Chapitre 17
Eglantine était dans son petit appartement avec trois jeunes sorciers. Leur ayant laissé sa chambre pour qu'ils puissent dormir dans le même lit tout les trois, histoire qu'ils puissent se reposer un peu après cette mésaventure. Elle sentait bien qu'Ombre en avait gros sur le cœur, qu'il combattait pour ne pas faire quelque chose d'impardonnable. Cela se lisait aussi dans les yeux de Tao et Galahad. Une inquiétude extrême pas complètement bien feinte.
La biscuitière était dans la cuisine à faire réchauffer un peu de ses restes pour les enfants. Elle réfléchissait distraitement, repensant à elle. Car même si elle avait dit il y a quelques mois, en rencontrant le garçon qu'il ne fallait pas qu'il fugue, le problème de celui-ci était plutôt grave. Elle voulait l'aider et juste le ramener à sa mère n'aurait rien fait. Il fallait une sorte de déclencheur pour la génitrice. Son histoire à elle était bien différente que celle d'Ombre. Différentes histoires, différentes expériences, différentes façons de procéder. Elle allait tout faire pour convaincre cette femme.
Elle se mit alors à repenser à l'époque ou elle aussi était une toute jeune sorcière. Vivant en garde alternée chez son père deux fois par semaine et sa mère une fois par semaine, car celle-ci travaillait beaucoup et n'avait pas les ressources pour complètement s'occuper de sa fille. Le père était partie s'installer en Nivanh avec sa nouvelle femme, une humaine, qui elle en était sûre et certaine, la détestait. Elle devait vivre avec les enfants de cette dame, qui ne faisait que lui rentrer dedans, lui tirer les cheveux et lui voler ses affaires. Tellement qu'elle avait tout le temps l'air mal fagotée. Ce que sa belle-mère s'empressait de lui reprocher.
Puis un jour, un des enfants, qui avait bien deux ans de plus qu'elle était venu dans sa chambre un soir… Pour jouer avec elle qu'il disait, mais c'était bien plus violent qu'un simple jeu. Eglantine s'était alors confié à son père, dans un moment de calme avec lui, les larmes aux yeux. C'est alors avec stupeur qu'elle s'étonna de sa réaction. Il ne la croyait pas. Il lui passa un savon dont elle se souvenait encore, disant qu'il comprenait qu'elle n'aime pas sa nouvelle femme, mais qu'il ne fallait pas dire de telles sottises. Depuis ce jour, sa belle-mère se mit à la frapper.
Quand elle rentrait pour la semaine chez sa propre mère, celle femme si douce qu'elle adorait, elle ne pouvait pas lui avouer ce genre de choses si abjectes. Sa mère avait déjà ses propres problèmes pour s'en sortir. Autant ne pas lui en rajouter pour la faire s'inquiéter. La sorcière aux cheveux verts profitait simplement des moments avec elle et des biscuits chauds qui sortaient du four.
Sauf qu'un soir, s'en était trop pour Eglantine. Les coups et brimades étaient si affreux qu'elle fit son sac et s'en alla. Fuguant exactement comme Ombre, mais dans le monde des humains car c'était plus facile de s'y perdre pour les sorciers. Elle fut tout de même retrouvé par les autorités compétentes, et ramené chez elle. Tout fut raconté à sa mère, pour la fugue du moins. Depuis, plus personne ne la croyait, la traitant de menteuse à tout bout de champs. Même auprès de sa mère, qu'elle aimait tant. Cette fugue avait pour de bon détruit toute la complicité qu'elle avait avec sa génitrice… Et cela lui faisait encore du mal aujourd'hui. C'était en partie pour ça qu'elle était devenue biscuitière.
C'est alors que ça sonna à la porte. Elle put entendre un peu de bruit dans sa chambre. Sans doute les jeunes qui s'étaient réveillés de peur. Elle alla les voir pour les rassurer d'un sourire tendre. Disant que tout irait bien tant qu'elle serait là.
Eglantine, armé d'un torchon à la main, avec lequel elle s'essuyait, alla ouvrir à ses invités indésirables. Voyant alors celui qui devait être le père. Il ressemblait beaucoup à Ombre, ses traits étaient doux et surtout inquiet. Alors que la mère qu’elle aurait cru venue seule, était une vraie femme d'affaire, avec le regard et l'allure dure. Comment cet homme avait pu finir avec une femme pareille ? Nous ne le serons jamais…
- Oui ? C'est pour quoi ?
- Ou cachez-vous mon fils, lança la mère d'Ombre, le ton froid et des plus autoritaires.
Non mais elle avait cru quoi celle-là ? Cela fit doucement grimacer Eglantine qui leva un sourcil de consternation. En voyant ça, le père soupira, passant devant son ex-femme, la mine désolée pour la biscuitière.
- Veuillez l'excuser… Bonsoir, je suis le père d'Ombre. C'est Magnus, son ami qui nous a dit qu'on pourrait le trouver ici, avec ses deux amis…
Lui au moins était des plus polis. Et semblait réellement se soucier du sort de son fils. Eglantine fit claquer son torchon, ce qui fit grimacer la mère, pour l'accrocher à son tablier. Problème avec les figures parentales, Eglantine ? Pas du tout. Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
- En effet, Ombre, Tao et Galahad se trouvent chez moi.
C'est alors que la mère força d'un coup le passage, sauf qu'en un claquement de torchon sur le bras de cette femme, Eglantine la fit reculer.
- Mais vous n'êtes pas bien ?! Laissez-moi entrer !!
- Alors là, je crois que vous vous mettez le doigt dans l'oeil jusqu'au coude, renchérit Eglantine, elle aussi avec un ton déterminé.
- Ça va pas la tête de me fouetter comme ça ?! Pauvre fille !
- Pauvre fille ? C'est vous la pauvre fille. Non mais vous vous êtes vu ? Entrer sans l'accord du locataire ou propriétaire est contre la loi. Vous voulez vraiment que j'appelle la police ?
- Mais vous retenez mon fils !!
- Ombre est là de son plein gré, pour vous fuir VOUS.
Ce discours eut le don de calmer un peu la mère qui se tint en retrait. Le père s'excusant à nouveau, parlant avec Eglantine de ses inquiétudes, essayant de savoir si son fils allait bien.
- Ombre va très bien. Il est juste fatigué. Je suis désolé, mais je ne vous laisserais pas entrer pour le voir, tant que votre femme ne sera pas calmée.
- Je comprends tout à fait.
Le père s'éloigna pour parler à son ex-femme, entre la colère et le calme, pour revenir enfin vers la porte d'Eglantine.
- D'accord, je ferais un effort pour ne pas m'énerver, avoua la brune.
Eglantine observa la mère pendant de longues secondes, histoire de voir si elle n'allait pas perdre son calme, mais non. Le père ? Elle avait confiance. Aux vues de ce que lui avait dit Ombre, elle ne pouvait que constater qu'il était un type bien. Ouvrant donc un peu plus sa porte, elle laissa entrer les parents, les laissant s'installer dans le salon. Enfin, elle alla chercher les enfants. Les rassurants encore, en particulier Ombre, le prenant contre elle, pour lui dire qu'elle ne le laisserait pas partir comme ça. Elle sorti d'ailleurs quelque chose de son placard. Un téléphone portable qu'elle donna au garçon.
- Prends ça avec toi. Il marche même à Glavanh. Si un jour tu as le moindre problème, tu peux m'appeler. D'accord ? Au cas où.
Ce geste eut le don de rassurer l'adolescent qui se mit tout de même à angoisser face à la confrontation à venir.
C'est le pas traînant qu'Ombre arriva, bien caché derrière ses deux amis qui se voulaient des plus protecteurs. Ils restèrent là… Debout, en face des parents, Eglantine près de la porte d'entrée.
- Ombre, je suis content de savoir que tu vas bien et tes amis aussi. Vos parents s'inquiètent… commença avec douceur le père.
- On est désolé Monsieur. Mais nous devions protéger notre ami, lança Tao, le regard fier.
- Je comprends les enfants. Je suis désolé Ombre, je comprends parfaitement que tu ne veuilles pas partir, personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient.
Oui, sauf que c'était la mère qui fallait convaincre.
- Maman ?… dit enfin le sorcier aux cheveux mauves.
- Oui Ombre ? répondit-elle, semblant se contrôler.
- Je suis déterminé à rester ici. Je ne me plaindrais plus de la fatigue, je te le promets, même en me laissant sortir. J'aurais la moyenne absolument partout et Eglantine m'aidera pour les cours de l'Académie et Magnus pour le collège…
La mère soupira, se passa une main dans les cheveux.
- Pourquoi tu penses tant à rester chez les humains ? Tu ne voulais pas retourner à Glavanh ? Enfin, pense à ton avenir ! Tu es le prochain souverain, ton éducation est à faire chez nous, avec Lias !
- Mais maman… Lias et moi avons discutés, il a dit que je pouvais au moins finir l'année en cours !
Le ton commencait à monter. La mère s'énervait. Eglantine s'avança doucement, voulant intervenir mais elle n'en eut pas le temps.
- Je n'ai que faire de ce que pense Lias ! Maintenant tu vas m'obéir !
Elle se leva, pour s'avancer, poussant les deux autres jeunes et attrapa son fils par le bras. La scène était violente pour Eglantine et douloureuse pour Ombre, qui avait une douleur naissante et brusque sur le bras. Il se débattit mais rien n'y faisait, sa mère avait une bonne poigne.
Toute cette agitation fit de plus en plus paniquer Ombre qui s'était mit à pleurer. Pour lui, jamais sa mère ne changerait d'avis, il fallait qu'il se réfugie derrière quelqu'un de pouvoir, quelqu'un capable de l'aider véritablement. Car il savait que sans ça, sa mère n'écouterait absolument personne. Ni lui, ni son père, ni même la directrice de l'Académie. Sa mère savait ce qu'elle voulait et c'était… Problématique.
La seule façon qu'il trouva pour se défendre fut d'attraper de son autre main, sa baguette, de la pointer sur sa génitrice et d’hurler le seul mot qui lui vint à l'esprit :
- HURLEVENT !….
Soudain, une bourrasque sortie de sa baguette pour percuter sa mère pour l'envoyer à l'autre bout de l'appartement, ce qui lui fit lâcher prise pour se retourner et s'enfuir de chez Eglantine.
Il ne connaissait que ce sort pour se défendre. Bien que ça ne soit pas un sort fait pour ça. Il s'agissait de la base d'un sort pour soulever les trop gros volume, trop lourd à porter à mains nues.
Ombre venait de s'enfuir et personne n'avait essayé de l'arrêter, car seule sa mère le souhaitait. Il courut jusqu'à la gare et rentra dans son monde de naissance, là ou il se sentait réellement chez lui. Les autres allaient peut-être le suivre, mais il s'en fichait, tant qu'il arrivait le premier la ou il le souhaitait.
C'est après un peu de temps qu'il vit enfin la pointes des arbres blancs de la Forêt Cristalline. Ombre y entra en courant, à en perdre haleine. Il n'en pouvait plus, c'était bien plus intense que lors de sa première fugue. Et il se fichait bien de l'avertissement d'Eglantine. Il n'avait plus aucune solution. À part peut-être parler avec Lias, mais pour l'instant il ne souhaitait qu'une chose, se cacher de tous le monde, pouvoir être seul pour réfléchir.
Il se plaça entre deux souches d'arbres cristallins, bien caché par les buissons, pour se mettre en boule et pleurer doucement. Il repensait à ses moments ou il se faisait mal, la douleur lui avait fait du bien, mais il savait qu'aujourd'hui, ce type de douleur ne lui serait pas suffisante. Pourtant, il voyait encore un infime espoir avec Lias, pour convaincre sa mère. Ombre resta donc là longtemps, sans savoir combien d'heures ou de minutes s'étaient égrainées.
Finalement la flamme qu'était Lias voleta vers le garçon, qui releva la tête.
- Ombre ? Que fais-tu ici ? demanda-t-il de sa voix douce.
- Je… Je me suis enfui… Je n'en pouvais plus…
La voix d'Ombre se brisa et il se mit à pleurer, comme depuis le début de l'année. Lias vint un peu plus près de lui pour répandre sa chaleur. Ce qui calma un peu le sorcier.
- Explique-moi Ombre, tu sais que je suis là pour t'aider.
- Je… Ma mère ne veut pas entendre le fait que je veuille rester à Nivanh… Même en parlant de vous… J'en peux plus… Elle m'étouffe tellement que…
- Que ?…
La voix de Lias résonna dans le bois doucement, alors qu'Ombre lui montra les cicatrices de ses bras. Il comprit, diffusant un peu plus de chaleur comme s'il lui souriait tendrement.
- Ne t'en fais pas. Tout va s'arranger. Tu me fais confiance ?
- Oui mais…
- Ta mère m'écoutera, soit-en sur Ombre.
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