montra ses talents de pilote à Bardy lorsqu’ils arrivèrent en vue de la planète.
Impossible de rater une étoile appartenant à la fédération des froussards. Ils aimaient mettre une sphère en orbite de chacune d’elle avec marquée : peace and love. Rien de mieux que l’anglais, une langue antique que tout le monde utilisait encore. Pourquoi ? Bonne question…
Rune se rendit à la surface. Elle dénicha le spatioport à quelques kilomètres de la capitale Utopia, construite en bord de mer.
– Vous avez une voiture ? demanda Rune.
– T’es pas allé dans le hangar ? demanda Chloé alors qu’elle scannait les alentours.
– Non.
– Moto, voiture, camionnette, on a de tout, signala Bardy. On a notre « spéciale mission ».
Rien qu’à ces mots, Rune avait peur de découvrir l’engin portant ce nom. Elle préféra ne pas demander et s’occupa de faire atterrir le vaisseau sur le spatioport, qui ressemblait simplement à un parking gigantesque sur plusieurs étages. Une fois qu’elle trouva une place, Rune et ses nouveaux collègues rejoignirent le hangar pour prendre le véhicule spécial mission. Et là, ce fut la surprise. Rune en avait presque honte.
Sur cette camionnette verte étaient dessinées des écailles de serpent, sûrement en lien avec le Viper. Les feux possédaient des crocs de vipère, tandis que le nom du vaisseau resplendissait dans un rose fluo sur les portières. Sur le haut du pare-brise, deux yeux jaunes aux pupilles reptiliennes menaçaient toute personne qui croisait ce véhicule.
– Non, mais je ne monte pas là-dedans ! s’exclama Rune. Je vais prendre ma moto !
– Arrête de te plaindre et monte à l’arrière, râla Bardy.
Leur chef conduisait en compagnie de Yuki, tandis que Rune dût se serrer entre Zaz et Chloé. Avoir les deux pervers à ses côtés ne la rassurait pas, mais bon, elle se résout à les supporter le temps de remonter jusqu’à Utopia.
Une fois la porte du hangar ouverte, Bardy mit les gaz. À la surprise de Rune, la camionnette possédait suffisamment de chevaux pour la plaquer contre le dossier. Elle ne savait pas quel moteur il avait installé sous le capot, mais il était balèze ! Ils s’élancèrent sur une autoroute suspendue dans les airs, sous une voute céleste sans nuage. Ils prirent la première sortie qui les mena sur la route principale, à même la terre ferme.
La cité en vue, Rune découvrit pour la première fois les étranges constructions de la fédération des froussards. Les bâtiments ressemblaient à d’immenses champignons de pierres d’un blanc rutilant. Les chapeaux revêtaient un joli rose avec des arcs-en-ciel dessinés dessus.
Les bâtiments s’étendaient le long des routes, avec des jardins parfaitement entretenus. Tout était semblable pour que personne ne puisse jalouser son voisin. Le plus étrange, c’était les espèces de licornes roses au poil brillant qui tiraient des carrosses jaune citron, le seul moyen de déplacement des autochtones. D’ailleurs, Rune remarqua une chose singulière : tous vêtues de blancs, ils portaient des habits légers pour aller avec ce temps magnifique et cette douche chaleur. Chaque personne les dévisageait, eux qui se promenaient dans une camionnette non réglementaire.
Bardy trouva l’hôtel pour les visiteurs extra planétaires. Il prenait la forme d’un cœur géant. Une grimace déforma le visage de Rune alors que Bardy s’arrêta sur le parking.
– C’est un love hôtel ou quoi ? se plaignit-elle.
– J’en sais rien ! Allons voir.
Ils sortirent de la voiture et passèrent la porte en forme d’arche. Tout était d’un blanc immaculé à l’intérieur. Bardy s’approcha du comptoir où une hôtesse leur souhaita la bienvenue d’un resplendissant sourire.
– Bonjour étranger, bienvenue sur Utopia. Désirez-vous une chambre ? demanda-t-elle d’une voix d’ange.
Rune scruta ses nouveaux collègues, perplexe. Zaz haussa les épaules, pas plus convaincu qu’elle par son ton mielleux.
– Ouais, lui répondit Bardy en s’accoudant sur le meuble. On a une réservation au nom de Wallace.
Elle vérifia sur son ordinateur, puis hocha la tête.
– Effectivement, je vous donne les clés tout de suite.
Elle partit dans une pièce à l’arrière et revint avec trois trousseaux.
– Voici vos clés. Voulez-vous que je vous accompagne jusqu’à vos chambres ?
Bardy scruta les environs et trouva les escaliers avec les numéros notés sur les portes, et des directions pour éviter de se perdre.
– Ça ira, je vous remercie.
Le groupe monta jusqu’au troisième étage et trouva leur chambre. Ils ouvrirent la première, et découvrirent un endroit bien trop féérique au gout de Rune. Des draps et des murs roses, des mouettes multicolores peintes sur les murs et des nounours occupaient la place sur le lit.
– On va bien dormir ici, soupira Rune.
– Bon, ça, c’est ma chambre, déclara Bardy. Voici une clé pour vous.
Il en donna une à Zaz et Yuki.
– Et une pour vous.
L’autre alla directement dans les mains de Chloé. Rune écarquilla les yeux.
– Attends, je ne veux pas partager ma chambre avec Chloé !
– Pourquoi ? s’étonna Bardy.
– T’inquiète ! Je sais me tenir, s’offusqua la jeune femme.
– Mais…
– Rune, c’est cher ici. J’aimerais ne pas claquer la récompense dans des chambres, se plaignit Bardy.
Rune roula des yeux et s’avoua vaincue. Chloé sautilla jusqu’à la pièce, semblable exactement la même que pour Bardy. Chloé s’assit sur le lit et fit des rebonds.
– Il est confortable ! s’exclama-t-elle.
Rune, ne voulant pas rester une minute de plus seule avec elle, retourna dans le couloir et prévint Bardy qu’elle partait en reconnaissance. Il accepta et Zaz la suivit pour découvrir les joies de cette ville. Une fois à l’extérieur, la naine jaune bien haute aspergeait ce monde féérique de sa lumière.
– Attendez-moi !
Rune et Zaz se retournèrent, voyant Chloé arriver en courant.
– Rune ! C’est pas sympa, tu m’as laissé comme une vieille chaussette !
L’intéressée secoua la tête.
– Je les garde mes vieilles chaussettes. Elles peuvent toujours servir, elles.
Chloé lui tira la langue.
– Bon, les filles, cessez vos chamailleries ! Allons voir où se trouve le casino, ordonna Zaz.
Rune le fixa, perplexe. Il haussa les épaules et ils partirent tous les trois, déambulant dans les rues de leurs tenues extravagantes pour les autochtones. Tout le monde les dévisageait, au point que Rune commençait à en avoir marre. Une mère cachait même les yeux de sa fille quand ils passèrent devant elle, et avec Zaz qui faisait des clins d’œil à toutes les femmes, cela n’arrangeait rien.
Ils demandèrent leur chemin, mais personne ne voulait répondre. Dans la fédération des froussards, personne n’aimait les étrangers. Ils risquaient de ramener le chaos dans leur société parfaite. Les pirates dénichèrent quelques magasins qui proposaient divers produits, semblables à ceux des autres planètes : meuble, vêtements, multimédia, culture… Mais aucun signe de ce casino.
Ils s’approchèrent d’un carrosse bleu fuchsia garé sur le côté de la route.
– Vous voulez que je vous emmène quelque part ? proposa l’homme qui chevauchait la licorne.
– Au casino Stafara Oldichi, s’il vous plait, demanda Zaz.
– C’est parti !
Ils montèrent dans le véhicule offrant une belle banquette et des coussins très moelleux. Ils foncèrent à travers la route pour rejoindre le bâtiment en bordure de la ville, au nord. Un premier problème que souligna Rune dans sa tête : il leur faudrait faire beaucoup de route pour s’enfuir avec la cargaison.
Une fois arrivée, Rune dut se frotter les yeux pour être sûr de bien voir ce qui se trouvait devant elle. Le bâtiment prenait la forme d’un cookie géant. Chaque pépite de chocolat était sous forme d’une belle sphère, et elle avait l’impression de voir des gens à l’intérieur. Rune et ses collègues en firent le tour, remarquant le peu de dispositifs de sécurité à l’extérieur. En fait, Rune craignait que des robots soient présents sous le sol, attendant qu’un danger éclate pour réagir.
– Je serais bien là-bas, leur dit Chloé d’un signe de tête.
Elle désignait le parking face au casino. Quelques carrosses s’y trouvaient, mais avec la camionnette, elle pourrait aisément jouer avec ses drones. Elle scruta le sommet du bâtiment, sans possibilité de dénicher ce qu’elle voulait.
– Qu’est-ce que tu cherches ? demanda Rune.
– Une antenne, répondit Chloé. Il doit forcément y avoir quelque chose qui me donnera accès à tout le bâtiment. Ça vous dérange si on entre ?
Zaz accepta et ils s’approchèrent de l’entrée. Bien qu’on les détaillât du regard, personne n’osa les empêcher de poser un pied dans le casino d’Utopia. À l’intérieur, ils pénétrèrent dans l’immense hall. Plusieurs chemins menaient aux différentes activités. Le premier à une arène de combat, le deuxième aux jeux d’argents en tout genre, et le troisième à un salon avec spectacle. Rune aperçut aussi un escalier vers la mezzanine.
Ils se séparèrent pour explorer au maximum les lieux. Rune monta les marches une à une et découvrit un salon de thé à l’étage. Le brouhaha des discussions masquait la douce musique qui passait en fond, tandis que la lumière, bien plus tamisée qu’en bas, offrait un moment de quiétude aux clients. Les sphères de chocolats étaient en réalité des endroits vitrés où il était possible de s’assoir pour boire un verre.
Elle commanda un thé puis s’installa dans une des sphères, profitant de la vue panoramique. Elle ne vit rien d’alarmant aux alentours du bâtiment. Les gérants ne devaient pas s’attendre à un cambriolage, surtout pour des gâteaux. Rune ne comprenait toujours pas pourquoi ils devaient faire ça, mais bon, c’était payé. Que demander de plus ?
Après une bonne demi-heure, elle quitta les lieux pour rejoindre Zaz et Chloé un peu plus loin dans la rue. Ils retournèrent jusqu’au motel, en attendant la venue de leur contact.
Le soir venu, Bardy convoqua tout le monde dans sa chambre, jusqu’à ce qu’une personne toquât à la porte. Il lui ouvrit et un homme entra. Bâti comme une armoire à glace avec des cheveux courts grisâtres, Rune remarqua les deux bras cybernétiques avec lesquels il les salua. Un air mauvais sur son visage marqué par l’âge, il détailla chaque membre du groupe l’un après l’autre.
Rune devait reconnaître qu’il ne passait pas inaperçu, encore moins ici. Surtout avec son pantalon noir aux têtes de mort brodé de rouge.
– On y va ? demanda-t-il de sa voix rauque.
– Ouais, déclara Bardy en croisant les bras.
– Bien. Je m’appelle Kalveo Nragon, je suis là pour vous briefer sur le casino. J’ai tous les plans.
Chaque membre des pirates se présenta, puis il sortit un petit appareil qui, une fois allumé, dévoila le casino en un modèle holographique.
– Bien, notre mission est de voler des cargaisons de cookies cachés dans le fond. Ici.
Il désigna une pièce cachée loin derrière les tables de jeu.
– Pour y accéder, il faut d’abord passer par une porte avec détection d’empreinte digitale. Ensuite, il y a un couloir qui traverse le poste de sécurité, les cuisines et les livraisons. Tout est bien gardé, avec des portes blindées tous les dix mètres. Le dernier couloir avant le coffre est bourré de tourelles automatiques qui tirent à vue si les scanners plafonnier vous repère. Enfin, le coffre dans lequel on doit entrer est un cube construit dans l’un des métaux les plus résistants de la galaxie, et qui font plusieurs mètres d’épaisseurs. Des questions ?
Rune observa les autres. Nerveux, tout le monde se regardait d’un air inquiet.
– Ouais, déclara Rune. C’est quoi le plan ? Car là, ça parait juste infaisable.
Kalveo la dévisagea de ses pupilles marrons.
– Rien de plus simple. Votre chef m’a expliqué chacune de vos fonctions, alors voici la procédure à suivre pour mener à bien cette mission. Bardy se fera passer par un gros client, son nom a déjà été donné pour qu’il soit accueilli. Il occupera le temps du directeur et du service de sécurité. Zaz fera son garde du corps, on ne sait jamais, tout peut partir en couille. Chloé va pirater les tourelles grâce à l’antenne se trouvant sur le haut du casino. Yuki et Rune, vous êtes chargés de vous habillés le plus sexy possible pour attirer les regards, vous serez la première diversion. J’ai de quoi vous costumer dans une valise. Ensuite, Rune ira dans le couloir quand Chloé aura tout piraté. Une fois fait, Yuki va tricher aux jeux pour attirer l’attention et Bardy tapera un scandale grâce à sa demande invraisemblable. Ensuite, grâce aux talents de Chloé, Rune ouvre le coffre avec l’aide de Zaz, prend la cargaison et me la ramène à ma camionnette qui attendra au service de livraison.
Il se tut pouvoir voir si son plan rentrait dans le cerveau de ses coéquipiers.
– Quelle demande va énerver le gérant ? questionna Yuki.
– Une cargaison de cookie.
– Pourquoi pas…
Kalveo éteignit l’appareil et le rangea dans sa poche.
– Vous êtes ok ? Je vous ai ramené de petits communicateurs qui se placent dans l’oreille. Grâce à ça, on pourra se parler en direct.
– Même pas d’entraînement ? s’étonna Chloé. On y va comme ça, à l’arrache ?
Kalveo la fusilla du regard.
– Vous croyez que la fédération de tapette se doute d’un cambriolage ?
– Ben, avec la sécurité qu’il y a… Un peu, non ?
– Ce plan est parfait ! s’exclama Kalveo. J’ai un logiciel spécial qui va pirater tout le bâtiment, il a été fait par mon employeur.
– Qui est ? demanda Rune, intriguée.
Il croisa les bras.
– Ce n’est d’aucune importance. On y va à l’aube.
Tout le monde acquiesça et Kalveo quitta la chambre de ses pas lourds. Bardy était content que le briefing se passe aussi bien, mais Rune ne paraissait pas aussi sûre que lui. Après tout, cet homme arrivait comme une fleur, avec un logiciel qui leur ferait tout gagner ? Cela restait louche, mais l’appât du gain était bien trop grand pour la bande.
Comme il fallait se lever aux aurores, Rune décida d’aller se coucher. Elle en profita pour prendre une douche et de mettre en chemise de nuit. Elle s’enroula dans la couverture tandis que Chloé prenait sa place. Lorsque l’eau s’arrêta de couler, elle la découvrit en lingerie fine. Les yeux écarquillés, Rune la détailla du regard alors qu’elle prenait la pose.
– Quoi ? demanda Chloé. Je suis trop belle, non ?
– Mais… Tu dors comme ça ?
– Bah oui !
Rune hoqueta de surprise, ne sachant quoi répondre. Ce ne devait pas être pratique de mettre ça tous les jours, mais elle ne la croyait pas vraiment. Elle était sûre de se faire draguer une fois qu’elle la rejoindrait dans ce lit double. Rune soupira. Elle aimerait tellement être dans son vaisseau… Seule !
Rune se tourna vers le mur et se mit sur le côté. Elle sentit des doigts passer sur ses fesses, la faisant frissonner.
– Enlève ta main ou je te l’arrache ! prévint Rune.
– Roh ! T’es pas drôle à la fin ! Bonne nuit Runette.
Rune ne fit pas attention à ce surnom débile et mit le réveil sur son téléphone. Pressée de se mettre au boulot, elle ferma les yeux et se laissa emporter par la fatigue.
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