Chapitre 11
Les vacances étaient enfin terminées. La coïncidence avait voulu que celles des humains et des sorciers soient environ au même moment. Ombre avait pu profiter de ses amis, même si sa mère les avaient forcés à réviser leurs sorts. Ce qui n'était pas plus mal, vu qu'en soit, c'est quelques semaines après qu'avait lieu l'examen de demie-année pour contrôler la pratique des jeunes garçons.
De ce fait, la mère d'Ombre se transforma du jour au lendemain en un terrible tyran. Ombre n'avait encore moins le droit de sortir, et elle faisait même faire de faux certificats médicaux, pour qu'il ait plus de temps à la maison pour travailler avec sa baguette. Pourtant, à contrario, elle serrait la vise sur les révisions du collège avec les contrôles qui allaient compter pour les passations en classe supérieure. Avec tout cela s'ajoute les championnats inter-collèges qui arrivaient à grand pas, alors les entraînements devenaient beaucoup plus fréquents et difficiles. Aucune erreur n’était admise par l'entraîneur.
Ombre ne savait plus sur quel pied danser, il fallait l'admettre. Il passait tout son temps à travailler, tellement qu'il ne pouvait plus prendre les appels de ses deux meilleurs amis. Sa mère ayant même confisqué son coquillage… Et Eglantine dans tout ça ? Il n'était pas venu prendre le goûter avec Magnus depuis des lustres. Enfin… Ce qui lui paraissait des lustres alors qu'à peine une semaine de révision intensive était passée. Sa mère lui disant sans cesse qu'elle y arrivait bien avec son travail, ce qui minait encore plus le moral du jeune garçon.
Sa mère était un bourreau de travail et il commençait sérieusement à s'imaginait sa mère quand elle était enfant dans ses rêves la nuit. Quand il rêvait… L’imaginat en tailleur, avec sa petite taille d'enfant, les cheveux disciplinés, sans amis et surtout, avec un livre et un plumier toujours à la main… Était-elle réellement comme ça enfant ? Ou bien était-elle plutôt du genre sans amis qui avait fini par se réfugier dans la seule chose qu'elle savait concrète ? Ou alors… C'était ses propres parents qui avaient mis de la pression sur elle et à la longue, cela avait fini par lui formater l'esprit ? C'était potentiellement plus probable.
Sauf que cette pression était encore plus pesante sur les épaules d'Ombre qui lui ne rêvait que de liberté et de profiter de ses dernières années d'enfant. Car dans trois ans, il aurait une librairie à gérer, s'il arrivait déjà à l'ouvrir. Les aides pour les jeunes adultes étaient nombreuses chez lui, mais il n'était pas né en connaissant le métier, cela s'apprenait. Et malgré sa passion, une peur subsistait, allait-il y arriver ? Plus les jours passaient, et plus il en doutait alors que la fatigue et le surmenage s'insinuait en lui. Il n'arrivait plus à dormir une nuit complète, son esprit ressassant ses cours sans cesse, la voix de Magnus lui répétant les explications des leçons de mathématiques… Le repos n'existait à présent plus pour le garçon aux cheveux mauve.
Ombre devenait grognon et apathique à force. Magnus s'inquiétait, mais son ami ne lui répondait rien quand il cherchait un moyen de l'aider. Il grognait juste un « laisse tomber » pour ouvrir à nouveau un de ses livres et se plonger dedans, à demi concentré. Les cours devenaient un calvaire sans nom pour lui. Somnolant, écrivant d'une main si tremblante que les mots étaient incompréhensibles. À la pause du midi, il ne mangeait presque rien, jouant avec sa nourriture plus qu'autre chose. Un jour, le rouquin avait même emmené son ami à l'infirmerie, car il était très pâle et ses jambes tremblaient. Le garçon avait tout fait pour convaincre l'infirmière de ne pas appeler sa mère. Une sorte de peur se lisant dans ses yeux, alors au bord des larmes. Ombre était rongé par la peur, la culpabilité et le doute. La fatigue n'aidant pas. La responsable le laissa se reposer sur un lit, pour qu'il dorme… Mais à la place, il avait sorti sa baguette pour réciter certains sorts le dos tourné. Sauf qu'il ne faisait presque pas attention si la voie était réellement libre… Il ne se fit pas prendre par l'adulte humain, mais… Il s'exposait tout de même à un risque des plus grands. Car expliquer qu'on était un sorcier à un garçon de son âge était autre chose qu'à un adulte Nivanhien. Ce genre de chose n'aurait pas été admise par Lias.
Ce soir-là, en rentrant chez lui, le pas traînant, sa mère l'interpella avant qu'il puisse s'enfermer dans sa chambre. Elle avait les bras croisés et le regardait avec énervement.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? démarra-t-elle d'emblée.
- Quoi ? lui répondit-il d'un ton sec, sans même la regarder.
- Ton école à appelé. Il semblerait que tu ne sois pas attentif en cours et que tu te fais passer pour malade ? Le fait de rater des cours pour travailler ta magie ne te suffit pas ?
- « Me faire passer pour malade » ?… Moi ?
Ombre était un peu choqué d'entendre ça. Que sa mère le croit capable de simuler alors que le garçon avait toujours était d'une honnêteté sans faille ? Tout ceci l'énerva à son tour, perdant son calme comme on détruisait une bulle de savon avec un mouvement de doigt.
- Je ne me fais pas « passer » pour malade ! J'en peux plus ! Tu comprends ?! J'en peux plus ! C'est trop de travail, je n'arrive pas à me reposer !… cria-t-il, les yeux humide et la gorge nouée.
- Je t'avais dit de ne pas entrer dans ce Club de sport. C'est bien trop de travail en plus. Mais tu ne m'as pas écouté, alors assume les conséquences de tes actes.
Elle avait répondu froidement, indifférente, comme à son habitude.
- Pardon ?! Les conséquences de MES actes ?!… Mais sérieux maman ! Pourquoi tu m'as fait venir à Nivanh si c'était pour privilégier la magie !… Tu te rends pas compte de tout ce que tu me demandes ! J'ai que douze ans !!…
La voix d'Ombre avait résonnée dans toute la maison. Mais sa mère n'avait toujours pas changée d'expression. Ce qui dégoûta Ombre encore plus de la personne qui se disait sa génitrice et surtout, qui se disait l'aimer.
- Que douze ans ? Ce n'est pas toi qui disais que tu étais un adulte la dernière fois ?
Là, sa mère était aller trop loin, encore une fois, elle avait toujours le dernier mot en déformant la vérité des paroles de son fils, ne voyant que ce qu'elle voulait voir. Abattu et résigné, il alla s'enfermer dans sa chambre, pour réviser, encore et encore. Sans même verser une larme ou un sanglot.
**
C'était le jour J.
Le jour de l'examen de demie-année pour les sorciers de premier cycle des classes préparatoires. Pour l'occasion, Ombre et sa mère étaient repartie en Glavanh, car c'était impossible pour le garçon de passer l'examen dans le monde des humains. Pendant le retour en carrosse, il n'avait eu que la tête dans les carnets des professeurs pour réviser jusqu'à la dernière minute. Ce qui agaça sa mère qui lui répétait que réviser au dernier moment n'était pas la meilleure des choses. Même si c'était une sorte de conseil, Ombre ne voyait que l'avertissement cacher de la femme en tailleur noir. Que s'il révisait actuellement, c'est qu'il ne connaissait pas ses formules.
Mais Ombre ne se décourageait pas malgré sa fatigue, il allait tout donner et montrer à sa mère qu'il pouvait le faire, même si intérieurement, il n'avait qu'une envie, celle de fuir, fuir au bout du monde pour arrêter tout ça, tout abandonner et monter un élevage d'alpagas, comme lui avait dit un jour Magnus. Cette idée étant de plus en plus séduisante, à vrai dire…
Sa mère le laissa sur le lieu de l'examen avec ses deux amis. En le voyant, Tao et Galahad se précipitèrent sur lui, pour venir lui faire des accolades, tellement heureux de le revoir, mais s'arrêtèrent à mi-chemin. Leur ami avait le teint pâle, les yeux ternes et éteints. Et surtout, il ne souriait pas. Pourtant… Il était celui qui était le plus enclin à sourire en toute circonstance… Ce qui les firent immédiatement s'inquiéter, demandant à leur ami ce qui n'allait pas, mais rien ne sorti de sa bouche. Rien. Même pour ses amis.
L'examen fini par commencer, dans la cour de l'Académie. Devant un jury composé de grands sorciers et aussi de la directrice. Celle-ci avait un sourire rassurant pour chaque enfant, car ses examens étaient nouveaux et voulaient dire énormément pour les jeunes praticiens. Malheureusement ou heureusement, Ombre obtint son grade de demie-année de justesse. Les professeurs lui disant que c'était sûrement à cause de son double cursus, que ce n'était pas grave. Pourtant, la directrice vint le voir, lui disant que s’il le souhaitait, elle pourrait discuter avec sa mère, pour la convaincre d'arrêter ce cursus chez les humains qui, elle le voyait, ne faisait que se faire éteindre à petit feu la joie dans le regard d'Ombre. Il esquiva la question et rentra chez lui, avec ses amis qui lui collait au train. Voulant le soutenir face à sa mère.
Cela ne rata pas. Sa mère le réprimanda des plus sévèrement avec des mots qui choquèrent même les deux sorciers. Le père quant à lui était dans l'atelier, en sortant en entendant la voix de son ex-femme. Pour lui, tout semblait bien aller dans le monde des humains, vu que son fils ne le contactait pas. Et surtout, il n'avait pas vu le visage si éreinté de son fils. Se disant alors, aux vues des résultats de son examen, que sa mère l'avait ouspiller pour la forme. Car au final, il avait passé son examen, de justesse certes, mais il l'avait eu et pour le père, c'était ce qui comptait. Tao et Galahad finirent par comprendre que le père semblait ne rien voir de tout ce qu'il se passait.
Pourtant, ils se rappelèrent comme le père était alors opposé au début, à laisser partir son fils avec sa mère. Pourquoi ne voyait-il rien ? C'était étrange… Alors le lendemain, quand Ombre et sa mère repartirent dans le monde des humains, les deux garçons vinrent rendre visite au père de leur ami à nouveau. Ils devaient lui parler, lui ouvrir les yeux à propos de ce qui était en train de se passer dans la vie du garçon. Étonné de les voir ici, le père les fit rentrer.
- Tout va bien les garçons ?
- Nous oui Monsieur… Mais, nous voudrions vous parler d'Ombre… commença en douceur Gahalad, sachant très bien que Tao n'avait absolument aucun tact.
Il les fit asseoir dans le salon, alors qu'il se lavait les mains, pleines de poussière car il était en train de travailler. Pour revenir s'asseoir et les écouter.
- Ombre ne va pas bien. Hier, pendant l'examen, il avait le regard totalement éteint, il était ailleurs, c'est pour ça qu'il n'a pas eu de bons résultats, fini par dire l'asiatique.
- Comment ça ? Je n'ai rien vu de bien étrange chez mon fils, tu sais. Il semblait triste à cause de la morale de sa mère, c'est tout.
- Justement Monsieur… enchaîna Galahad. C'est plus compliqué que ça… On a passé les vacances avec lui chez sa mère… Elle est… Vraiment très stricte. On dirait qu'Ombre est en train de s'éteindre…
Les mots étaient un peu fort, mais il fallait faire réagir le père, qui pour le coup, avait les yeux tremblants en entendant tout ça. Finalement, il soupira, et se passa une main dans les cheveux.
- Vous ne vouliez pas qu'il parte, pas vrai ? Alors pourquoi vous l'avoir laisser faire ? demanda Tao un peu plus froidement.
- Je… Les enfants, vous ne comprendriez pas…
- Si, bien sûr que si Monsieur, c'est notre ami. Et on vous aime beaucoup aussi… On comprendra. Laissez nous comprendre… Supplia le garçon aux cheveux bleus-canard.
- C'est…
Le père s'arrêta pour prendre une grande inspiration avant de parler.
- Mon ex-femme… Est une personne qui a un besoin de contrôle constant sur ce qui l'entour… Elle est… Quelqu'un qui a de l'influence ici. Elle m'a laissé Ombre car sa carrière comptait bien plus pour elle que sa famille. Mais… Si je ne la laissait pas faire, elle allait tout faire pour que je ne revois plus mon fils… Et je refuse ça… Il est tout ce que j'ai. C'est moi qui l'ai élevé… Alors même si c'est dur pour lui, je veux qu'il ait quand même la possibilité de rentrer à la maison, vous comprenez ?…
Les paroles du père étaient comme désespérées. Il était vrai qu'en terme de garde d'enfants quand des parents se séparaient, le monde des sorciers n'était pas des plus tendre, surtout quand quelqu'un savait comment en tirer parti. Et la mère d'Ombre semblait savoir maîtriser tout ça. C'était comme une menace, un ultimatum…
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