THERMIDOR AN II

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Avant-propos

  L’action se situe à Paris pendant la Révolution française au cours des dix derniers jours de la Terreur qui précédèrent la chute de Robespierre.

  Le personnage principal (fictif), un inventeur, arrêté et incarcéré car suspecté de propagande contre- révolutionnaire, sert de fil conducteur en filigrane pour la période qui va de la proclamation de la loi du 22 prairial (10 juin 1794), apogée de la grandeur de Robespierre à sa chute, son arrestation, sa mise hors-la-loi et son exécution le 10 thermidor (27 juillet 1794), aboutissement de sa décadence (Du latin classique cadens, -entis, participe présent de cadere, « tomber »

JI 26/05/18

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THERMIDOR AN II

Primidi *

Hier, j’ai été roué de coups parce que je ne me levais pas assez vite…

Surtout des coups de pied car j’étais au sol. Et maintenant, j’ai beaucoup de mal à respirer…

J’ai sans doute une côte cassée…

Souffrance

Tout à l’heure, en buvant un peu d’eau, j’ai avalé de travers. Une terrible quinte de toux m’a pris. La douleur fut immédiate, intolérable, mais il me fallait tousser pour ne pas étouffer (d’autant que je ne pouvais m’en empêcher) et plus je toussais, plus la douleur devenait intense.

Après un dernier hoquet, je suis resté allongé longtemps, pantelant, reprenant petit à petit ma respiration avec précaution.

La douleur avait été fulgurante, insoutenable, comme une déchirure dans la poitrine, maintenant, je la sentais sourdre en moi, tapie sous le coeur, lancinante mais supportable, guettant le moindre mouvement brusque de ma part pour resurgir, terrifiante… Pour me broyer le torse… M’arracher les poumons…

Elle était comme une main invisible dans laquelle mes organes auraient été déposés et qui à tout instant pouvait serrer, écraser, déchirer…

J’ai dû m’endormir…

À travers la grille, de l’autre côté du couloir, un grand soupirail situé à mi-hauteur de l’escalier, éclaire chichement la pièce et me permet de constater que le soleil illumine le milieu du mur de gauche. Il doit être deux ou trois heures de l’après-midi.

Lentement, j’étire ma jambe droite. Une contracture ? Peut-être avais-je reçu hier, un coup auquel je n’aurais pas prêté attention !

Le feu dans ma poitrine n’est plus que braise, couché sur le dos, je respire normalement.

Des coups de canon… ?

Je ne le crois pas. Ces grondements sourds au loin, la lumière qui baisse, la chaleur lourde, c’est sans doute un orage qui se prépare.

Le tonnerre se rapproche et maintenant, les éclairs illuminent le mur. C’est une tempête qui s’annonce.

J’ai dû m’assoupir de nouveau…

Des éclats de voix.

À côté (je ne les vois pas mais je les entends souvent jouer aux dés, ils sont trois ou quatre, peut-être cinq) ils interpellent un gardien qui doit passer près d’eux, lui demandent des nouvelles de la soupe.

« C’est vrai ! D’habitude, ils la servent plus tôt, en tout cas avant la tombée de la nuit ! or, il doit être neuf heures au moins ! », se lamentent-ils ! Le rire sonore du gardien retentit, « Qui dort dine ! », leur répond-il.

La tempête a dû être sévère et a tout désorganisé.

Un peu plus tard…

« Le ravitaillement n’est pas arrivé, il y a eu un incendie au magasin, alors, ce seront les restes additionnés de soupe claire », ont dit les cuistots en nous servant.

J’imagine (et le garde pour moi !) que la foudre a du tomber dessus, mais eux semblent croire à un incendie criminel.

À la lueur vacillante des chandelles, ils mettent une louche de soupe dans mon écuelle avec un gros quignon de pain dur.

Elle ne présente qu’un avantage, elle est chaude car les choses indéfinissables qui surnagent dedans n’ont aucun goût et comme il n’y a presque plus de lumière, on ne peut les identifier d’après leur aspect.

C’est sans doute mieux ainsi !

Il me faut faire attention à ne pas effectuer de gestes risquant de réveiller les pointes de feu de mon torse. La douleur s’est estompée, mais je la sens prête à me tordre à nouveau la poitrine.

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* Le calendrier républicain était divisé en 12 mois de 30 jours (plus 5 ou 6 jours supplémentaires appelés sans-culottides) et le mois divisé en 3 décades de 10 jours, de primidi à décadi.

JI 26/05/18

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