Chapitre 1
Son père avait finalement terminé sa journée de travail pour s'engouffrer dans la petite cuisine cosy. Voyant que la vaisselle avait été faite, il remercia son fils avec un sourire. Contrairement à Ombre, qui avait les cheveux mauve, son père, qui était noir de peau avait les cheveux cours et d'un bleu très clair.
En Glavanh, tous les sorciers naissaient avec les cheveux naturellement colorés. Beaucoup disaient qu'il s'agissait là de la couleur de l'âme du nouveau-né. Et que selon eux, les plus clairs étaient les plus charitables. Mais… Cela n'était pas toujours le cas. Après tout, chaque être vivant avait sa volonté propre, non ? Que la couleur de son âme soit claire ou non, il était le seul décideur de ses actes, comme le disait si bien Lias. C'était ça, l'un des nombreux points communs entre les sorciers et les humains. Le libre arbitre.
L'homme commença à faire la cuisine sous les yeux de son fils, toujours autant admiratif, qui s'était assit sur une chaise à l'envers. Il aimait beaucoup les travaux manuels. Autant la sculpture que la poterie ou la cuisine.
- Alors, ta journée de travail ? Tu as fini la commande du vieux Hansen ? demanda Ombre, qui raffolait d'entendre son père lui raconter ses manipulations.
- Presque. J'ai sculpté les dernières runes, il ne me reste plus qu'à concocter l'enchantement, le renseigna son père le sourire aux lèvres en coupant des fruits.
Il s'écarta une fois les ingrédients prêts, pour sortir sa baguette. Un vieux bout de bois blanc grisâtre possédant une pièce en métal qui semblait s'être retrouvé prisonnier là car le bois avait poussé autour. Pour que les ingrédients s'animent de sorte à se retrouver dans une marmite bouillonnante sur le feu.
- Et ta baguette à toi ?
- Fini !
- Complètement ? Tu es sûr ?
- Oui !
Le père ne put réprimer un sourire des plus complices envers son fils. Les deux hommes étant fortement liés. Ombre se leva d'un seul coup pour courir en direction de sa chambre. C'était le moment de lui montrer son oeuvre. Sûrement la seule de toute sa vie, car il ne comptait pas s'engager dans une carrière d'artisanat. Il avait beau adorer regarder tout ça et essayer un peu tout ce qui se rapportait au travail manuel, il n'était pas non plus des plus doués. Non, son but était de devenir libraire. Son père quant à lui continua à préparer le repas en mettant la table, s'asseyant finalement dans un des grands fauteuils du salon pour attendre son fils. Celui-ci ne tardant pas à revenir, comme un poisson frétillant hors de l'eau. L'excitation était bien trop grande pour lui.
Le paternel tapota un coussin en face de lui et Ombre s'y installa sans tarder. Les deux se mirent à glousser, car ils étaient alors traversés du même sentiment. L'impatience.
- Tu es prêt ?!
- Bien évidemment mon fils ! Montre-moi la beauté qui va t'accompagner jusqu'à ta mort.
- Ne sois pas trop sévère… D'accord ?… fini par demandé, un tantinet stressé, le jeune garçon.
Contre toute attente l'artisan vint lui ébouriffer les cheveux avec énergie. Il ne voulait pas que son fils se mette la pression. Quoi qu'il aurait fait, c'était sa baguette rien qu'à lui. C'était lui le décideur. Tant qu'il l'aimait sincèrement, sa baguette lui serait toujours fidèle. C'était avant tout pour ça que Lias faisait fabriquer l'objet au futur utilisateur, pour qu'un lien inaltérable les unissent. Alors, Ombre mit dans les mains de son père la boîte qu'il lui avait sculpté. Pour l'ouvrir et lui faire découvrir la merveille.
À cet instant, pour l'adulte, ce fut comme si le temps se stoppait sur place. Admirant l'oeuvre si délicate de son fils, n'osant même pas la prendre pour l'observer de plus près. Elle était belle et si ouvragée qu'il avait peur de la casser. Remarquant qu'il avait choisi le bois, il eu un petit pincement au coeur de fierté.
- Alors ?!…
- Ta baguette est parfaite, Ombre. On voit directement que ce travail te ressemble. Je suis si fier de t'avoir comme fils… Car tu as suivi ce que te dictait ton coeur.
**
Cela faisait une semaine qu'Ombre avait présentée sa baguette à son père. Et il avait fini par comprendre, pendant toute cette si longue période d'attente, pourquoi il l'avait directement stoppé à son anniversaire, en août dernier. Il est vrai qu'il n'aurait pas su attendre trois mois sans toucher à ce qu'il avait fini par confectionner. Déjà que sept jours c'était juste intenable !
Mais bon, son père le connaissait bien. Aujourd'hui, c'était le grand jour pour tous jeunes sorciers qui avaient atteint l'âge de douze ans dans l'année. Ombre, ainsi que ses deux meilleurs amis allaient recevoir leurs pouvoirs. Bien entendu, ils ne seront pas encore parfaitement s'en servir, mais les cours à l'Académie étaient-là pour ça. Ce n'était pas comme s'ils devraient se battre contre des monstres, rien de bien exaltant, mais tout ceci était fait pour les faire évoluer vers le monde des adultes le plus rapidement possible. Car dans trois ans à peine, ils seront majeurs dans leur monde. La mère d'Ombre lui avait dit que dans le monde des humains, les enfants ne devenaient majeurs que vers leur dix-huit ans. Parfois même vingt, en fonction du pays. Que c'était long ! Les jeunes humains devaient tellement s'ennuyer !
Vêtu de son habit de cérémonie, une sorte de robe faite dans un tissu enchanté d'une légèreté sans nom, les volutes de celles-ci lui donnait l'impression d'être en apesanteur. Elle était de couleur lilas et jaune, les couleurs de l'Académie. Après tout, c'étaient aussi pour signifier leur véritable entrée dans celle-ci.
Tous les jeunes s'étaient alors rassemblé dans un des bosquets de la forêt Cristalline, sous la surveillance d'un professeur. Il fallait attendre que Lias soit prêt à les recevoir dans le kiosque aux souhaits. C'était dans ce petit abri, ouvert de tous les côtés par des rideaux fumeux que l'entité Lias octroyait les pouvoirs lors de la cérémonie. Les adultes, eux, étant regroupés devant celui-ci, attendant patiemment que leurs enfants passent, un par un. C'était comme une sorte de rituel de passage à l'âge adulte.
Ce fut alors le moment, et chaque enfants sorti du bosquet un à un, attendant que le précédent ait fini pour à son tour pouvoir passer. Ombre souhaita alors bonne chance à ses camarades d'enfance. Tao, un garçon typé asiatique aux cheveux rose pâle et aux yeux noirs, ainsi que Galahad, aux cheveux bleu canard, à la coupe particulière mais qui possédait de magnifique yeux émeraude qui faisaient fondre les filles sur place.
Enfin, ce fut le tour d'Ombre qui n'en pouvait plus d'attendre. Il n'était pas d'une nature super patiente et en plus, ils n'avaient pas eut le droit de se montrer leurs baguettes dans le bosquet.
Passant du bosquet jusqu'à la plaine, accompagné de l'enseignant, le garçon à la peau tachetée s'avança lentement pour voir enfin les adultes ainsi que les sorciers ayant obtenus leurs pouvoirs dans un coin un peu plus loin. Pour le moment, il ne vit personne qui semblait triste. Tout le monde jusqu'à présent avait eu ses pouvoirs ? Tant mieux. Alors, il regarda le kiosque quelques secondes. Habituellement, le bois qui le composait fumait de toutes part pour permettre une intimité entière à celui ou celle venant demander un souhait. Pourtant, ce soir, car il était bien vingt-heures, les étoiles brillaient dans le ciel d'encre… Le kiosque n'avait que l'entrée principale de fumante. Il en conclut qu'il devait passer par là.
S'avançant, il traversa la fumée qui le fit étrangement tressaillir. Pour finalement que celle-ci se stoppe, histoire que tous puisse voir ce qu'il se passait avec Lias. L'entité ayant la forme d'une grande flamme bleue était comme assise sur une sculpture de roche faisant penser à une fontaine.
- Bonsoir jeune Ombre, résonna la voix en écho de Lias.
- Bonsoir Lias, je suis très heureux de vous voir.
- Moi de même mon petit. Mais n'ai pas l'air si angoissé. Tout va bien se passer.
Comme s'il avait souri pour rassurer le jeune garçon, Ombre ressenti une sorte de chaleur au fond de lui.
- Bien, à présent montre-moi ta création.
Sans répondre, il fit la même chose qu'avec son père. Sauf qu'il sorti la baguette de sa boîte pour l'approcher de la flamme. Celle-ci resta silencieuse un long moment. Tellement qu'Ombre commençait à se dire que jamais il n'aurait ses pouvoirs. Qu'il avait tout rater.
- Ta baguette… Il s'agit de la plus puissante que j'ai pu effleurer ce soir.
- La plus puissante ? Comme ça ? demanda-t-il, alors qu'il ne comprenait pas.
- Pas en magie, puisque tu sais que cela dépendra de ta maîtrise et de ton intention… Mais… Elle possède le plus fort lien de toutes celles présentées ce soir. Je te félicite Ombre. Tu as effectué ta tâche avec beaucoup de dévotion, de sincérité et de passion. Pourrais-je en connaître la raison ?
Le ton de Lias n'était ni menaçant, ni même sévère, au contraire, il semblait curieux. Pour lui, c'était rare de ressentir cela avec une baguette car plus les générations passées et moins les enfants ressentaient l'envie d'effectuer la tâche de créer l'outil qui deviendra par la suite le plus indispensable pour eux. Ce compliment fit d'ailleurs rougit le métisse qui se gratta la tête de gêne.
- Eh bien… Déjà… Je voulais utiliser le bois, parce que mon père est sculpteur sur bois… Ma mère ne vit plus avec nous depuis longtemps et… Même si j'aime beaucoup ma mère… Je voulais aussi montrer à mon père que son éducation n'était pas veine. Que je le remercie pour tout ce qu'il a fait pour moi. Il m'a toujours encouragé dans ce que je souhaitais accomplir…
- C'est un merveilleux cadeau que tu lui fais là. Tu sembles posséder une bonté rare.
- Merci… murmura-t-il de plus en plus gêné. J'ai aussi… Voulut tout faire tout seul. Par moi-même. Même si je ratais, ce qui n'est pas arrivé, mais je veux dire… Que même si j'étais amené a rater une étape… Je l'aurais laissé comme ça, j'aurais continué, je n'aurais en aucun cas recommencé. Car c'est ma baguette. Elle n'est pas parfaite, mais c'est moi qui l'ai fait. C'est pour qu'elle devienne comme une extension de notre bras, de notre corps, que vous nous faites faire cela, n'est-ce pas ?
- En effet, tu es un jeune sorcier perspicace, Ombre.
Nouveau silence de la part de Lias. Et même si Ombre avait le sourire jusqu'aux oreilles, il avait tout de même une petite angoisse.
- Après un si bon travail, tu as bien mérité tes pouvoirs !
Le sourire du garçon s'élargit et il entendit même ses deux amis l'acclamer derrière. Suivant donc les instructions de Lias, il approcha sa baguette d'un bénitier remplit d'eau claire, la posant dedans, il s'écarta et attendit. Un cercle mystique se forma autour de celle-ci pour la faire léviter au-dessus du récipient, puis, elle se mit à briller d'une lueur argentée. Et quand la lueur s'estompa, comme absorbée par la baguette, elle retomba avec douceur dans le bénitier devenu complètement vide.
- Tu peux récupérer ta baguette Ombre. Elle contient à présent tes pouvoirs. Ceux-ci s'affineront au fil de tes entraînements et années de pratique, même après les classes préparatoires. Alors ne te dis pas qu'une fois l'Académie terminée, que tu as tout apprit.
- Oui Lias, je m'en souviendrais !
- J'en suis sûr. J'en suis sûr.
C'est le sourire jusqu'aux oreilles et les joues rouges qu'il gagna le groupe de sorciers de tout à l'heure, pour assister à la fin de la cérémonie. Finissant tout de même par se rendre compte qu'apparemment, il était le seul à qui Lias avait autant parlé. Ce qui le fit rougir de plus belle. Des rumeurs allaient finir par voir le jour. Bonnes auprès des adultes, sûrement mauvaises auprès de ses camarades.
Une fois la cérémonie enfin close, son père invita Tao et Galahad chez eux pour déguster le gâteau de la victoire. Pâtisserie ainsi nommée par le groupe d'amis pour fêter ce qui s'apparentait à leur diplôme.
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