Chapitre 12
Le réveil fut douloureux. Rune attrapa son téléphone pour éteindre cette sonnerie horrible et s’étira. Ce fut bizarre. Elle n’arrivait pas à étendre ses jambes comme elle le voulait et… La main de Chloé se trouvait fermement sur l’un de ses seins. Rune pivota, découvrant la jeune femme blottit contre elle.
– Je savais que c’était une mauvaise idée de dormir avec elle, pensa Rune.
Elle lui mit un coup de coude alors qu’elle ronflait toujours. Le souffle coupé, Chloé se réveilla en sursaut avec une douleur au ventre.
– Mais… qu’est-ce qui se passe ?
– Comment ça, s’énerva Rune. Je ne t’ai pas demandé de me coller comme ça ! Et laisse ma poitrine tranquille !
– Mais j’ai rien fait ! Je suis somnambule.
Rune leva les sourcils.
– Quoi ?
– Bah oui. Apparemment, je me lève dans la nuit, je fais des trucs bizarres. Yuki se plaint aussi, mais j’y peux rien !
Alors là c’était le pompon. Et en plus, Yuki le savait ? Elle ne perdait rien pour attendre. Rune passa outre et récupéra la valise qu’avait déposé Kalveo dans la salle de bain. Elle l’ouvrit et découvrit un habit blanc rutilant. En la sortant, elle se demanda si cela n’allait pas être trop grand pour elle. Elle enfila d’abord les deux jambes bouffantes puis le haut qui s’attachait via une fermeture éclair à l’arrière. Elle dut demander de l’aide à Chloé qui, évidemment, prit un plaisir de l’aider.
– Mais… en quoi c’est sexy ? s’étonna Rune.
Cela n’avait rien à voir avec les critères habituels. Les manches et les jambes étaient extrêmement larges, tandis que la robe ne mettait en valeur aucune silhouette. Les épaules possédaient un renfort bouffant argenté avec des paillettes.
– Mets la capuche pour terminer ! lui dit Chloé en la rabattant.
Lorsque Rune se regarda dans le miroir de la salle de bain, elle eut l’horreur de découvrir une espèce de champignon rose sur sa tête. Une grimace déforma son visage, puis elle fixa Chloé.
– T’es sérieuse ? Je vais attirer tous les regards comme ça ?
Chloé se mit à rire. Rune, honteuse, voulait arracher ce vêtement ridicule, mais Chloé l’en empêcha.
– Arrête. Bien sûr que tout le monde va te trouver sexy. Écoute, ici ça ne fonctionne pas comme chez nous. Nous, on préfère voir la forme des gens et des vêtements qui les mette en valeur. Ici, c’est tout le contraire. Ils ne sont pas attirés par le corps, à cause de la drogue qui inhibe leur violence et leurs envies. Au contraire, ils veulent voir des habits bien blancs et ce champignon qui les caractérise tant. Ne me demande pas pourquoi…
Rune soupira. Elle haussa les épaules et accepta à contrecœur de se ridiculiser. Alors qu’elle allait sortir, Chloé sortit son téléphone en un éclair et la prit en photo. Rune écarquilla les yeux et lui courut après pour lui voler l’appareil.
– Efface-moi ça !
– Sûrement pas ! Je vais la mettre en fond d’écran !
Rune n’arrivait même pas à courir dans cet habit burlesque. Heureusement qu’elle avait gardé ces vêtements en dessous. Chloé ouvrit la porte et fuit à travers les couloirs de l’hôtel. Rune faillit tomber en marchant sur cet accoutrement de l’enfer, puis elle arriva à l’extérieur où tout le monde l’attendait, excepté Zaz.
Yuki fixa Rune en pouffant.
– Alors, bien dormi ? Le réveil n’était pas trop bizarre ?
Rune imita sa voix pour se moquer.
– Tu vas me le payer cher !
Yuki se mit à rire.
– Il est où Zazou ? demanda Chloé.
Rune la scruta, interloquée.
– Il arrive, il galère avec son costume, signala Bardy.
Rune avait oublié que lui et leur chef devaient jouer les clients importants. En scrutant Bardy, Rune le vit en costume trois-pièces blanc. Elle devait reconnaître qu’il jouissait d’une certaine élégance. Lorsque Zaz arriva enfin, il essayait désespérément de nouer sa cravate sans le moindre résultat, s’énervant contre ce nœud impossible à faire. Pris par pitié, Chloé vint à sa rescousse et lui fit la boucle sans difficulté. Impressionnée, Rune se demandait si cette jeune femme connaissait tout à la mode.
– T’es beau mon p’tit Zazou ! s’exclama-t-elle en lui tapotant le torse.
– N’est-ce pas ? dit-il en lui faisant un clin d’œil.
– Aller, en voiture ! ordonna Bardy.
Ils se rendirent jusqu’au casino dans leur bonne vieille camionnette. Bardy resta sur le parking d’en face, tandis que chacun prenait place pour ce plan complètement dingue. Rune et Yuki s’avancèrent vers l’entrée, emmitouflée dans leur accoutrement qui attira tous les regards. Rune devait reconnaitre qu’ils attiraient l’attention où qu’elles allaient. Elles prirent l’entrée de gauche pour se retrouver au milieu de la cohue des jeux d’argent.
Malgré l’heure matinale, de nombreuses personnes s’amusaient déjà. Un brouhaha s’élevait dans la pièce, tandis que les machines sonnaient dans tous les sens pour féliciter les gagnants. Elle jeta un œil aux tables de jeu sur sa droite. Le but semblait de faire la même suite de symbole que le croupier. Cela semblait tellement difficile de gagner, elle se demandait qui pouvait être assez bête pour perdre son argent là-dedans. Enfin, c’était de cette manière que l’établissement vivait. En passant devant les clients, Rune les déconcentra, eux qui n’avaient d’yeux que pour elle. Rune leur fit un faux sourire comme elle savait si bien les faire, puis se dirigea vers un jeu de fléchettes.
Dans tout ça, il n’y avait rien de compliqué. Mais que gagnaient ces gens ? Il lui semblait que l’argent n’était pas la première préoccupation de ce peuple. Elle trouva un comptoir où il était possible d’échanger ses jetons, dont l’écran géant situé au-dessus dévoilait les diverses manières de le faire. Le premier prix était des cookies, surement ceux qu’ils s’apprêtaient à voler. Sinon, il était possible de boire, d’avoir divers services de bien être, un passeport pour les arènes… Une note précisait aussi qu’il n’était possible que de les utiliser une journée.
Elle ne comprenait pas bien ce qui se passait dans ce bouge, mais tant pis. Elle chercha Yuki, mais elle avait disparu. Rune soupira et se lança à sa recherche. Elle ne voulait pas rester toute seule au milieu de tous ces regards posés sur elle. Elle fit le tour à la hâte, évitant les serveurs qui lui proposaient de boire un jus de fruits, ou les inconnus qui la saluaient avec de grands sourires.
À force de détour, elle la retrouva devant le buffet, une assiette garnie à la main. Elle se servait dans tous les plats, sous le regard perplexe des traiteurs. Rune la rejoignit, alors qu’elle sentait la bonne odeur de poisson venant d’une étrange pieuvre géante où il était possible de manger les tentacules. Rune grimaça devant Yuki qui en prit un pour le gouter.
– C’est bon ? s’étonna la jeune femme.
– Gluant, mais délicieux, avoua Yuki. Tu veux goûter ?
– Non, merci. Tu m’as déjà eu !
Yuki ricana.
– Mais non, je te jure que c’est bon !
– Nous ne sommes pas là pour ça ! s’exclama Rune.
– Mais regarde toute cette bouffe !
Rune soupira. Elle scruta les environs à la recherche de la porte menant au coffre. Elle fit le détour, repérant les allées et venues des gardes. Vêtus de blanc avec des lunettes opaques, ils surveillaient les allées avec précaution. En suivant l’un d’eux, Rune dénicha l’entrée qu’elle devait franchir.
– J’ai repéré la porte, signala-t-elle via le communicant à l’oreille.
Elle n’aimait que tout le monde entende ce qu’elle pouvait dire, mais c’était nécessaire pour le bien-être de la mission. C’était maintenant au tour de Bardy de jouer !
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