Escapades

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France - Allègre - Maison de Ludovic Gallier

C'est avec appétit et presque rassurée, que Penny termina de manger ses olivettes assaisonnées. Aden ne tarda pas à se lever pour récupérer le gratin de légumes dans le four. Il la servit rapidement en proposant :

— Je peux te préparer une petite omelette également ?

Elle refusa d'un geste et demanda à la place :

— Parle-moi plutôt de ce visiteur... Si cela ne t'ennuie pas. 

Elle désigna la porte, bien sûr elle s'informait de Côme. Le jeune homme marqua une hésitation, avant d'aller s'asseoir auprès d'elle et de dire :

— Ce que je sais de lui, c'est qu'il est l'un des meilleurs amis de mon grand-père...

Une fois encore, Aden attendit quelques secondes, puis il révéla enfin :

— Il a été accusé autrefois de dérives sectaires... 

Les craintes de Penny renaquirent, elle posa sa fourchette et s'exclama à voix basse :

— Tu veux dire qu'il a fait de la prison ?

— Il a été relâché faute de preuves, l'unique témoin en sa défaveur s'est désisté au dernier moment...

Cette fois la jeune fille, terrorisée, repoussa son assiette, l'appétit coupé. Elle parvint à demander sur un ton légèrement tremblant :

— Qui c'était le témoin ? 

Aden soupira :

— Je ne suis jamais arrivé à le savoir. 

Penny domina ses appréhensions, et demanda encore :

— Comment tu es parvenu à connaître ça sur lui ? 

— Je laisse toujours traîner une oreille aux endroits qu'il faut. Répondit-il sur un ton entendu.

— En fait, tu écoutes derrière les portes ? 

— Entre autres... admit-il. 

Il hésita, puis proposa : 

— Si tu finissais ton assiette, je voudrais te montrer quelque chose...

Curieuse, Penny demanda :

— Quoi donc ? 

— Finis et tu verras...

Elle fixa le gratin qui refroidissait, lentement le nœud de son estomac se desserrait, elle entama sa portion de légumes...

Quand elle eut terminé, Aden posa ses couverts et son assiette sale dans l'évier de pierre, puis sans façon, il lui prit la main en déclarant :

— Allons-y maintenant !

Ils quittèrent la cuisine par la porte arrière ; dans la pièce à vivre de la chaumière, Odette terminait de parler de Penny...

****

Après la narration de la vieille femme, Côme demeura pensif quelques secondes. Puis il but une lampée de liqueur, prit encore un peu de temps pour l'apprécier et exigea presque :

— Je veux m'entretenir avec ta petite-fille à présent...

Sans attendre et presque sur un ton effacé, Odette répondit :

— Tout de suite.

Elle quitta son siège, puis le salon, elle revint presque aussitôt en s'exclamant :

— Penny n'est plus ici...

Le visage de Côme se durcit instantanément, la rage envahit ses yeux, cette fois Odette eut un mouvement de recul...

****

Aden guida la jeune fille hors de la clairière où était édifiée la chaumière. Il l'entraîna ensuite sur un chemin en lacets qui s'enfonçait au cœur des bois. Penny se laissait conduire, mais elle était soucieuse, d'ailleurs elle dit à l'adolescent :

— Ma grand-mère va s'inquiéter, elle risque de me chercher.

— Nous ne ferons qu'un aller-retour. Assura-t-il. 

Elle n'insista plus, tous deux passèrent sous une voute de feuillage. Le soleil perçait par intermittence le camaïeu végétal d'éclats aveuglants et les chants mélodieux des oiseaux s'accentuaient, Penny était ravie. Les jeunes gens marchèrent plusieurs minutes, avant d'arriver dans une clairière. Il y régnait une ambiance paisible et bucolique, mais l'endroit n'avait rien de particulier, hormis un tronc abattu par un orage, des années auparavant, qui servait de banc. Aden alla s'y asseoir. Penny, bien sûr, l'imita. 

Une fois assis côte à côte, ils respirèrent profondément, saturant presque leurs sens des effluves forestières des lieux : sève des arbres, résine, terre humide, odeurs de jacinthes et jonquilles sauvages tardives...

La jeune fille s'exclama :

— C'est magnifique ici, est-ce ton refuge, un endroit où tu viens pour être tranquille ? 

Aden cilla, sourit et répondit :

— C'est sur le chemin de ma cachette qui se trouve un peu plus loin. 

En parlant, il plongea sa main droite dans une fente assez large présente dans l'écorce de l'arbre mort. Il en sortit un sac de toile grise, fermé par un mince cordon de coton noir. 

— Qu'est-ce que c'est ? Demanda Penny avec curiosité. 

— Un petit kit brouilleur de piste. Répondit-il mystérieusement. 

Penny fronça les sourcils, une incompréhension totale la submergeait. Aden ouvrit sa besace, il en sortit une fiole remplie d'un liquide rouge et un petit poinçon d'argent. Il se leva de son siège improvisé, la jeune fille l'imita, passablement intriguée...

Aden s'accroupit devant le tronc et, à l'aide du poinçon, grava des signes mystérieux, dont l’évidence échappa totalement à Penny. Quand il eut terminé, il rangea son outil, se saisit du flacon, le déboucha et versa sur les runes un mince filet de la substance qu'il contenait. 

Les caractères énigmatiques semblèrent s'enflammer avant de disparaître brusquement. Penny incrédule, se frotta les yeux. Aden se redressait déjà, il boucha son flacon, le rangea, ferma le sac et le remit à sa place dans l'arbre mort. 

Ensuite, sans plus d'explications, il reprit la main de l'adolescente dans la sienne et l'entraîna à sa suite en direction d'une sente louvoyante... Ainsi, quittèrent-ils la clairière. 


Chaumière de Ludovic Gallier


Côme se reprit assez vite, cela n'empêcha pas la vieille femme de le fixer avec consternation et une certaine réprobation. En réalité, elle avait l'impression de le découvrir ou plutôt d'avoir accès à une facette de sa personnalité qu'elle ne lui connaissait pas, ce qui la troublait plus qu'elle ne le souhaitait. 

Ludovic se permit d'intervenir sur un ton apaisant :

— Mon Don Juan de petit-fils l'a sûrement emmenée pour une promenade digestive, tu parleras à Penny quand elle reviendra...

Conciliant, son vieil ami répondit :

— Bien sûr, j'attendrai qu'elle revienne.

Il ajouta très vite, afin de faire oublier sa réaction :

— Parlons un peu de ce dragon, que tu as identifié comme étant Rékaël ou le maître du néant, tu es sûr de toi ? 

En réponse, l'aïeul d'Aden se leva et rejoignit sa bibliothèque surchargée. Sans chercher, il en extirpa une sorte de fascicule très ancien, écorné et jauni par le temps. Il revint auprès de Côme, le lui confia et déclara enfin :

— La preuve formelle se trouve dans ce livret.

Sans un mot, le chaman de l'ordre du Cèdre, le compulsa. Odette, en se taisant l'observait, en regrettant subitement d'être venue en compagnie de Penny, chez Ludovic...


Dans la forêt...


Les adolescents cheminaient à présent l'un derrière l'autre, la laie traversait une partie de la forêt, bien plus sombre et humide que celle qu'ils venaient de quitter ; Penny se surprit même à frissonner, tant le contraste était flagrant. Aden tourna brièvement la tête vers elle, lui sourit et assura :

— Nous sommes bientôt arrivés...

— Où m'emmènes-tu au juste ? Lui lança-t-elle un peu craintive. 

— Ne t'inquiète de rien. Assura le jeune homme. 

Ce fut suffisant pour qu'elle reste dans ses pas. Quelques minutes encore et ils arrivèrent au terme du sentier. Il s'agissait d'une petite trouée, inondée de  soleil et occupée au centre par un majestueux cèdre. Aden triomphalement le désigna en disant :

— Nous voici chez moi !


Chaîne de l'Himalaya

Les ombres crépusculaires engloutissaient le paysage montagneux. Il était tôt encore, mais les intempéries qui sévissaient sur les pics enneigés assombrissaient l'Himalaya dès dix-sept heures.  Rékaël le savait, comme il n'ignorait pas non plus que l'hominidé quittait sa cabane à la nuit tombée. Il allait prospecter dans les montagnes, non pour ramasser quelques plantes hypothétiques ou chasser, mais pour rechercher les humains qui s'égaraient parfois sur l'Everest, le K2 ou les autres sommets... Il ne faisait aucun mal à ces imprudents, se contentant de les secourir, en veillant toutefois à ce qu'ils ne se souviennent jamais de lui, ceci grâce à quelques tours de passe-passe magiques, qui, il faut le dire, s'avéraient parfois insuffisants. 

Les raisons qui incitaient Votaël à sortir de son domicile importaient peu au Dragon, une seule chose le motivait, c'est que cette fois, cette habitude de son vieil ami allait lui servir.

Ainsi il quitta l'anfractuosité rocheuse et, à pas prudents, se rapprocha de la cabane de bois... De son habilité allait dépendre pour lui le succès de l'entreprise, à savoir dérober l'artefact de Votaël...

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