Le fairy boat
Je posai mon verre sur la cuisine, et retournai pour voir s'ils dormaient tous. Je vis Chuck avec les yeux ouverts. Je me rassis à côté de lui.
-Ils se sont endormis quand ? murmurai-je à son oreille.
-Y'a environ 1h. Ils ne vont pas se réveiller, ce sont des tombes. Tu devrais aller dans ton lit.
-Tu veux venir avec moi ? Je veux dire..
J'étais devenue rose.
-Je veux dire.. que c'est plus confortable que le canapé si tu as envie de dormir..
-Non, je vais venir te border, attendre que tu t'endormes et je vais réveiller les mecs pour qu'on remonte.
-Tu ferais ça ?
-Je n'ai pas mon piano, ou ma guitare, mais.. oui, je ferai ça. Allez viens.
Il me souleva dans ses bras et m'emmena dans ma chambre. Il me posa délicatement. Je le retins en m'agrippant à lui. Il sourit, se détacha, referma la porte et revint vers moi.
-Je ne sais pas si c'est la fatigue qui parle mais j'ai envie de toi. Vraiment envie de toi.
-Moi aussi, depuis tout à l'heure. Mais ton père est là, mes potes sont là.
-Je m'en fous, dis-je en l'embrassant. Et n'essaye pas de me faire croire que tu n'as pas de préservatifs sur toi, tu es un mec et tu as ton portefeuille. Tous les mecs ont des capotes dans leurs portefeuille, non ?
-Non en fait, pas tous les mecs et pas tout le temps.. Qu'est-ce que tu fais ?
J'avais récupéré son portefeuille et je lui agitai son préservatif sous le nez.
-Tu es diabolique, tu sais.. commença-t-il à rire.
-Charles. S'il-te-plaît. Ne me force pas à te supplier.
-Ton père est à côté. Je ne sais pas si je pourrais avoir une.. enfin. Ça me perturbe beaucoup..
Je me redressai et retirai mon sweat et mon débardeur. J'étais à moitié nue devant lui.
-Tu sais quoi ? Qu'ils aillent au diable. Je suis faible, ajouta-t-il en m'embrassant.
C'était mieux que la dernière et première fois. Il me l'avait dit. Que ce serait encore mieux les fois d'après, mais honnêtement je ne ne pensais pas que ce serait avec lui. Je ne pensais pas tout court. Il semblait répondre à la moindre de mes attentes.
-Évite de me faire des marques dans le dos quand même, finit-il par me dire avant de rire.
-Évite de me faire un suçon dans le cou.
Il se redressa et se mit à rire tout en accélérant le mouvement. Il me regardait, je ne voyais que ses yeux. Ils étaient ardents. Ma respiration s'accéléra, je sentis mon cœur battre tellement fort que j'avais l'impression qu'il allait se détacher de ma poitrine. Il ne détachait pas son regard de moi, je ne pouvais pas bouger et surtout je ne pouvais pas crier, comme j'aurais voulu le faire.Je fourrai mon nez contre son cou et lâchai un petit cri étouffé. Il ne tarda pas à s'effondrer sur moi. Il m'embrassa chaque paupière et se retira. Il roula sur le côté et s'assit avant de se lever, je regardai son corps musclé et élancé.
-Tu.. pars comme ça ?
Il se retourna. Je le regardai droit dans les yeux pour ne surtout pas penser qu'il était nu et je ne voulais pas regarder plus au.. sud.
-Je cherche la poubelle de chambre pour le jeter.
-Pourquoi pas dans les toilettes ?
Il sourit et il pencha la tête sur le côté.
-J'oublie toujours que.. désolé. J'oublie que tu n'as pas beaucoup d'expérience. Dans les toilettes, ça remonte, on les jette dans les poubelles. Toujours. Elle est là.
Il ré-enfila ses habits et vint s'allonger près de moi.
-Dors maintenant.. Je t'avais dit que je resterai jusqu'à ce que tu dormes.
Il me repassa mon pyjama. Et je m'installai dans ses bras.
-Tu fais quoi cet après-midi ?
-Hum.. rattraper les heures de sommeil perdues et.. probablement faire le tour de la ville. tu veux venir ?
-J'aurai adoré venir avec toi mais on a des dédicaces de CD à faire.. je ne sais où. Tu veux que je revienne quand ton père sera parti ?
-J'aurais un peu moins l'impression d'être uniquement la fille que tu viens de sauter ?
-Ne dis pas ça. C'est faux. Tu le sais pertinemment. Sinon, je ne serai pas là. Maintenant ferme les yeux. Voilà.
Il chanta à mon oreille et je ne tardai pas à m'assoupir. Quand je me réveillai, il était 12h passé. Il y avait un mot près de moi et une rose. Tu es très mignonne quand tu dors. Si tu te réveilles avant 13h, viens me réveiller :) Chambre juste au dessus de la tienne.
Je sortis de ma chambre. Il n'y avait plus rien dans le salon. Même les pizzas étaient dans la mini cuisine. Ils étaient tous trop choux. Je pris les 3 cartons entiers qui restaient et j'allai frapper dans la chambre de Chuck après avoir pris une douche rapide. Il ouvrit la porte, il était torse nu entrain de boutonner sa chemise.
-Salut ! Tu fais le service d'étage maintenant ? Je viens de commander un brunch. Tu veux le partager ?
-Heu.. j'ai pas faim du tout et il restait de la pizza donc.. tiens.
J'avais entendu une porte s'ouvrir et je vis l'ami de Chuck passer sa tête. Il avait une tête crevée mais était habillé.
-Je vais aller courir un peu dans Seattle, histoire de me réveiller. Tu viens avec moi Grass ? Faut que je réveille Slund. Salut Sarah ! Tu veux venir avec nous ?
-Je tiens à mon anonymat. Mais merci, c'est gentil de proposer. Je pense que je vais me contenter du SPA de l'hôtel.
-Vous parliez de quoi en fait ? Avant que je vous interrompe ?
-De brunch Bridges, ajouta Chuck comme si c'était tout à fait naturel d'appeler son pote par son nom de famille.
-Je peux m'incruster ? Je.. c'est la pizza de tout à l'heure ? Cool.
Owen en prit un part et leva les yeux au ciel, comme s'il venait d'avoir la révélation du siècle.
-Ch'est trop bon, t'en veux ? me proposa-t-il la bouche pleine.
-Non merci, je ne sais pas comment vous faites pour manger en fait.. ou avoir faim.
-Ce sont des ventres sur pattes, comme.. moi !
Je me retournai et je vis Ray. Il portait le T-shirt qu'il m'avait passé et il était pieds nus. Il m'embrassa sur la tempe et il prit une part de pizza.
-Brunch chez toi Grass ?
-Yep. Va réveiller Newman, McClunsky. On s'occupe de Slund'.
-Bonne chance, il est pas du tout du matin.
-Je vais y aller, dis-je tout en étant un peu perturbée qu'ils s'appellent tous par leur nom de famille comme ça, sans prévenir.
Les trois garçons s'arrêtèrent et se regardèrent avec une.. pointe de terreur ?
-C'est pas une bonne idée, commença Chuck.
-Il est du genre énervé le matin quand on le réveille, continua Owen.
-Sauf quand c'est sa mère qui le réveille, parce qu'elle est plus énervée que lui quand il ne se lève pas le matin, conclut Ray. En bref, tu vas te prendre une chaussure.
Ils éclatèrent de rire sous mon regard interloqué.
-Je vais y aller, insistai-je. Vraiment. Il ne me fera rien. On peut même le parier.
-Okay. Tu as quoi sur toi ?
-Heu.. des sous-vêtements et une robe.
-Je parie ton soutien-gorge qu'il t'envoie chier dans la minute. Si je gagne, tu devras l'enlever pendant tout le temps du brunch.
Je portais un chemisier blanc presque transparent.
-Pervers, lâchai-je à Owen qui se faisait fusiller du regard par ses potes. Si je gagne, je veux un vine de toi torse nu qui se balance dans l'eau avec comme légende: Choupi a toujours raison.
-Okay. Je le fais même à poil.
-Marché conclu, m'exclamai-je en lui tapant dans la main. C'est où sa chambre ?
-Attends j'ai un double de son pass, me dit Chuck.
Il me tendit une carte magnétique. Une porte s'ouvrit et Keito Newman sortit. Il était en serviette.
-Je savais que j'avais entendu vos voix. Salut Sarah, ajouta-t-il en me faisant un grand sourire.
-Elle va réveiller Slund', rit Owen.
-Bonne chance. Tu as une armure ou un truc dans le genre ?
-Très drôle.
J'utilisai le pass et j'ouvris la porte. Je retirai mes chaussures sous l'œil médusé des garçons. Je vis Chuck se pencher vers Ray et rire. Il leva le pouce dans ma direction. Il ne croyait pas une seule seconde que j'allais réussir. Clive était allongé en travers de son lit. Je montai à mon tour dessus et je me glissai près de lui pour arriver au niveau de sa tête. Ma tête était juste à côté de la sienne.
-Clive ?
Je lui caressai le visage doucement. Je le vis froncer des sourcils et respirer un peu plus fort. Je lui caressai le bras et redis encore une fois son prénom. Puis je l'embrassai sur la joue. Quand je reculai, je vis ses yeux ouverts, mais il était encore un peu dans le pâté.
-Clive ? Tu as bien dormi. Tu n'as pas besoin de parler, si tu ne veux pas. Cligne des yeux seulement..
Il cligna des yeux. J'avais établi le contact.
-J'ai fait un pari avec les garçons, il faut que tu me viennes en aide, tu veux bien te lever ?
Il se redressa doucement et se tourna sur l'autre côté. Il était sur le dos. Je lui caressai encore le visage et il se frotta les yeux.
-Salut, finit-il par dire doucement.
-Tu viens ?
-J'arrive, répondit-il d'une voix rauque
Il s'assit sur son lit, regarda l'heure et soupira en se levant. Il marcha jusqu'à la salle de bain et moi je le suivis dans le couloir. Ses amis étaient estomaqués. Je pouvais voir leur étonnement.
-Et un vine à poil dans l'eau ! Yeeaaah ! Il va bientôt arriver, je pense. Donc, j'ai gagné. Il ne m'a pas hurlé dessus. Il m'a juste dit : Salut et j'arrive et..
-Bon, c'est quoi le délire ! fit la voix de Clive derrière moi.
Il était fumant et en serviette. Il me regardait l'observer et il avait un sourire sur les lèvres. Ce gars avait un torse de folie. Chuck était ridicule à côté. Pourquoi ces mecs là étaient toujours super bien roulés ? Ce n'était pas humain. Je déglutis.
-Tu peux aller mettre un T-shirt, je vais pas pouvoir te parler.
-Ah ? Content de le savoir.
Je tournai les yeux et je vis de l'inquiétude dans les yeux de Chuck. Il se sentait menacé. Je trouvais ça mignon.
-Bon, les gars, bon appétit et.. bonne continuation si on ne se recroise pas.
-Tu restes pas avec nous ?
Ray, qui venait de parler, fit la moue. Il était cute comme ça.
-Heu.. non, j'ai pas faim. À la limite, je vais me prendre un café ou un thé mais..
-Bah voilà. Tu restes, conclut mon ami. Dis donc Tarzan, lança Ray à son meilleur ami, tu comptes rester en pagne.
-Non, je comptais l'enlever mais comme vous semblez ne pas vouloir nous laisser seuls Sarah et moi, je vais mettre des habits.
J'étais devenue rouge et je sortis de la chambre pour passer dans celle de Chuck, juste en face. Je le frôlai au passage. Les garçons mangeaient comme quatre. C'était impressionnant. Moi je me contentai de manger quelques fruits parce qu'ils n'auraient pas compris si je m'étais contentée d'un thé. On frappa à la porte de la suite et Chuck hurla que c'était ouvert. C'est alors que je vis Maeva. Elle n'avait pas de maquillage sur la figure, avait même quelques boutons, elle portait juste un jean et un maillot des Lakers. Elle avait la tête d'une fille qui avait une gueule de bois. Owen me fila un coup de coude et quand je croisais son regard, je vis qu'il était mort de rire.
-Salut ! dit-elle d'une petite voix, mon chéri, tu n'aurais pas vu mon chargeur de téléphone ? Je ne le trouve pas.
-Tu n'as qu'à prendre le mien.
-Ton téléphone ou ton chargeur, sourit sa petite amie.
-Mon chargeur. Il est sur la table du salon. Je l'ai lancé là en partant.
Elle hocha la tête avant de partir.
-Les ravages de l'alcool, lâcha Keito. Elle a l'air totalement déphasé la pauvre.
-Dès qu'elle est avec ses copines, elle déconne totalement, confirma Ray avec une légère pointe d'inquiétude. Et puis c'était une fête.
-Enfin Sarah était à cette même fête et elle n'a pas bu une goutte, rétorqua Keito.
Ray me regarda avec affection.
-Sarah est une exception.
-Sarah boit de l'alcool, mais Sarah n'aime pas ça en vrai. Donc Sarah ne boit plus d'alcool, sauf du champagne avec son père dans les avions, ajoutai-je en souriant.
-Première classe ? Ton père fait quoi comme métier en fait ? me demanda Clive.
-Il est chirurgien à Los Angeles.
-Plastique ? continua-t-il avec intérêt.
-Non cardiaque, l'un des meilleurs du pays. Donc ça lui arrive de faire des opérations un peu partout. En ce moment à Seattle.
-En fait tu es riche, sourit-il.
-Oui. Je suis riche parce que j'ai hérité de ma mère et elle avait pas mal d'argent. Mais je le suis beaucoup moins que mon père. C'est pour ça qu'on descend dans des beaux hôtels et qu'on prend des billets en première classe.. On se fait plaisir.
-Donc.. tu es riche mais tu as un iPhone pété.
-Je me le suis acheté toute seule, avec le fruit de mon travail et mon argent de poche aussi, pour compléter. On m'a élevé en fourmi, pas en cigale.
Chuck se mit à rire et commença à déclamer dans la langue de Molière, la Cigale et la Fourmi. La Cigale, ayant chanté tout l'été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue.
-En français carrément ? hoquetai-je.
-Bah.. ouais. Impressionnée ? sourit Chuck.
-Oui. Définitivement impressionnée. Vraiment. Bon, merci de m'avoir accueillie, vous repartez quand à New York ?
-Ce soir. Et toi, à Los Angeles ?
-Demain. On va aller faire les boutiques avec mon père, je l'ai fait flipper en lui disant qu'il avait intérêt à faire un cadeau inoubliable à ma belle-mère. C'est leur premier Noël. Il flippe maintenant.
-Tu exagères un peu..
-Non mais en gros je vais lui dire quels sont mes bijoux préférés et il choisira dans la liste. Attends, tu as une saleté.
Je pris une serviette et j'essuyai le coin de la bouche de Chuck avant de la reposer et de reprendre un peu de thé. Je surpris un regard entre Owen et Clive. Je rougis.
-Désolée. Je n'aurais pas dû, c'est l'habitude, je fais toujours ça avec mon père. Désolée.
-Y'a pas de quoi. Tu n'as pas à te faire pardonner de quoi que ce soit, répondit Chuck en fusillant du regard ses deux amis. Tu vas faire quoi aujourd'hui ? À part le SPA.
-En fait, comme je sens que si je me fais masser toute la journée, je vais m'endormir, je pense que je vais aller faire du shopping, non pas que j'aime ça, mais j'aime flâner dans Seattle. Ensuite, si j'ai le temps.. je vais aller faire un tour de ferryboat jusqu'à Bainbridge et revenir. Journée palpitante.
-Je t'envie, sourit Ray. De ne pas avoir d'obligation et faire ce que tu veux, sans compte à rendre.
-Enfin.. sans compte à rendre.. vite fait, ce n'est pas comme si j'étais toute seule ici. Mais mon père est plutôt cool. Je suis assez indépendante. Mais de toute façon, j'avais l'intention de lui exposer ma journée dans un email.
-Tu exposes toujours ta journée à ton père par mail ?
Clive leva un sourcil.
-Quand on est dans une autre ville que la notre, oui. Si j'ai un souci, je préfère que mon père puisse venir me chercher rapidement. il sait plus ou moins où je suis. C'est plus pratique. Bon..
-Tu y vas déjà ? On a à peine eu le temps de parler ! s'exclama Ray. Deux minutes hier soir.
Je lui souris gentiment. Il avait l'air dégoûté.
-Vous travaillez tout à l'heure et j'ai une longue journée qui m'attend.
-Okay, je te raccompagne à ta chambre.
Quand je me levai, ils se levèrent tous. Était-ce de la pure galanterie ou simplement pour me dire au revoir plus facilement ? Je l'ignorai, aussi je mis ça sur le compte de leur bonne éducation.
-En tout cas, Sarah, me dit Keito. Merci d'être venu hier et de nous avoir accueilli sur ton canapé.
-C'était un plaisir pour moi aussi. On se la refait quand vous voulez avec une série un peu plus gore. Game of Thrones par exemple.
Ray me raccompagna jusqu'à ma chambre d'hôtel. Il ne dit rien avant que je lui propose de rentrer. Il y avait des gens dans l'ascenseur avec nous. Je me doutais de sa réticence.
-Je suis désolé de la façon dont Maeva t'a parlée hier soir. C'était inadmissible et..
-J'ai appris à faire la part de choses, dis-je en ouvrant la porte.Tu n'es pas ta petite amie et elle ne reflète pas ce que tu es toi. Je ne sais pas si c'est cohérent ce que je dis. Ce que je veux dire c'est que je juge pas les gens en fonction des gens avec qui ils sortent.
Cette stupide voix dans ma tête me fit comprendre que je le faisais bien avec Brian, mais je la fis taire. Ray me souriait de toutes ses dents.
-Je voulais m'assurer que tu n'étais pas fâché contre moi.
-Je ne vois pas comment je pourrais l'être Ray. Tu es probablement l'un des êtres les plus adorables qu'il m'ait été donné de connaître. Je ne vois pas comment on peut être fâché contre toi.
-N'empêche, un jour tu devrais partir en vacances avec nous. On s'amuserait comme des malades, je pense. Quand tu viendras en juillet pour le concert de Howard, tu n'auras qu'à demander à ton père la permission et on ira une semaine dans les Hamptons.
-Tu sais quand même que je compte sur mon anonymat..
-Oui, je sais. Mais avec un long chapeau et des grosses lunettes, je mets au défi les gens de savoir qui tu es. On verra à ce moment là. Ou alors.. je reviendrais pour les vacances dans ce coin.. les plages de Californie sont superbes aussi.
-J'en connais une où il y a peu de touristes. Je suis sûre que tu adorerais !
-Faisons ça alors ! Toi tu viens pour le concert d'Howard, et je reviens avec toi pour faire du surf.. Tu sais surfer ?
-Évidemment. Je suis californienne, tu sais ? On dirait pas parce qu'on a pas l'impression que je sors d'Alerte à Malibu mais plutôt des Orphelins Baudelaire, mais quand même. J'habite à quoi.. 25 km de Santa Monica ? Et on part en vacances à Malibu pendant l'été depuis quelques années parce que mon père a hérité de son grand-père une maison gigantesque et superbe là-bas. Nous n'y sommes pas allés cette année parce qu'il y avait un mariage à préparer et le déménagement de la belle-famille, mais bon.. tout ça pour dire que je sais surfer.
-Cool. On verra de quoi tu es capable alors.. va pas falloir que je tarde. En fait, la semaine prochaine, on fait notre tournée en Europe alors.. avec le décalage horaire, ce sera chaud de s'appeler.
-On privilégie les mails alors ? Comme ça tu me répondras quand tu auras une minute.
-On fait ça, alors.. Oh en fait, Owen a posté l'un des selfies d'hier, on te reconnait pas dessus, alors ne va pas le tuer.
-Mais non, voyons.. et puis il me doit un Vine de lui se jetant dans l'Atlantique. Je compte sur toi pour lui rappeler jusqu'à ce qu'il me l'envoie.
Son portable sonna et vu la tête qu'il fit, ce devait être sa petite amie. Je posais mes lèvres sur lui et le mit gentiment à la porte. J'avais besoin de sortir. Je me changeai rapidement pour mettre un jean et des bottines. Je pris un blouson avec une veste fermée à l'intérieure pour mettre la carte que mon père m'avait donné et mon téléphone à l'abri des pickpockets. Je passai de longues heures à déambuler dans les rues au hasard, achetant des choses pour Sophie et moi. Je repensai à ce que j'avais fait le matin tout en sortant d'une boutique où j'avais acheté une écharpe pour ma meilleure amie. J'avais couché avec Chuck. Encore. Et j'avais trompé Marc. Je m'arrêtai brutalement dans la rue. J'avais trompé Marc. Bon d'accord, il était en période d'essai. J'attendais de lui un comportement irréprochable que je n'avais pas moi-même. J'étais une trainée. Voilà ce que j'étais et j'en voulais à Chuck. Je lui en voulais beaucoup de ne pas avoir refusé comme lorsque je.. que je l'avais embrassé. Oh mon Dieu.. le problème venait de moi ! Je me sentais coupable. Vraiment coupable. Je savais que j'aimais Marc. Dès que je le voyais mon cœur me poussait vers lui. Mais j'avais Chuck dans la peau. Chuck, qui était si doux, si gentil.. lui qui ne m'avait jamais fait pleurer. Est-ce que je devais le dire à Marc ? Lui et moi n'avions pas dépassé le stade du bécotage... J'aurais voulu en parler à quelqu'un. Mais dans le fond j'avais peur qu'on me juge, comme étant la trainée infidèle, celle qui trompait son pseudo mec pour.. pourquoi au juste ? Quelques minutes au paradis ? J'avais encore eu l'impression d'y être avec Chuck. D'ouvrir les portes du paradis et d'y courir le vent dans les cheveux.
Je m'arrêtai dans un Starbucks pour prendre un chai tea dans les environs de 16h parce que je commençais à avoir un peu faim et je retournai à l'hôtel pour poser mes sacs que j'avais en main. Je les posai à l'accueil pour éviter de remonter et je retournai dans le froid de Seattle. Je me promenai du côté du port de Seattle et je vis qu'on vendait des tickets pour la traversée vers Bainbridge. J'en achetai un et je montai direction le pont supérieur. Il faisait froid mais beau, aussi je n'avais aucun mal à rester dehors. Je fermai les yeux. Je ne dirais rien à Marc. Il n'avait pas besoin de tout savoir. Et puis, on avait pas déterminé qu'on aurait une relation exclusive l'un avec l'autre. Tant qu'il y avait de l'ambiguité. La seule personne avec qui j'avais envie d'en parler, c'était Sophie. Mais je savais que ce week-end, elle le passait seule avec son père à Santa Monica. Nicholas avait prévu un WE père-fille pour resserrer les liens avec elle. Mon téléphone vibra. C'était Brian. Brian ? Mais pourquoi m'appelait-il ? Il devait y avoir un problème à la maison. Je décrochai.
-Allôô ?
C'est à ce moment que je compris que ce n'était pas Brian qui m'avait appelé mais son téléphone. Il ne me parlait pas à moi. Je l'entendais de manière un peu étouffée.
-Elle est avec mon beau-père à Seattle.
-Et Sophie, tu as des nouvelles de Sophie ?
C'était Paul. Il était chez nous sûrement. J'avais l'impression d'être une espionne. J'avais mes écouteurs et j'étais assise sur un siège face à l'océan tout en les écoutant.
-Heu...disait Brian. J'ai cru comprendre qu'elle était avec son père. J'ai entendu John le dire à ma mère. Mais pourquoi tu ne l'appelles pas si tu veux de ses nouvelles ?
-Je ne crois pas qu'elle va me répondre. Elle ne m'a pas parlé depuis Thanksgiving. Depuis le coup de la cafétéria.
-En même temps Paul. Il faut voir les choses en face. Tu as continué à sortir avec Chris après alors qu'elle s'est faite agressée à cause d'elle. Tu as fait ton choix. Tu as fais le choix d'avoir une fille facile au lieu d'une fille bien..
-Tu parles comme une meuf Brian. C'est flippant.
-J'ai été élevé par ma mère. Elle me disait toujours quand elle était entrain de déblatérer sur les hommes avec ses copines célibatarés, qu'à choisir entre la fille facile et la fille bien, je devais toujours prendre la fille bien. Parce que la fille facile ouvrait les cuisses peut-être mais qu'elle n'avait pas de cerveau. Contrairement à la fille bien.
-Sérieux ? Ta mère te disait des choses comme ça ?
-Ouais, après deux trois verres de chardonnay. En tout cas, tu as préféré la fille avec qui tu couches au lieu de la fille sur laquelle tu fantasmes de temps en temps.. c'est tout à fait normal. Moi j'aurais fait la même. Bon en l'occurrence, pour moi c'est la même.
-D'ailleurs, tu ne m'as jamais dit comment était Alexandra au pieu.
-Elle sait faire de ces trucs.. Vachement plus d'expérience que mon ex. Je lui demande un truc, elle le fait direct. Genre l'autre jour, je lui ai demandé de faire.. attends je lui ai envoyé par Message.
Je raccrochai, il ne devait pas voir que j'avais écouté sa conversation. Alors comme ça, Paul craquait sur Sophie ? Il fantasmait sur elle ? Je me demandais si je devais lui dire ou garder le secret. Je pris mon téléphone et cherchai le numéro de ma belle-mère.
-Salut ma chérie ! me lança la voix de Mary au téléphone. Comment tu vas ?
-Ça va. J'ai juste une question à poser à une.. femme.
-Je t'écoute.
-Imagine que tu sais qu'un mec fantasme à mort sur une de tes copines, mais genre vraiment et que tu sais que ce mec ne laisse pas indifférent cette copine.. tu lui dirais ou pas ?
-Hum.. Je ne sais pas. On peut très bien fantasmer sur quelqu'un sans pour autant vouloir être avec la personne pour ne pas être déçu..
-Bah il a une copine mais il fantasme sur elle quand même.
-Hum... je crois que tu devrais ne rien dire. Parce que si tu t'es trompée sur les sentiments de l'un ou de l'autre, tu risques de blesser l'un des deux. Si les choses doivent se faire, elles se feront. Ne t'inquiète pas. Tout va bien à Seattle ?
-Oui, oui, tout va bien. Tu fais quoi de beau ?
-Je fais une tarte aux pommes pour les garçons et ensuite, je vais sortir avec des copines et Tom.
-Brian va faire une fête.
-Je l'ai autorisé à inviter quelques amis. Je crois qu'ils veulent faire un barbecue, ou quelque chose comme ça. Attends je te mets sur haut parleur, j'ai besoin de mes deux mains. Tiens salut les garçons. Brian, tu peux mettre le four à préchauffer tant que tu es là.
-On va faire des courses, tu as besoin ou envie d'un truc ?
-Hum.. non. Tu es mineur, et la seule chose dont j'aurai envie, tu n'as pas le droit de l'acheter, donc.. vous pouvez y aller.
-Mary ?
-Oui ? Ils viennent de partir, tu peux parler en toute sérénité. Je sens qu'il y a quelque chose qui ne va pas, tu peux me le dire tu le sais ? Je n'irai pas le répéter à quelqu'un.
-Ça va, ça va.. c'est juste que je suis sur un bateau là.
Mary ne dit rien, elle attendait que je parle.
-Est-ce que tu crois que je devrai faire un cadeau pour Brian et Tom à Noël ?
-Je ne sais pas, je pense que tu devrais voir directement avec Brian.. Tom croit toujours un peu au Père Noël.. Il est dans la phase scepticisme. La meilleure phase.
-Oh.. il ne faut pas que je gaffe alors.. Je ne voudrai pas être celle qui lui gâchera son enfance !
-Quelqu'un vient de sonner, je vais te laisser ma chérie.
Je raccrochai. L'image de Marc m'avait traversé l'esprit. Je devais me faire pardonner. Je ne savais pas comment. Je l'appelais. Je ne savais pas si je devais mais je savais que je me sentirais mieux.
-Salut Sarah !! Comment ça va ?
-Ça va.
-Ça n'a pas l'air pourtant. Tu as une petite voix.
-Je me demandais jusqu'à quel point c'était sérieux entre nous..
-Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
-Je veux dire.. est-ce qu'on sort ensemble en fait ? Parce qu'on a été faire du babysitting, on s'est peloté, mais est-ce que ça veut dire qu'on sort ensemble ? Je veux dire vraiment ? Qu'on a une relation exclusive l'un envers l'autre ?
-C'est vrai qu'on a jamais mis les choses au clair là dessus.
-Est-ce que tu as couché avec une fille depuis qu'on s'est embrassé chez mon oncle ? Depuis Thanksgiving ?
Il y eut un silence, je ne savais pas quoi en penser. J'allais m'excuser quand sa réponse me parvint.
-Oui. J'étais à une fête, j'ai picolé comme un trou et le lendemain quand je me suis réveillé, y'avait une fille dans mon lit. Je suis.. désolé Sarah.
-Je..
J'étais soulagée en vérité. Je n'étais pas la seule à avoir fauté et quelque part, j'étais soulagée qu'il me l'ait dit. Il me faisait confiance.
-Je comprendrais que tu ne veuilles...
-Ce n'est pas grave Marc. Je ne suis pas irréprochable moi non plus. C'est pour ça que je voulais savoir ce qu'il en était pour toi, si tu pensais qu'on avait une vraie relation ou si c'était juste un flirt.
Marc ne disait rien. Je savais qu'il avait buggé sur le je ne suis pas irréprochable moi non plus.
-Tu veux que je te pardonne ton comportement répréhensible ? c'est pour ça que tu m'appelles ?
-Je ne savais pas quoi faire..
-Ce n'est pas grave Sarah, m'interrompit-il. On n'avait pas déterminé les termes de.. Qu'est-ce que tu veux maintenant ?
-Je ne veux pas te perdre Marc. Je voudrais que tu sois mon petit ami mais je m'en veux terriblement et..
-D'accord. Si tu es toujours partante, moi ça me va. Disons qu'au vu des évènements, on peut considérer ma période d'essai finie et aller plus loin, non ?
-Relation exclusive ?
-Relation exclusive.
Il venait de me libérer d'un grand poids et je me sentais vachement plus légère. Il rit et cela me fit sourire.
-Tu es soulagée, n'est-ce pas ? T'inquiète pas Sarah. C'était aussi de ma faute, j'aurai dû être clair sur mes attentes..
-Tes attentes ? En fait tu m'en veux c'est ça ? Dis-moi la vérité Marc.
-Je ne peux pas attendre de toi une rigueur que je n'ai pas moi-même. Que je n'avais pas moi-même. Mais c'est fini les conneries et les beuveries qui finissent au lit. Tu as ma parole.
-Pour moi aussi, c'est terminé.
-Tu sais ce que ça veut dire Sarah ?
-Hum.. non ?
-Que tu peux changer ton statut Facebook. Tu fais quoi lundi ? J'ai un long Week-end et là je suis à l'aéroport, je rentre chez nous. Je sais que tu es à Seattle.. alors.. on se voit lundi ?
-Oui. Je finis à 15h, tu viens me chercher au lycée ?
-On fait ça, ensuite on va chez moi.
Je ne savais pas vraiment si c'était une question ou une affirmation. Chuck était oublié. Ma faute lavée.
-On va chez toi, répétais-je avec plus d'assurance. On sera tous seuls ?
-Probablement. Pourquoi tu as peur de rester seule avec moi ?
-Non, bien au contraire, je serai gênée s'il y avait quelqu'un d'autre. On pourrait pas faire ce qu'on veut.
-Et qu'est-ce que tu as envie de faire en particulier ?
Je souris en rosissant.
-Disons que ça nécessite assez peu de vêtements, dis-je d'un ton un peu plus assuré. Je n'ai pratiquement plus de batterie, il va falloir que je te lèche.. te laisse.
Il explosa de rire et finit par raccrocher. Je me sentais bien, le soleil déclinait alors que nous arrivions à Bainbridge Island. C'était une adorable péninsule, très active. J'avais deux heures devant moi avant de reprendre le ferry et retourner à l'hôtel. C'est alors que j'entendis mon prénom. Je me retournai et je vis la dernière personne que je m'attendais à voir ici.
-Malcom ? Malcom Dernic !! Oh mon Dieu.
Je me précipitai vers lui. C'était mon ami de l'hôpital dont mon père m'avait parlé à Thanksgiving.
-J'ai appris par mon père, il parait que tu es guéri !!
-Et bah oui.
Il avait des cheveux très courts, était fin et à peu près de ma taille. Il était avec une petite fille qui lui ressemblait. C'était sa petite sœur. Ils restèrent avec moi pendant tout le temps que je passais à Bainbridge. Nous nous amusions assez bien. Cela me faisait bizarre de le revoir.
-Alors du coup tu habites toujours à LA ? demandai-je.
-Pour le moment oui, mais on déménage à la fin du mois au Texas, mon père a eu une augmentation et du coup comme je n'ai plus besoin d'aller à l'hôpital tout le temps, on part enfin.
-J'imagine que tu vas devoir faire des contrôles de routine.
-Oui, mais je n'ai plus besoin de venir à Seattle pour ça. Ça me fait un bien fou de te voir, tu sais ? Je ne voulais pas quitter LA avant de te dire merci pour m'avoir remonté le moral enfant.
-Toi aussi tu me remontais le moral. C'était amusant.
On s'était éloigné vers le centre de la ville et il était presque temps pour nous de reprendre le ferry. Il faisait nuit et clairement, j'étais contente de ne pas être toute seule. Il commençait à faire un temps pourri en plus; Il y avait beaucoup de vent et je pouvais sentir de l'humidité dans l'air et comme une lourdeur. Comme s'il y avait une tempête qui se préparait. Malcom tenait la main de sa petite sœur et je tenais l'autre.
-Pourquoi vous êtes tous les deux ici ? Vos parents ne sont pas là ?
-Non, j'avais promis à ma sœur de lui montrer la Spaceneedle et c'est notre dernier WE de libre alors.. Nos parents sont à LA. Ils se sont inquiétés pour moi toute leur vie. Alors, je les laisse une journée de libre. C'est normal.
-Tu es un frère attentionné.
Malcom haussa des épaules. Il ne répondit rien. Il était humble. Nous remontâmes sur le ferry. Nous étions à l'avant. Il y avait pas mal de monde sur le Fairy boat. J'avais ri en voyant le nom. Et j'avais eu la chanson de Carrie Underwood dans la tête : Ever ever after. Storybook endings, fairy tales coming true... Quand j'en fis part à Malcom, il se mit à rire.
-Malcom ?? lui demanda sa petite sœur de 5 ans.
-Oui ?
-J'ai soif.
-Ah. Je vais aller te chercher un truc à boire, tu veux quelque chose Sarah ?
-Non merci, je vais surveiller ta sœur, sois tranquille.
Il me sourit et se rendit à l'intérieur. Je m'approchais de la petite fille, Abby. Elle se pencha sur la balustrade et je me mis juste derrière elle pour ne pas qu'elle tombe. Il y avait du vent très fort et l'eau était agitée. Cela faisait 15 minutes que nous étions partis de Bainbridge. C'est à ce moment là que j'entendis du bruit à l'arrière comme une déflagration. Tout se passa extrêmement vite. Je me retournais et j'entendis une seconde déflagration et des cris. Le ferry s'arrêta et je vis de la fumée grise s'élever dans la nuit noire.
-Abby, accroche toi à la balustrade et quoi qu'il arrive tu ne la lâches pas !
J'eus juste le temps de dire ça et le ferry pencha sur le côté droit. Je me rattrapais in extremis à la balustrade et je vis la petite sœur de Malcom glisser sur le pont et je la rattrapai alors que le bateau penchait de plus en plus.
-Accroche toi à moi Abby. N'aies pas peur. Il faut que tu t'accroches des deux mains.
Elle s'accrochait à ma main. Je ne savais pas combien de temps j'allais tenir. J'entendais des cris. C'était un peu comme Titanic, mais en réel. Mes doigts étaient froids. La petite sœur de Malcom me tenait mais je sentais qu'elle n'avait plus de force.
-Ça va aller Abby. Écoute ma petite chérie, il faut que tu lâches ma main et que tu attrapes ma jambe. Je vais nous hisser. Mais j'ai besoin de mes deux mains.
-J'ai peur.
-Abby. Si tu ne le fais pas, on va tomber dans l'eau froide, tu m'entends ? On va tomber. Je sais que tu es courageuse. Regarde-moi. On va se hisser et on va retrouver Malcom. À trois tu prends ma jambe avec ta main droite et ensuite tu passes ta main gauche. Un.. Deux.. Trois.
Je la lâchai et elle prit ma jambe. Je ramenai ma main près de l'autre et je priais. Je priai pour que mes mains ne me lâchent pas et pour que mon sport fait au lycée me donne la force nécessaire pour me hisser. Je ne savais pas si j'allais réussir. Sauf que je n'avais pas le choix. J'avais un poids sur les pieds, c'était plus dur. Le ferry était à la verticale. Il y eut une secousse et je lâchai prise. J'entendis Abby hurler et plus rien. La chute me semblait vertigineuse. Alors que j'entrais en contact avec l'eau glacée de décembre, ma tête cogna contre la balustrade immergé et je commençais à voir des étoiles tourner. J'avais mal à la tête et la premier réflexe que j'eus fut d'ouvrir la bouche, tant et si bien que j'avalais de l'eau. Je remontai à la surface, la mer agitée m'avait entrainée plus loin. Ma première pensée fut que j'étais en vie et la seconde était : où était Abby ? Je me suis mis à hurler son prénom et je replongeai. Je voyais que dalle. Je remontai et je nageai un peu plus loin, c'est alors que je repérai son écharpe jaune. Je nageai et je vis la petite fille flotter, l'eau m'entrainait loin d'elle mais je réussis à la récupérer. Elle avait la tête sous l'eau, je la redressai et elle recracha de l'eau en pleurant.
-Je suis là. Je suis là, répétai-je. Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer, okay.
J'avais mal à la tête et à la jambe aussi. Mais je m'accrochai. Je me retournai et je vis, le ferry, la fumée, et l'horreur. Sérieusement. C'était quoi ce délire ? Je vivais dans une véritable fiction. Un ferry qui coule, ça n'arrivait pas aux gens normaux, dans la vraie vie.
-Malcom..
Il fallait qu'on trouve Malcom. Je plaçai Abby de sorte à ce qu'elle n'entrave pas mes mouvements. J'essayai de nager mais j'avais de plus en plus mal à la jambe. J'avais l'impression de faire du surplace. Je vis un morceau de bateau assez long qui flottait. J'y allai et je demandai à Abby de se tenir au morceau. Il fallait qu'on sorte de là.. rapidement. Le froid était présent. Nous allions être bientôt être en hypothermie en plus de la fatigue qui allait nous noyer.
-J'ai peur, pleurait la petite fille.
-Il ne faut pas avoir peur, d'accord. Écoute, tu connais.. Elsa ?
-Elsa ?
-Oui la Reine des Neiges.Tu crois qu'elle aurait peur ici dans le froid ?
La petite fille s'accrochait à la planche.
-Non. Elle n'aurait pas peur.
-Alors, il faut que tu sois forte comme elle.
-Je n'arrive pas..
-Les secours vont bientôt arriver.. Ils vont arriver de Seattle, ils seront là dans pas longtemps. Je te le promets.
Règle numéro 1, ne pas promettre une chose à une petite fille quand tu n'es pas certain du résultat. Je sentais mes membres devenir de plus en plus raides, j'avais du mal à me tenir.
-Je suis fatiguée.. Ils viennent quand nous chercher ?
Je lui pris la main. Elle était glacée et fripée. Elle claquait des dents.
-Bientôt, je ne sais pas quand.
-Mais tu as dit..
-Je ne sais pas d'accord. Si ça se trouve ils ne viendront jamais et nous allons mourir noyer alors si tu pouvais la fermer, ce serait cool.
Règle numéro 2, ne surtout pas s'énerver contre une petite fille de 5 ans quand on est sur le point de mourir.
Elle me regarda et coula la seconde d'après parce qu'elle venait de lâcher la planche. Je plongeai pour la récupérer. Quand je remontai à la surface, je la serrais contre moi.
-Je suis désolée, on va s'en sortir et tu sais quoi ? Quand on sera sur la terre ferme, je t'achèterai une peluche gigantesque et on.. on ira au cinéma avec Malcom.
-Malcom est où ?
-Je ne sais pas, je crois qu'il nous cherche, c'est pour ça que.. que.. il y a des phares ! On est lààààààà, hurlais-je.
Je m'écartai et je nageai avec la petite fille dans les bras vers les phares. Quelques minutes plus tard, on me sortait de l'eau. On m'entourait de couvertures. Il y avait des gens. Je tournai les yeux vers ma jambe. Il y avait un morceau de verre dedans. J'avais dû passer une vitre sans m'en rendre compte. Il y avait beaucoup de sang. Je tournais de l'œil. Quand je repris connaissance, j'étais toujours sur le bateau. Apparemment c'était des garde-côtes. Abby arriva près de moi et refusa de me lâcher.
-Swedish Hospital, dis-je en les entendant parler d'hôpital. Il faut aller au Swedish Hospital. Mon père est là-bas en ce moment il est chirurgien. J'irai pas ailleurs. Nous n'irons pas ailleurs.
Abby appuya sur ma jambe et je vis trouble encore une fois. Je tendis la main vers le verre et je l'arrachai. Je savais que médicalement parlant, c'était pas terrible mais honnêtement, je ne sentais pas la douleur. J'étais comme anesthésiée tant et si bien que j'arrivais à l'hôpital et que je me levais pour y entrer une fois sortie de l'ambulance. Cela faisait des lustres que je n'étais pas venue dans des Urgences. Je savais que je n'avais pas grand chose. Je me doutais que quelques points allaient suffire. Mais pas pour Abby. Dans l'ambulance, elle avait perdu connaissance. Elle était en hypothermie, comme moi probablement mais j'étais toujours consciente. Ils me réchauffèrent et je patientai dans un coin des Urgences avec du soluté près de moi.
-Sarah !!!!
Je vis Malcom arriver environ trente minutes plus tard. J'avais dit à la bande d'internes à qui je ne faisais pas spécialement confiance vu leurs têtes un peu paniquées que je n'avais rien et que j'avais juste froid. Malcom était arrivé, il était devant moi, totalement paniqué. Il était trempé et glacé, il avait une plaie sur la tête qui avait été suturé, mais ça semblait superficiel.
-Abby va bien, elle est dans le service de pédiatrie. Elle est en hypothermie.
Malcom tomba à genoux et pleura dans mes bras.
-Elle va bien, ils vont la réchauffer et elle ira bien, il faut que tu appelles tes parents Malcom. Elle va bien. Je te promets qu'elle va bien. Va demander. Je t'attends là.
Il partit et je le vis aller vers une infirmière qui lui désigna un couloir. Il se tourna vers moi et son regard me remerciait. Oui j'avais sauvé la vie de sa petite sœur.
J'avais faim. Je me levai pour aller au distributeur. Mon genou me faisait souffrir. Je m'écroulai. Je n'avais pas vraiment conscience de ce qu'il se passait autour de moi. Tout était assez trouble. Quand je revins totalement à moi, j'étais dans un lit, allongée. Je voyais quelqu'un avec du fil et une aiguille. Il avait des lunettes et semblait mal à l'aise. J'avais suffisamment vu d'internes pour savoir qu'il en était un. Je lui demandai alors ce qu'il s'était passé. Le morceau de verre avait entaillé plus profondément ma cuisse que prévu. Ce n'était pas très grave, mais ça aurait pu être mieux. C'était ce que je retins du jargon médical qu'il me lâcha.
-Et tes parents ? Tu peux nous dire comment tu t'appelles ?
-Sarah. Je m'appelle Sarah. Est-ce que vous savez si le Dr McAllister est disponible ?
Il me regarda d'un air étrange.
-Je ne sais pas, répondit-il prudemment.
-Je suis sa fille. Sarah McAllister. Vous pouvez me le dire, je ne vais pas le harceler ou quelque chose comme ça. Je voulais juste vous dire que s'il est encore au bloc, dîtes lui après que je suis là. Sinon, il ne fera pas son travail à la perfection. Il le fera excellemment bien, parce que c'est le meilleur, mais il ne sera pas parfait. Oh, et si vous vous craquez dans mes sutures, vous êtes un homme mort. Mon père a horreur du travail bâclé.
L'interne se mit à trembler et je finis par lui sourire en lui disant que je plaisantais. Il refit les sutures et il me laissa seule. Mon téléphone était à côté de moi. Il était plein de flotte. Il devait être foutu. Je le pris avec moi et le glissais dans ma poche. Ils avaient découpé mon jean pour nettoyer la plaie. J'allai vers le tableau des opérations et je vis le nom de mon père et le bloc opératoire. Si cet hôpital fonctionnait comme tous les autres hôpitaux universitaires, il devait y avoir une salle d'observation pour les étudiants. Il fallait que je la trouve. Je déambulai dans l'hôpital et je finis par trouver la salle que je cherchais, elle était blindée de monde. Je réussis à me trouver une petite place. Je reconnaissais mon père avec son calot bleu avec des Mickey. C'était moi qui lui avait offert quand j'avais 5 ans pour la fête des pères. C'était l'un de ses préférés. J'écoutai les gens prendre des notes et faire des commentaires sur l'opération. J'entendais la voix de mon père aussi, le microphone était ouvert de leur côté. Ils avaient mis de la musique.
-Hey !
Je sursautai et je regardai la personne qui venait de me parler et de me toucher l'épaule.
-Qu'est-ce que vous faites là ?
-J'observe, comme tous les autres.
-Vous n'avez pas..
-Je suis la fille du Dr McAllister et je pense que c'est là où je gêne le moins.
-Vous êtes la fille du Dr John McAllister, répéta-t-il d'un air circonspect.
-Oui. Vous voulez la preuve ?
J'appuyai sur l'interphone.
-Salut mec, ça avance bien ton opération de la mort qui tue ?
-Salut Sarah, répondit mon père. Mais évite de prononcer le mot à 4 lettres dans mon bloc la prochaine fois, veux-tu ?
-Oui mon colonel.
-Clamp, s'il vous-plaît. Qu'est-ce que tu fais là ?
-Je voulais voir une suture en surjet continu.
-Hum.. tu mens extrêmement mal. Tu sais faire des sutures en surjet continu depuis que tu as 6 ans. C'est avec cette suture que tu as recousu le poulet.
-Le poulet ? demanda son collègue dans le bloc.
-Ma fille a un jour trucidé un poulet pour essayer de le recoudre... Aspiration s'il-vous plaît. Quand je dis essayer, je veux dire qu'elle a pris un kit de suture et qu'elle a fait des sutures bien mieux que mes internes de l'époque. Elle a recousu le poulet. J'ai créé un monstre.
-Si tu le dis, je te crois. Je te laisse travailler padre.
-Yep. À plus ma chérie. Est-ce que je peux rester ? demandai-je au gars qui m'avait parlé et qui était devenu d'une couleur un peu laiteuse.
Il me fit signe que je pouvais. Il n'osait pas contrarier la fille d'un Dieu de la Cardio. Je restai un petit moment avant d'en avoir marre et partir. J'avais mal au genou et je finis par m'endormir dans la salle d'attente de l'hôpital. Je sentis alors une main sur moi. Je papillonnai des paupières. C'était mon père. Il avait toujours son calot sur la tête. Il me regardait avec inquiétude.
-Tu aurais dû me le dire. Sarah. Tu aurais dû me le dire pour le ferry. Que tu étais là-bas.
Il me serra contre lui et pour la première fois depuis plusieurs heures (c'était sûrement dû à la dose de morphine injectée pour m'anesthésier), je pleurai et j'eus peur. Je tremblai et je lui racontai tout dans les moindre détails. J'étais dans ses bras, au chaud. J'étais chez moi.
-La sœur de Malcom Dernic ? Tu veux qu'on aille voir si elle va bien ?
-Oui, je veux bien.
Il interpella un interne lui demanda de se renseigner et de lui ramener son dossier. L'interne revint quelques minutes plus tard.
-Alors ? demandais-je d'une petite voix.
-Elle va bien, elle a été en hypothermie mais il n'y a pas eu de conséquences graves. Ils la gardent en observation et je pense que son frère est avec elle. Leurs parents n'étaient pas là ?
-Non. Mais je pense qu'ils ont été prévenu depuis..
-Oui. Je pense.
-J'ai cru que j'allais mourir Papa. Je l'ai vraiment cru. Que personne ne viendrait nous chercher et que j'allais mourir noyé
-Je sais ma chérie. Tu es là et tu vas bien. J'ai envoyé un message à Mary, elle était très inquiète. Je ne pensais pas que tu allais prendre ce ferry. Tu ne m'avais pas prévenu.
-Je l'ai fait en dernière minute. Je suis désolée.
-Ce n'est pas grave ma chérie. Tu es en vie, il n'y a pas eu de pertes humaines, tout va bien, d'accord ? Tu as sauvé la vie d'une petite fille, je suis tellement fier de toi. Par contre, j'imagine que ton téléphone est mort ?
-Oui, je crois qu'il a pas aimé la flotte froide et dégueulasse de Seattle.
-Tiens, consulte tes messages avec le mien, tu changes la sim et ce sera bon. Je vais aller signer deux trois papiers et me changer. Je reviens ma puce.
Mon père était la gentillesse incarnée. Il me laissait son iPhone et je changeais la Sim. J'avais en effet pleins de messages. Surtout de la part de Sophie et des membres des Atlas Wild Child et de toute ma famille, mon oncle James compris. J'envoyai un message groupé pour Mary et mes oncles pour les rassurer sur mon état en disant que tout allait bien, mon téléphone était juste mort. J'appelai Sophie, mais je tombai sur sa messagerie directement, elle devait sûrement être à plat. Je lui laissai un message. Quant à Ray, je l'appelai aussi mais je tombai directement sur lui. Il était ultra inquiet.
-Attends je te mets en haut-parleur.
J'entendis bientôt tous les autres gars. Ils s'étaient faits un sang d'encre. Alors je les rassurai parce que j'allais vraiment bien et je leur promis que je viendrais leur faire un bisou en arrivant à l'hôtel. Ils étaient restés à Seattle. Ils devaient partir, mais ils étaient restés parce qu'ils étaient inquiets.. Je reconnaissais bien Ray là-dedans. Je lui en étais reconnaissante. Lorsque je raccrochai, je vis mon père arriver.
-Est-ce qu'on peut juste aller voir Malcom pour aller l'embrasser ?
-Oui bien sûr. Allez. Viens.
Malcom était endormi sur une chaise mais quand on ouvrit la porte, il se réveilla. Il me vit et il se leva pour me prendre dans ses bras.Il me remercia encore et encore jusqu'à ce que je me sente mal à l'aise. Tant et si bien que j'étais toujours mal à l'aise dans le taxi qui nous ramenait vers l'hôtel.
-Tu me montreras les sutures. J'ai parlé au médecin qui t'a examiné, tu t'es profondément entaillé.. mais avec quoi au juste ?
-J'avais un morceau de verre dans la cuisse, je l'ai enlevé. D'un seul coup sec. Ça va guérir comment ?
-Tu vas avoir mal, mais apparemment les tissus ont été coupé nets et non pas déchirés. Tu vas souffrir le martyr et et tu es dispensée de sport au lycée jusqu'à la fin de l'année..
-Scolaire ? m'exclamai-je un peu trop ravie.
-Non civile. La plaie était profonde mais elle n'a pas touché l'os. Tu seras remise en janvier. Entièrement. Tu as envie de manger un truc ?
-Ouais, un hamburger.. Non deux hamburgers. J'ai pratiquement rien mangé. Et je veux des frites.. au moins un kilo.
-Okay. Vous pouvez nous arrêter là finalement ?
Mon père m'aida à marcher et je me glissai sur une banquette, lui sur l'autre juste en face, dans un vieux restaurant poussiéreux qui sentait le gras et le café. Un milkshake au chocolat, des frites plus tard et un hamburger gigantesque plus tard, je me sentais vachement mieux. Mon père avait commencé par un café. Ensuite, il commanda comme moi et il trempait ses frites dans son milkshake.
-Tu es immonde Papa.
-C'est vachement bon. Tu devrais essayer. Excusez-moi mademoiselle, vous pourriez nous apporter un autre milkshake au chocolat ?
-Et deux hotdogs avec une tonne d'oignons frits. Vous seriez genre la plus adorable des dames.
Mon père lui fit son sourire 100% I'm sexy and I know it. Je n'avais pas vu mon père faire du charme à quelqu'un depuis des lustres. Depuis Mary en fait. Elle apporta nos deux hotdogs, suppléments oignons frits. C'était gras à souhait, gigantesque à souhait : dé-li-cieux. Nous rentrâmes à l'hôtel. Les antalgiques ne faisaient presque plus d'effets. Nous étions tous les deux dans l'ascenseur.
-Tu sais quoi Papa ? On devrait se faire des week-ends plus souvent.
-Je te promets que la prochaine fois, je ne te laisse pas et si tu dois couler avec un ferry, je serai là, ajouta-t-il en ne plaisantant qu'à moitié.
-On fait quoi demain ? Enfin tout à l'heure ?
-Tu as envie de rentrer à la maison plus tôt ? Je le comprendrais.
-Non. Ce n'est pas ce que je veux, c'est.. mais qu'est-ce qu'ils font là ???
Ray, Clive, Chuck étaient dans le couloir devant ma chambre d'hôtel. Ils étaient entrain de jouer aux cartes. Ils se levèrent tous en me voyant arriver.
-Vous êtes des malades. Qu'est-ce que.. Ah oui, c'est vrai, j'avais dit qu'on se verrait !
J'entendis le bruit d'une porte qui s'ouvre et mon père entra dans la suite après avoir salué mes amis. Ils me prirent tous les trois en même temps dans leurs bras et ils me serrèrent. Ray passa ses mains dans mes cheveux, me dégageant le visage.
-J'ai eu la peur de ma vie, meuf. Me fais plus jamais un coup pareil. Sérieusement. Jamais. Tu n'as pas répondu au téléphone.
-Il est mort je pense. L'iPhone et l'eau.. c'est pas terrible.
Il me resserra contre lui et je tournai les yeux vers Chuck qui était à côté. Lui était serein du moins en apparence. Je ne savais vraiment ce qu'il pensait.
-Bon, je vais aller me coucher, je suis claqué. Je suis content que tu ailles bien Sarah.
Clive s'approcha de moi, m'embrassa sur la tempe et il s'en alla.
-Moi aussi je vais y aller. Sarah. Tu es saine et sauve, c'est cool. Si tu as besoin de moi, tu sais où me trouver.
Chuck posa sa main sur mon épaule.
-Prends soin de toi, ajouta-t-il dans un murmure.
Ray resta un moment en silence après que l'ascenseur eut refermé ses portes. Ses grands yeux étaient d'un sérieux effarant. Il faisait plus vieux.
-Tu comptes énormément pour moi Sarah. Je m'en suis rendu compte aujourd'hui. Je ne vais pas revenir sur la côte Est avant longtemps et.. j'ai pas envie de te perdre sottement Sarah. Je veux qu'on fasse un pacte, ici et maintenant. Que quoiqu'il arrive, je veux toujours rester en contact. Je sais que tu détestes Maeva. Mais ce qu'il y a entre elle et moi, n'a rien à voir avec ce qu'il y a entre toi et moi. Notre lien est beaucoup plus fort que celui que j'ai avec elle. Je ne veux pas que ça se délite.
-Moi non plus. Je crois Ray, que tu es l'une des personnes les plus importantes dans ma vie qui n'est pas de mon sang. Moi non plus je ne veux pas qu'on perde contact.
Je le serrai contre moi.
-Je te le promets, murmurais-je dans ses cheveux. Maintenant va te coucher Ray. Je suis claqué et les antalgiques ne font plus vraiment effet alors..
-Oui, excuse-moi, rosit Ray. Va te coucher, on part dans.. et bien on part à 8h donc.. on s'appelle..enfin. tu vois.
-Oui oui. Merci Ray.
Je rentrai dans ma suite, mon père m'attendait avec un verre d'eau et des pilules d'antalgiques. Je ne tardai pas à plonger dans les bras de Morphée. Quand je me réveillai, j'avais mal à la jambe et mon père dormait à côté de moi. Il était dans ma chambre. Quand je bougeai, il se réveilla.
-Salut !
-Qu'est-ce que tu fais là Papa ?
-Tu as hurlé dans ton sommeil. Je me suis posé le temps que tu t'endormes et je me suis assoupi. Tu veux faire quoi aujourd'hui ?
-Je veux rentrer à la maison. J'ai mal à la jambe et.. on devrait avancer notre billet si ce n'est pas trop tard. Pas forcément dans l'heure, mais on devait repartir ce soir, le milieu d'après-midi ce serait super. On aurait le temps d'aller se promener un peu et on rentrerait.
-Okay, comme tu veux. Il est presque midi, je t'emmène dans un beau restaurant. Fais-toi encore plus jolie que d'habitude.
-Encore plus jolie ?
-Parce que tu es toujours jolie. Tu es ma petite princesse.
-Tu as un humour pourri, tu le sais ? Princesse Sarah quoi. Tu pouvais faire mieux. Je ne te fais pas licite.
Mon père éclata de rire. Je ne te fais pas licite. Je ne te félicite pas. C'est comme ça que je disais ça quand j'étais encore petite. Il m'embrassa et se leva en s'étirant. Nous passâmes un agréable moment. Bon d'accord, j'étais à moitié shooté aux antalgiques, mais compte tenu des évènements de la veille, j'allais bien et c'était le principal pour mon père. Quand nous arrivâmes à la maison, Mary me courut dessus et me serra tellement fort dans ses bras qu'elle était sur le point de m'étouffer.
-J'ai eu tellement peur pour toi ma chérie.
À ce moment précis, j'eus la certitude que Mary m'aimait, parce que dans son regard brillait une inquiétude toute maternelle. Elle avait eu peur de me perdre. Il y avait le même désarroi que dans les yeux de mon père. Je la regardai et je fourrai mon nez contre son cou.
-Moi aussi je t'aime Mary.
Je relevai les yeux et je vis le visage de Brian. Il m'avait entendue. Il s'était raidi, il y avait une sorte de froideur implacable dans ses yeux. Qu'est-ce que j'avais encore fait pour lui déplaire à celui-là ?
-Brian a insisté pour préparer le dîner.
-C'est vrai ? hoquetai-je.
Il haussa des épaules et retourna dans la cuisine qu'il venait de quitter. Mon père récupéra sa femme et je suivis Brian dans la cuisine. Je m'assis sur l'un des tabourets.
-Tu refais un Oyakodon ? lui demandai-je en le voyant couper finement et rapidement des oignons.
-Non, pas du tout, je fais un Yakisoba.
-Tu as besoin d'aide ?
-Oui j'aurai besoin d'aide, mais toi tu devrais te reposer. Sinon, ta jambe ne va pas guérir normalement.
-Oh. D'accord. Ça te dérange si je te regarde faire ?
-Tu es chez toi. Maman ? l'appela-t-il. Tu veux du thé ? Je viens d'en faire.
-J'arrive !
Brian lui avait déjà servi une tasse et il en plaça une devant moi sans dire un mot.
-C'est fou que tu saches vraiment cuisiner en fait. C'est pas courant chez les gens de notre âge.
-Comme je te l'ai déjà dit, il me semble, cela fait parti de mon éducation et pour moi c'était naturel d'aider ma mère. Et puis j'aime ça. Au moins je sais ce que je mange. On dirait pas comme ça mais j'aime avoir une alimentation équilibrée. En fait, tu peux me couper le poireau ? C'est pour la soupe Miso.
Il prit son iPad et il mit de la musique.
-Tu écoutes du Hoobastank ?
-Yep. Tu y vois un inconvénient ?
-Non pas du tout. C'est vachement bien. J'adore ce groupe.
-J'ai appris à jouer de la guitare sur The Reason.
-Tu joues de la guitare...
J'hallucinai.. Brian ? Avec une guitare entrain de jouer The Reason ?
-Ouais. Mais j'ai arrêté. J'ai préféré me mettre au sport plus particulièrement. Le piano, la guitare, c'est un hobby, pas plus.
-Tu dis ça parce que tu n'étais pas bon ?
-Non, même pas. Je suis passé à autre chose. Et je n'ai pas de guitare donc.. tu peux mettre les poireaux dans le bol, là. Danke sehr.
Je vis Tom partir en courant dans les escaliers et mon père le suivre. Mary arriva dans la cuisine et je vis la tête de Brian changer. Il prit un air sérieux et il attendit que sa mère parle tout en coupant le chou et en le jetant dans la poêle. Elle nous expliqua que mon père avait promis à Tom d'aller voir les étoiles avec lui toute la nuit, comme le petit n'avait pas école le lendemain. Seulement au vu des évènements, mon père ne souhaitait pas me laisser une nuit. Je me levai et je montai les escaliers. Je tombai sur mon père.
-Tu peux y aller tu sais. Je peux rester là et je ne suis pas toute seule..
-Sarah..
-Papa. Va avec Tom et Mary. Ils ont envie d'y aller et en plus pense au plaisir que tu feras à ta femme, hein ? En mode couple avec un petit garçon mignon ? Vous pourrez vous amuser cette nuit.. enfin tu vois ce que je veux dire.
-Je vois trop bien où tu veux en venir et tes oncles ont une très mauvaise influence sur toi.
-Vous n'aurez qu'à partir après dîner. Brian se donne du mal pour son plat japonais.
Décidément Brian avait un don pour la cuisine. Le plat qu'il nous prépara était vraiment bon.
-C'est clairement l'une des meilleures choses que j'ai mangé du week-end, lâchai-je.
Brian me fit un sourire. Cela me choqua sur le coup. Parce qu'il avait un assez beau sourire.
-C'est vrai ?
-Faut dire que je me suis nourrie exclusivement de pizzas, hamburgers..
-Hotdog, compléta mon père.
-Et.. d'une salade Caesar. Clairement, c'est le meilleur truc que j'ai mangé.
-Tu as oublié milkshake frite, rit mon père.
-Ah non. Je n'ai pas oublié, je l'ai omis volontairement, parce que te voir tremper des frites dans un milkshake chocolat, c'était immonde.
-Non mais c'est super bon ça, rétorqua Brian. Je te comprends mec.
Il fit un fist bump avec mon père. Je pris mes médicaments au cours du repas et mon père me regarda avec tendresse et inquiétude. Ils partirent tous les trois après le dîner, nous laissant seuls dans la maison.
-Heu Brian, tu vois un inconvénient à ce que j'aille me coucher ?
-Pourquoi tu me demandes la permission pour te mettre au lit ? Tu veux que je t'y accompagne ?
-T'es con. Je sais juste que c'est pas cool de regarder la télé tout seul c'est tout. Je monte.
Je laissai cet abruti et je montai les escaliers pour me rendre dans ma chambre. Je m'affalai sur mon lit après avoir enfilé ma combi short en flanelle et je ne tardais pas à m'endormir.
Je me réveillai en sursaut pendant la nuit. Je me levai et me pris les pieds dans mes chaussures. Je tombai au sol et une pointe de douleur humidifia mes yeux. J'ouvris légèrement la porte. J'entendais du bruit en bas des escaliers. La porte de Brian était fermée. Quel idiot ! J'allais lui dire ces quatre vérités à cet imbécile qui faisait du bruit dans la maison à 3h du matin. Je commençai à descendre les escaliers quand j'entendis un bruit sourd et une voix d'homme.. qui n'était pas celle de Brian. Je me figeai comme une proie et je remontais les escaliers sans faire de bruit. J'allai dans la chambre de Brian, il dormait à poing fermé, en travers de son lit. Il était sur le ventre et dormait à moitié hors du lit. Je m'approchai de lui et je posai sa main sur lui avant de le secouer doucement. Il ouvrit un peu les yeux, me vit et grommela avant de se retourner sur l'autre côté.
-Brian ! murmurais-je.
-Dégage.
-Y'a quelqu'un en bas.
-Hummm..
-Brian ! Y'a quelqu'un dans la maison. Je l'ai entendu.
Il se redressa. Il n'avait pas fermé ses volets et la lune se reflétait dans sa chambre. Il était à peine réveillé.
-Quoi mais qu'est-ce..
-Quelqu'un est entré dans la maison.
Comme pour appuyer mon propos, nous entendîmes un bruit. Brian se leva d'un bond et il prit sa batte de baseball.
-Tu restes là.
-Mais..
-Tu. Restes. Là. Je suis sérieux. Et appelle le 911.
Il n'avait plus du tout envie de dormir. Il ouvrit la porte de sa chambre et la referma. J'appelai le 911 pour les prévenir que quelqu'un s'était introduit dans ma maison. J'entendis comme un bruit de lutte, quelqu'un crier et tomber au sol. J'entendis la voix de Brian hurler. Je savais qu'il ne voulait pas que je bouge, mais c'était ma maison qu'il était entrain de défendre. Je descendis les escaliers et je vis quelqu'un en face de moi. C'était Brian, il avait le nez en sang. J'allais dire quelque chose mais on frappa à la porte. C'était la police. Après avoir pris notre déposition, ils partirent nous laissant seuls. Je m'occupai du nez de Brian.
-Tu crois pas qu'on devrait prévenir nos parents ? lui demandai-je en brûlant le coton ensanglanté dans un bol comme mon père avait l'habitude de le faire.
-Laissons leur quelques heures de bonheur. Ma mère a flippé tout le week-end à cause de toi, pareil pour ton père une bonne partie de la nuit si j'ai bien compris. Et puis c'est bon, vu la façon dont j'ai pété la gueule du mec à coup de batte de baseball, ils vont l'appréhender rapidement. Fais moi confiance. Tu devrais retourner te coucher. On a cours demain et tu es pas en état de faire une nuit blanche.
-Je ne peux pas Brian. Je n'arriverai pas à me rendormir et je ne crois pas que prendre des somnifères est adapté dans mon état.
-Tu n'as pas à avoir peur. Ils ne revien..
-J'ai toujours pensé que quoi qu'il arrive, je serai en sécurité chez moi. Mais c'est même pas le cas et.. désolée.
J'essuyai mes larmes et je me retournai. Je sentis quelques secondes plus tard la main de Brian sur mon épaule. Il me retourna et me serra contre lui. J'avais le nez contre son T-shirt de nuit.
-Tu es en sécurité, murmura-t-il d'un ton ferme. Je suis là. Tu es en sécurité. Ma batte et moi, on te protège. Allez viens.
Il me dirigea comme si j'étais un enfant de 4 ans et demi. Il me dirigea dans ma chambre. Ma main tremblait. J'avais mal à la jambe. Je m'allongeai sur mon lit sans un rien dire. Je me tournai du côté de la fenêtre.
-Brian ?
-Oui ?
-Tu veux bien rester jusqu'à ce que je m'endorme ?
Il ne répondit pas, mais j'entendis mes draps se froisser sous le bruit d'un corps qui s'allonge. C'était gentil de sa part de faire ça et je me sentais en sécurité. Je ne savais pas comment cette histoire de cambriolage allait finir mais j'avais conscience que sur ce point là, je pouvais entièrement faire confiance à Brian Miller.
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