Chapitre 2 : tante
Doucement, la femme ouvrit les yeux. Elle serra la main de l'homme en lançant :
– Oh mon Caramel ! J'ai fait un rêve horrible ! La princesse et Nel sortaient avec des humains !
Elle se redressa d’un coup, surprise.
– Mais, attendez, qu'est-ce que je fais ici ?
Elle se tourna vers son « Caramel », visiblement désorientée :
– J'ai aussi rêvé que tu avais enfin fini de rattraper l'administration en retard ?
– Chérie, reste avec nous.
Son regard se fit plus méfiant alors que Nel et l'homme affichaient une expression des plus graves.
– Kamaël, Nel, qu'est-ce qu'il se passe ?
Le démon recommença à sangloter alors que son père répondait :
– Ce n'est pas un rêve.
Elle resta un moment immobile.
Un très long moment.
– Vous croyez qu'elle est encore vivante mentalement ? lançai-je.
Soudain elle sortit du lit, me faisant ainsi sursauter. Elle se dirigea ensuite vers le petit salon de leur chambre que nous avions traversée un peu plus tôt.
Toutefois, elle s'arrêta au pas de la porte et nous lança un regard glacial à moi et à Nel.
– Qu'ils ne mettent jamais les pieds ici et plus jamais vous ne retournerez à là-bas.
– Objection ! Criai-je.
– Saphir tu… Commença l'homme en se levant.
– Il est hors de question que Linoa et Nel se fassent tuer par cette bande de sauvage !
– Mon petit ami et ma famille adoptive ne sont pas une bande de barbare ! Répliquai-je à mon tour.
Kamaël se tourna vers moi et, à voix basse, m'ordonna :
– Linoa, ne dit rien de plus.
– Ils le sont ! Annonça bien haut Saphir en croisant les bras. Si ton père était encore là, il serait du même avis que moi. Les humains ne savent que nous faire souffrir, nous et les roux !
– Il y a des roux dans ma famille adoptive. Contestai-je.
– Et la petite amie de Nel est rousse. Rajouta le « Caramel ».
Silence.
– Je…
Un petit sourire malicieux étira les lèvres de Kamaël.
– Tu ne sais pas quoi dire d'autre ?
Elle détourna la tête et lança :
– Je savais bien que Solia ne confirait jamais sa fille à des bourreaux. Et encore moins que mon bébé en tomberait amoureux.
Le visage de l'obscurien sembla s'apaiser.
– J'aimerais bien rencontrer cette pauvre enfant. Déclara-t-elle. Nel, est-ce que tu pourrais lui demander si elle peut passer quelques jours ici ?
Les yeux du concerné s'allumèrent d'étoiles.
– Bien sûr ! Je vais lui demander tout de suite !
Et sur ces mots, il sortit en trombe de la chambre.
Saphir poussa un soupir avant de reposer son regard sur moi.
– Nous discuterons de cette histoire d'humain plus tard. En attendant…
Un petit sourire étira ses lèvres tandis qu'elle se jetait à mon cou. Son étreinte fut tellement forte que je crus mourir étouffée.
– Ça fait tellement longtemps que je ne t'ai pas vu ! S'exclama-t-elle.
– Je… Je… Peux… Pas… Respi…
Elle me lâcha et recula un peu mais son sourire disparu bien vite, ses yeux traversés par de la culpabilité.
– Excuses-moi pour la manière dont je t'ai parlé, déclara-t-elle. Quand je m'inquiète beaucoup, je peux avoir un comportement disproportionné. Surtout que je ne t'avais pas reconnu…
– Oh, c'est rien, lançai-je.
– Mais pourquoi tu as coupé tes cheveux ?
– Bah…
N'ayant pas vraiment envie de révéler la raison qui m'avait poussé à les couper la première fois, je répondis :
– … Parce que j'en avais envie.
Regard blasé.
Elle allait répliquer mais son Caramel la coupa :
– Et si on allait manger ? On doit être attendu maintenant.
– Ah oui. Effectivement, allons-y !
L'obscurité de la salle n'était dérangée que par la faible lueur des bougies sur la table. Le silence, lui, se trouvait troublé par les dégoûtant bruit de l'homme. En effet, celui-ci s'était jeté sur la nourriture et, depuis plus d'une dizaine de minutes, mangeaient comme un affamé.
– Mais quand apprendra-t-il à manger correctement ? ! s'agaça la femme appuyée à l'épaule de l'homme à demi-masqué.
– Est-ce bon ? s'enquit celui-ci.
Le concerné acquiesça énergiquement et demanda, la bouche pleine :
– Comment vous faites pour avoir autant de choses ? Vous ne travaillez pas pourtant.
La femme grimaça.
Ce porc la dégoûtait.
– Des richesses que j'ai amassées durant mes siècles d'errances, répondit-il.
Les bruits recommencèrent.
Excédée, elle s'approcha de lui et, alors qu'elle allait claquer des doigts, l'homme l'interrompit :
– Mort, j'ai encore besoin de lui.
Il leva les yeux de sa cuisse de poulet pour les poser sur son bienfaiteur.
– À qui parlez-vous ? Nous ne sommes que deux dans la pièce.
– Richards, j'ai besoin que tu me rendes à nouveau un service, annonça-t-il, ignorant sa dernière remarque.
Plus tard,
Saphir ne fit pas allusion à Callen de tout le repas. En fait, durant celui-ci, elle passait son temps à raconter tout ce qu'il s'était passé ces dernières années au Chaos. Sans oublié les quelques anecdotes croustillantes à propos de l'enfance de Nel. Celui-ci avait tenté plusieurs fois d'arrêter sa mère, en vain.
Kamaël, lui, me parlait des affaires du royaume, me promettant de m'apprendre les quelques petits trucs à savoir sur le peu d'administration à remplir.
Aucun d'eux ne fit allusion à mes parents. Pire, ma tante n'était pas là.
– Eloan, pourquoi tata n'est pas là ? Demandai-je alors que j'aidais à débarrasser.
– Elle est restée toute la nuit sur la « traduction » d'un sort du grimoire des Mandragore. Déclara-t-il alors qu'il préparait un plateau.
Il le glissa vers moi et rajouta :
– Je suis sûr qu'elle sera ravis que tu viennes lui donner.
Je le fixai un moment avant de sourire. Il m'indiqua rapidement où se trouvait sa chambre.
À mesure que je me rapprochai de la pièce, mon cœur accélérait.
La petite sœur de mon père… Qu'est-ce que je pouvais bien lui dire ? Ou même comment me présenter ?
« Bonjour, j'ai entendu dire que vous étiez la sœur d'un certain Nagi Altissima. Eh bien, je suis sa fille. »… Ça fait beaucoup trop distant !
« Je suis ta nièce !Surpriiiiiiiiiiiiise ! »… Non, elle me prendrati pour une gamine ou quelque chose dans ce genre.
J'arrivai devant la porte.
Je pense qu'un « Salut, je m'appelle Linoa. Je suis la fille de Nagi » fera l'affaire.
Je toquai, retenant ma respiration un instant.
– J'arrive ! Déclara une voix douce.
Il ne fallut pas longtemps pour que la porte s'ouvre sur une magnifique femme. Ses longs et fins cheveux brun tombaient sur ses délicates épaules. Ses beaux yeux violet dégageaient une douceur et une gentillesse incroyable. Sous ceux-ci, des cernes avaient commencé à se former, confirmant les dires de son fils.
– Je… Bredouillai-je. Salut…
Elle resta un moment surprise avant qu'un sourire étire ses lèvres, ces doux yeux se bordant de larmes.
– Linoa… Murmura-t-elle en entourant mon cou de ses bras et en se rapprochant le plus possible de moi.
– Euh… Et si je posai le plateau.. ?
Elle s'écarta de moi et me fit rentrer dans la chambre et je posai le plateau sur la table avant qu'elle ne me serre contre elle. Je lui rendais son étreinte, profitant de sa chaleur et sa présence.
– Eloan !
Le concerné se retourna, faisant ainsi face à l'obscurien qui se rapprochait de lui.
– Il y a un problème Nel ?
– Tu ne saurais pas où se trouve Linoa ?
– Hum… Murmura-t-il en posant un doigt sur son menton, réfléchissant visiblement à la question.
Il aurait pu lui dire que la princesse se trouvait avec sa mère mais il voulait laisser les deux filles tranquilles.
– Je sais pas vraiment. Mentit-il. Mais si j'étais à la place de Linoa, je me cacherais à la bibliothèque.
– Merci !
Et sur ces mots, il se mit à courir.
Un peu plus tard,
Nous parlions de tout et de rien, racontant les anecdotes de nos vies qui, jusque-là, ne s'étaient jamais croisé.
D'ailleurs, pourquoi ce n'avait jamais été le cas ?
– Leila, pourquoi tu n'étais pas au château avec Eloan quand j'étais petite ? m'enquis-je.
– Il ne t'en as pas parlé ?
Je hochai ma tête de droite à gauche.
Elle baissa les yeux sur la tasse de thé qu'elle s'était préparée avant d'expliquer :
– Je ne connaissais même pas ton existence il y a encore quelques mois. Enfin, je m'en suis doutée quand j'ai appris que.. Que Nagi et Solia n'étaient plus de ce monde. En faîte, cela fait vingt ans que je n'ai pas mis les pieds ici.
– Pourquoi ?
– Il y a vingt ans, quelques semaines après que mon mari et moi avions apprit que j'étais enceinte, une bataille s'est déclarée. Il m'a fallu être persévérante pour y aller. Mon mari ne voulait pas, Solia non plus et alors Nagi, s’il l'avait pu, m'aurait enfermé dans un bunker ! Mais ta mère m'a finalement donné l'autorisation et ton père ne pouvait rien dire : sa parole ne valait rien face à celle d'une héritière, même, de la Reine. Nous sommes donc partit affronter l'Harmonie sur le territoire des humains. La bataille à été féroce et les pertes importantes des deux côtés…
Elle touilla le contenu de la tasse avant de reprendre :
– … Certains tes grands-oncles et tante y on périt, laissant Solia et ta grand-mère comme dernières héritières. Mon mari aussi a figuré parmi les victimes.
Des larmes tombèrent sur la table. Dans un geste qui se voulait rassurant, je lui attrapai doucement la main.
– Si tu ne veux pas aller plus loin, ce n'est pas…
– Un jour, on s'est retrouvé bloqué, continua-t-elle, ignorant ma remarque. Solia, Nagi, Saphir, Kamaël et moi étions pris au piège dans une petite bâtisse, cerné par l'Harmonie. Il voulait la Reine. Ça faisait plusieurs heures quand j'ai proposé de prendre l'apparence de ta mère.
– Prendre l'apparence ? répétais-je.
Doucement elle acquiesça.
– J'ai réussis à décrypter et apprendre ce sort qui se trouvait dans le grimoire des Mandragore. Ta mère n'a pas voulu que je me sacrifie à sa place. Tu aurais dû voire l'état de mon frère : il hurlait comme un fou. Mais ils ont bien été obligé de me laisser faire. Alors Solia et moi avons changée de vêtement et elle a dû couper ses longs cheveux. J'ai pris son apparence et sommes sortis. La bataille s'est finit sur ça. J'ai croupie un ou deux mois en prison avant de réussir à m'enfuir. C'est à peu près à la même période que l'Harmonie a appris qu'il s'était fait rouler dans la farine. Puis, j'ai passé vingt ans à fuir avec mon bébé. Mais…
Elle m'adressa un sourire en continuant :
– L'important c'est qu’Eloan et moi soyons revenu, n'est-ce pas ?
Au même moment, la porte de la chambre s'ouvrit. En voyant le démon rentrer, je le fusillai du regard.
– Désolé Leila mais il faut que je t'emprunte ta nièce : elle doit s'entraîner, annonça-t-il.
Je te déteste Nel.
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