Départ et Arrivée
Sur la Route d'Allègre - Haute-Loire - France
La petite Clio ronronnait doucement sur la route, menant à Allègre. Perdue dans ses pensées, Penny regardait le paysage défiler derrière la vitre.
À l'arrière, Noisette, enfermée dans sa caisse de transport, n'en finissait plus d'exprimer sa contrariété. Ses miaulements à fendre l'âme emplissaient l'espace sonore de l'habitacle.
Odette, sans quitter la route des yeux, apostropha sa petite-fille ainsi :
— Je ne me souvenais plus que cette minette détestait les transports à ce point.
Sur un ton laconique, elle répondit :
— Même le tram, elle déteste...
Elle exalta un long soupir, se renfrogna, et demanda sur un ton rogue :
— On arrive quand déjà ?
— Trois quarts d'heure, encore.
— Pppff... c'est long...
Elle sortit son portable, et commença à pianoter sur l'écran tactile...
Penny cessa d'effleurer son smartphone quelques secondes, juste le temps d'attraper au fond de son sac ses écouteurs, les brancher sur son appareil et enfin les placer sur ses oreilles. La voix de Maître Gims la submergea, elle se détendit, sourit et ferma les yeux. La jeune fille se laissa aller sur son siège, sans réellement s'en rendre compte, elle glissa dans une semi-torpeur...
Asie - Chaîne de l'Himalaya - Mont Everest
Rékaël, après des lustres à rester dissimulé au fond de sa grotte à attendre la fin, se réveillait de son long sommeil de désespoir. Un nouveau but se présentait à lui. Il étira son corps long écailleux et gronda doucement. Le feu éteint de ses entrailles s'alluma, la cuirasse de son ventre se teintait de couleur chaude, l'atmosphère de la grotte se réchauffait.
Son regard rouge et argent, effleura l'entrée de son refuge. Il ne pouvait se permettre de sortir ainsi, sous sa véritable apparence. Saurait-il après tant d'années se transformer ? D'autant plus que la faim commençait à le tourmenter.
Rékaël décida d'essayer. Après plusieurs tentatives infructueuses qui lui firent perdre de l'énergie, il parvint à un résultat acceptable. À présent, il ressemblait à un homme, certes bien sombre, mais un homme quand même. Seuls son ventre écailleux et flamboyant et ses yeux, pouvaient présumer de son inhumanité.
Il alla ouvrir une vieille malle de fer cloutée et mangée de rouille. En soulevant le couvercle, les gongs grincèrent sinistrement. Il sortit des habits : un pantalon et une chemise confectionnés d'un épais tissus gris et rêche, une paire de bottes ainsi qu'une houppelande de cuir.
La créature s'empressa de se vêtir. En dernier, il remonta la capuche du manteau sur son crâne chauve et luisant. Il était prêt à se rendre auprès de la jeune humaine afin de l'obliger à l'aider.
À cet instant, une voix s'adressa à son esprit : "Crois-tu que je vais te laisser faire ?"
Il s'agissait de Lophalia...
Il se raidit, ses pupilles se rétrécirent sous la colère, il répondit d'une voix caverneuse :
"Penses-tu avoir la force de m'en empêcher ?"
L'adversaire plaça un barrage mental, pour ne plus avoir à l'entendre. Le silence revint. Au moins pour le moment présent. Satisfait, il récupéra encore une chose dans son coffre : une bourse de cuir remplie d'écus d'or.
Il la fixa à sa ceinture. Cette fois, il était fin prêt, il quitta sa grotte...
Sur la route d'Allègre - À ce moment-là
Penny s'éveilla brusquement. Elle sortait d'un rêve très bizarre et plutôt effrayant. Elle avait vu une grotte sombre et sinistre habitée par une créature effrayante, au corps écailleux et au regard de sang. Elle s'était dit : "Un dragon ?"
Puis on s'était adressé à elle : "Prends garde, douce Penny, il vient pour toi !"
Cela l'avait terrorisée ! Elle avait lutté de toutes ses forces pour sortir de ce cauchemar. À présent, elle se tenait dans ce véhicule, le souffle court et le corps tremblant d'une peur bien singulière. Elle se dit : "Cela semblait tellement réel !"
Sa grand-mère lui demanda :
— Tout va bien ?
Sur un ton incertain, elle répondit :
— Oui, oui... J'ai fait un cauchemar !
— Oh ? C'est pour cela que tu as crié ?
Elle soupira :
— Sans doute.
Son visage se peignit de perplexité. La jeune fille ajouta :
— J'ai rêvé d'un dragon.
Odette sans quitter la route des yeux répliqua :
— Tu as regardé le Seigneur des Anneaux récemment ?
— Non, Bilbo le Hobbit.
Elle secoua la tête et se moqua d'elle-même ainsi :
— L'affreux Smaug m'a plus impressionnée que je croyais !
Elle sourit. Les bribes de son cauchemar s'accrochaient encore à sa mémoire. Elle décida de les ignorer. Odette déclarait :
— Nous arrivons.
La petite Clio, après avoir passé Allègre, s'engageait sur un petit chemin pierreux en lacets. Le véhicule continua sur à peu près quatre cents mètres, avant de stopper devant un portail de bois peint en bleu.
Odette demanda à sa petite-fille :
— Tu vas me l'ouvrir ?
Penny ne se fit pas prier. Elle déboucla sa ceinture, ouvrit la portière et s'extirpa du véhicule. Elle poussa le portail qui n'était jamais fermé à clef. Les deux battants s'écartèrent. Penny se mit de côté, Odette engagea sa voiture qui rentra sur la petite propriété.
La jeune fille referma le portail après le passage de la Clio, pivota vers l'habitation, sourit. Un réel bonheur la saisissait, elle était heureuse de revoir la demeure de sa grand-mère, la maison aux roses.
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