Le pot à gros mots
-Sarah ? Tu veux venir faire un foot avec nous ?
C'était le dimanche après-midi. Mon père travaillait cet après-midi là. Il avait une opération importante. Ça faisait près de 3 semaines qu'il nous en parlait tout le temps et qu'il travaillait dans son bureau. J'étais rentré dedans il y a une semaine, il avait des radios, des schémas et des revues ouvertes un peu partout. C'était le bordel. Il avait les yeux qui brillaient. C'était pour ça qu'il était devenu médecin. Pour avoir des défis et repousser la mort chez ses patients. Il aimait tellement son métier. Je voulais aussi trouver un métier qui m'apporterait autant de bonheur. Il fallait que j'y réfléchisse. Le conseiller d'orientation nous avait fait comprendre que nous devions rapidement le savoir. Si j'avais été une pétasse, je lui aurais répliqué que c'était une considération auquel les plus pauvres devaient penser, mais quand on avait un père millionnaire, on avait le temps de trouver sa voie. Mais c'était un fait. On était dans un lycée huppé, la plupart des élèves avaient des parents hauts placés et riches. Peut-être pas autant que ma famille mais c'était un fait. Très peu aurait besoin de faire des prêts ou aurait besoin des bourses pour entrer dans l'université de leur choix. Moi, j'étais en total doute sur ce que je voulais faire plus tard. J'avais surtout peur de faire le mauvais choix ? Si je me mettais à fond dans les matières plus.. littéraire, est-ce que je ne regretterai pas d'avoir abandonné le côté scientifique et inversement ? Est-ce que j'avais peur pour mon avenir ? Évidemment. J'avais 16 ans. Je ne savais pas ce que je voulais faire du restant de mes jours et j'avais de moins en moins de temps pour me décider. Ça me stressait un peu mais j'essayai de ne pas y penser. Et puis ce stress était surtout de ne pas savoir quoi faire d'un point de vue purement intellectuel. J'avais de la chance d'avoir de l'argent. Mon père ne me couperait jamais les vivres et même s'il le faisait, avec l'héritage de ma mère, je pouvais vivre aisément pendant suffisamment de temps pour trouver ma voie.
-J'ai pas envie, il fait froid dehors.
-Brian et moi, on va aller dans une salle pour jouer. Tu veux venir ?
-Laisse-tomber Tom, c'est une faible, elle a pas la force physique pour le faire.
-J'arrive.
J'étais enroulée dans un gilet de Mary, dans le salon entrain de boire un Chai Tea très aimablement préparé par ma belle-mère. Cette dernière me regarda en riant.
-Tu viens Mary ?
-Moi ? Faire un foot ? Hors de question. Par contre un badminton, là, je ne dis pas non. Ça fait des années que je n'ai pas joué. J'adorai à la fac faire ça avec mes amis.
-Et bien.. pourquoi on ne va pas au Club alors ? Comme ça on se fait une partie de badminton à 4 ?
Je me tournai vers Tom. Ce dernier avait l'air embêté. Il regarda son mère, puis son frère et retourna les yeux vers Mary.
-On pourrait peut-être faire notre foot plus tard, qu'est-ce que tu en penses Brian ?
Tom faisait toujours tout en fonction de son frère.
-Au Club ?
-Oui. Y'a des courts à l'intérieur d'un des bâtiments. Je peux appeler pour voir si y'en a un de libre et si c'est pas le cas, on va faire un foot ?
Brian leva les yeux au ciel et hocha la tête. Je pris mon téléphone et le carnet d'adresse sur l'iPad de mon père. La voix horripilante de la standardiste retentit à mon oreille. Elle était très gentille, mais sa voix !! C'était pas possible.
-Bonjour madame, Sarah McAllister à l'appareil, je voulais savoir s'il y avait un court de badminton non réservé pour cet après-midi.
-Veuillez patienter un moment mademoiselle.
Je l'entendis tapoter sur son ordinateur. Mary tendit les mains vers Brian et elle l'entraina sur le canapé avant de caler son dos contre son épaule. Tom se précipita dans les bras de sa mère. Lorsque je raccrochai, ils tournèrent leurs yeux vers moi.
-C'est bon, il y a eu un désistement de dernière minute. Je vais conduire si tu veux Mary, vu que tu ne sais pas vraiment où c'est..
-Okay, moi ça me va. Thomas mon petit ange chéri qui court plus vite que le vent, tu peux aller me chercher mes bottes noires ? Merci mon chou.
-Pourquoi on n'a jamais été au Club ? demanda Brian une fois installé dans la voiture auprès de son frère à l'arrière du véhicule.
-Mon père est membre depuis des années mais on y va que très rarement. Ma mère trouvait ça trop élitiste alors... je pense qu'il s'est rangé de son point de vue à force.
-Élitiste ?
-Tu connais les séries The Lying Game ? Revenge ? Gossip Girl ? Tu vois le genre de Club où ils vont ? Ils ont probablement copié sur le notre. Le Glyatt's Club. Mon père est adoré là-bas. Vraiment. Vous verrez.
Le Club était un gigantesque établissement, une sorte de grand hôtel, grand luxe. Je me garai devant la porte et je tendis la clef au portier. Heureusement, ce n'était pas quelqu'un de mon lycée. Je vis tout de suite des personnes que je connaissais de loin. Des connaissances de mon père. J'allais vers la standardiste pour les renseignements. Elle était jeune. Une vingtaine d'année. Elle travaillait ici depuis longtemps. Elle regarda Mary et ses enfants. Son regard s'attarda sur Brian une demi-seconde de plus.
-Mon père vous a appelé pour signifier les changements ?
-Non, Mademoiselle McAllister, de quels changements parlez-vous ?
-Je vais lui dire de vous appelez, ce sera beaucoup plus simple. Bonjour Monsieur Glyatt !
Le gérant et propriétaire Bill Glyatt IIIè du nom arriva par une porte derrière. Il me fit un grand sourire. Ma mère lui avait sauvé la vie une fois. Elle lui avait fait une manœuvre de Heimlich et lui avait dégagé les voies respiratoires. Il m'aimait beaucoup. Je lui présentai Mary et il lui fit un grand sourire. Je savais que comme ça, elle aurait droit à des.. privilèges supplémentaires. C'était le moins que je puisse faire pour elle. La partie de Badminton était.. éprouvante. Mary était super bonne pour quelqu'un qui n'avait pas joué depuis des années. Elle jouait avec Tom et ils gagnaient haut la main. Brian et moi étions incapables de nous entendre. Il me donnait toujours des ordres et me réprimandait et moi ça me saoulait. J'étais crevée. Ça faisait trois semaines qu'il s'était remis avec Alexandra et ça faisait trois semaines qu'il me saoulait. Il était redevenu le Brian d'avant les vacances. C'était un peu comme si on avait pas vécu des trucs ensemble au Texas et à Aspen. Il était imbuvable. Dans les couloirs, j'étais de nouveau invisible pour lui. Il passait à côté de moi, sa copine pavanant à son bras. Elle était exactement comme avant. Rien n'avait changé.
Je m'éclatai au sol et je poussais un cri. Mary arriva de mon côté.
-Tu vas bien ma chérie.
-Elle simule parce qu'elle est crevée, c'est une faible.
-Brian. Arrête.
-Ça va. Je vais juste prendre un pansement.
Je me dégageai des bras de Mary et je claudiquai vers le banc pour mettre un pansement. Je n'étais pas une faible et j'allais y retourner. Brian me regardait d'un air méprisant. Je retournai à ma place. Et cette fois-ci, je lui obéis. J'en avais marre qu'il me critique et je marquai un point.
-Tu vois quand tu veux !
-C'est quoi ton problème ?
-Je n'aime pas perdre et tu viens de me faire perdre. Contre ma mère et contre Tom. T'es une nullité ma pauvre fille.
Je le giflai. De manière retentissante. Et je sortis du court. J'en avais assez de lui et de ses remarques désobligeantes. Je retournai dans les vestiaires avant de rencontrer quelqu'un habillée comme je l'étais avec ce petit polo et cette micro-jupe. Mais visiblement, le sort était contre moi. Je vis Chris avec Paul. Elle me dévisagea et son regard méprisant coula sur moi. Je courus presque dans le vestiaire avant que Paul ne me voit, lui. Je pris mon téléphone et j'étais entrain d'envoyer un SMS à Sophie quand elle m'appela.
-Je m'ennuie, je peux venir chez toi ?
-Je suis au Club. Viens. Vite.
-Papa ? On peut aller au Club ? Sarah a besoin de moi... On arrive. Je serai là, dans 10 minutes top.. bon 20 minutes, visiblement mon père veut respecter les limitations de vitesse et les feux, ce vieux rabat-joie.
J'entendis Sophie rire et 15 minutes plus tard, ils étaient là, ses parents et elle. Je m'étais cachée pour ne pas que Mary vienne me trouver ou pour ne pas croiser Brian. Ce n'était pas très mature comme comportement mais parfois, ça faisait du bien d'agir comme une petite. Je lui courus dans les bras quand je vis Sophie arriver.
-Salut Nicholas ! Salut Adèle !
-Paraît que ma seconde fille avait un souci, on a accouru, c'est quoi le problème ?
-Brian m'a dit que j'étais une nullité parce qu'on a perdu au badminton contre sa mère et son frère. Et la copine diabolique de Paul McDust est dans les parages.
-Hum. Tu veux que je la tape ? fit Sophie.
-Sophie ! s'exclama sa mère. On ne tape pas les gens, c'est d'un vulgaire. Qui-est-ce ?
-Chris.
-Ah. Elle, fit la mère de Sophie. Vous devriez faire une partie de badminton et tu lui envoies malencontreusement le volant dans l'œil.
Je fixai Adèle avec de grands yeux. Elle avait vraiment dit ça.
-Je n'aime pas cette fille et si Line savait la moitié de ce que je sais, mais que je n'ai pas le droit de lui dire (elle fusilla sa fille du regard), elle ne l'aimerait pas non plus et nous libérions Paul de la menace fantôme.
-Je vous adore Adèle; Vous arrivez non seulement à me remonter le moral mais à faire une allusion à Star Wars dans la même phrase. Je suis admirative.
La mère de Sophie eut une petite moue ravie et elle eut un grand sourire.
-Mary !! Comment faites-vous pour être aussi sexy dans une tenue de badminton ?
-Le push-up Adèle ! Le push-up !!
Elles se mirent à rire et Mary m'entoura de ses bras. Adèle prit sa fille sous le bras et elle entra dans le Club. Ma belle-mère me regarda sérieusement.
-Pourquoi tu es partie aussi vite ?
-Peut-être parce que ton fils m'a encore insultée ?
-Je m'en suis doutée, c'est pour ça qu'il sera puni en rentrant à la maison, mais.. tu aurais dû me le dire tout de suite, au lieu de t'enfuir comme ça. Je me suis inquiétée. Je t'ai cherché partout et je ne connais pas ce lieu. Ne me refais plus une peur pareille, s'il-te-plaît.
-Oui.
Brian allait être puni. Nom de nom. J'allais m'en prendre plein la tête. Nous rentrâmes dans le Club et je vis Tom avec son frère, Chris et Paul. Tom courut vers moi.
-La prochaine fois, tu joueras avec moi, comme ça tu ne seras pas avec l'autre mauvais perdant, là. Maman ? Est-ce que je peux aller manger un truc ? J'ai faim.
-Viens avec moi Tom.
Il sourit largement et il prit ma main.
-Tu as vu. Tu m'as parlé en français. Ça veut dire que tu fais des progrès. Je suis content.
Sophie arriva à côté de moi et me prit le bras après avoir salué Tom. Je jetai un coup d'œil derrière nous, Paul et sa copine nous suivait et je pouvais voir Brian parler avec sa mère. Il tourna les yeux, croisa mon regard et je baissai les yeux instinctivement.
-Sophie ! Comment vas-tu ma petite chérie ???
Line prit Sophie dans ses bras et je souris intérieurement. Chris allait avoir un ulcère. D'ailleurs, je le vis à sa tête qu'elle n'appréciait pas.
-Très bien Line et vous ?
-Super, je suis contente de te voir. Est-ce que tes parents sont par là ?
-Je crois qu'ils sont entrain de parler avec M. Glyatt. Ils ne vont pas tarder à arriver.
J'en profitai pour m'asseoir à une table pas loin avec Tom et il commanda un chocolat chaud à la serveuse. Je demandai la même chose. Brian finit par nous rejoindre à table. Sophie se laissa tomber quelques secondes plus tard à côté de lui.
-Ça va Brian ? Tu as l'air.. fâché.
-Non, ça va. Tu as coupé tes cheveux ?
-Oui, depuis vendredi.
-Je t'avais pas vu, ça te va super bien je trouve, continua Brian. Ça met tes yeux en valeur.
-Brian est-ce que tu..
Il tourna les yeux vers moi et je vis de la haine. À l'état pur. J'en rougis et j'en perdis mon latin. Je balbutiai quelque chose et Tom fronça des sourcils.
-Ne regarde pas Sarah comme ça, Brian. Tu la mets mal à l'aise.
-J'aimerai bien savoir de quel côté tu es Thomas.
-De celui du faible et de l'opprimé comme dirait Maman. Tu n'as pas l'air du côté de l'opprimé. Alors je ne suis pas de ton côté.
Il quitta la table et fit un geste pour dire à sa mère de le laisser tranquille. Je le suivis.
-Qu'est-ce que tu as ? Brian !! Arrête-toi nom de Dieu !
Il s'arrêta alors qu'il prenait le chemin pour rentrer chez nous. Il se retourna. Il était furieux.
-J'en ai assez de toi qui joue à la victime tout le temps. J'en ai assez de ma famille qui prend toujours ta défense parce que tu es une faible. Et c'était pas le jour pour ça. C'était pas le jour.
-Qu'est-ce qui était pas le jour ?
Il tourna les talons sans dire un mot de plus et sortit de l'enceinte du club. Je retournai près de Mary à l'intérieur, elle leva un sourcil. J'étais embêtée.
-Où est Monsieur ? demanda-t-elle en prenant une gorgée de thé.
-Il est rentré à la maison je pense.
Tom était embêté.
-C'est de ma faute.
-Non Tom, ton frère se comporte comme un imbécile. Voilà tout.
-Il ne va pas redevenir comme avant, n'est-ce pas Maman ?
Je jetai un coup d'œil à Sophie, elle gardait un visage neutre mais je voyais dans ses yeux qu'elle était curieuse.
-Non. Ne t'inquiète pas pour ça, mon petit chéri.
Ma curiosité commençait petit à petit à prendre le dessus. C'était quoi ce secret autour du comportement de Brian ? Tout le monde savait donc qu'il était taré et tout le monde se taisait ? Je trouvais ça bizarre. Lorsque nous rentrâmes à la maison, Brian n'était pas encore là. Mary fronça des sourcils, inquiète. Elle prit son téléphone.
-Brian, je ne sais pas où tu es. Rentre. S'il-te-plaît. Je suis inquiète.
Il arriva une bonne demie-heure plus tard. Mary était assise dans le salon, les genoux ramenés sous son menton. Elle regardait son téléphone
-Où étais-tu ?
-Je suis désolé, mon téléphone n'a plus de batterie.
-Ce n'est pas ce que je t'ai demandé.
-Tom. Viens avec moi.
Je tirai Tom par le bras pour l'emmener ailleurs, il n'avait pas besoin d'assister à ça. Je l'emmenai dans ma chambre et je l'autorisai à jouer avec mon ordinateur. Je redescendis les escaliers.
-Je peux savoir ce que tu as ? lui demandait sa mère. Tu parles extrêmement mal à Sarah alors qu'elle ne t'a rien fait, tu me manques de respect et en plus de ça, tu ne rentres pas à la maison ? Je n'ai pas envie que..
-Diego.
-Quoi Diego ?
-Ça fait 3 ans aujourd'hui Maman.
Mary se tut. Je n'osais pas respirer pour ne pas faire de bruit.
-J'avais oublié. Je suis désolée Brian.
-C'était pas un bon jour, mais tu as raison. Je n'aurais pas dû m'en prendre à Sarah. Je vais aller lui présenter mes excuses. Tout de suite d'ailleurs.
Il me vit assise dans les escaliers. Son visage.. j'avais l'impression qu'il était devenu plus pâle que d'habitude. Ses yeux avaient l'air.. rougis, un peu fou. Comme si il avait pleuré. Oui, c'était ça que je voyais sur son visage. Les vestiges de larmes. Il était triste. Vraiment triste.
-Je suis désolé Sarah. Je t'ai parlé n'importe comment et je n'aurais pas dû. Excuse-moi.
Mary apparut dans mon champs de vision.
-On a tous des sales jours Brian, murmurai-je un peu troublée.
Il passa à côté de moi et je fixai sa mère dans l'espoir d'avoir une réponse à ma question.
-L'un de ses amis est mort il y a 3 ans aujourd'hui. J'avais complètement oublié. L'an dernier aussi il avait voulu faire pleins d'activités ce jour là pour se changer les idées. Et là.. je l'ai engueulée.. S'il-te-plaît. Ne lui en veux pas. C'était un ami d'enfance et il a toujours un peu de mal à s'en remettre. Tu peux surveiller ce que j'ai mis sur le feu, il faut que j'aille consoler mon petit garçon..
-Non. Je vais aller lui parler. Laisse Mary.
Je trouvais Brian dans sa chambre. Il avait son casque sur les oreilles et il était allongé, sur son lit, les yeux clos. Des larmes coulaient sur son visage et sa respiration était saccadée. C'est vrai que depuis le matin, il était d'une humeur étrange, plutôt silencieux. Je ne sais pas ce que je deviendrai, si je perdais Sophie. Est-ce que 3 ans plus tard, je m'en serai remise ? Je m'allongeai à côté de lui et je lui pris la main. Je regardai le plafond et je sentis la main de Brian serrer la mienne. Je me tournai sur le côté. Il me regardait, il pleurait toujours. Il ne pouvait pas s'en empêcher. Est-ce que ma rancœur contre lui s'envola ? Oui. Je n'aimais pas voir les gens pleurer, les voir triste et malheureux. J'avais craqué avec Alexandra juste parce qu'il était malheureux. Mais là, c'était pire encore. Il faisait toujours son deuil. J'essuyai ses larmes et il retira son casque. Je pouvais entendre la musique. C'était du Linkin Park.
-Cancer. C'était un cancer. Il l'a appris entre Noël et le premier de l'an. Il ne me l'a dit qu'une fois la nouvelle année passée, il ne voulait pas me gâcher la fête. Il est mort deux mois plus tard. On se connaissait depuis nos 4 ans. C'était notre voisin.
-Ce n'était pas de ta faute..
-Non. Je sais. Mais..j'ai tout fait pour.. oublier ce qu'il s'était passé, pour l'oublier lui. Mais ça ne marche pas. Il adorait courir et faire du sport...le badminton. On pouvait y jouer des heures tous les deux. Les derniers jours, il n'arrivait plus à marcher.
Il se tut, emporté dans ses souvenirs. Il fixa le plafond mais il tenait toujours ma main dans la sienne. Il était même entrain de l'écraser mais je ne dis rien.
-J'étais là quand il est mort. Ses parents avaient une véranda splendide. Son frère et moi, on.. l'avait déplacé de son lit, on l'avait mis dans un rocking chair et.. on avait regardé les étoiles. Il adorait les étoiles. Il voulait devenir astronaute. On s'est endormi et quand je me suis réveillé le lendemain, il était inerte. Je l'ai secoué et j'ai hurlé, mais il n'était plus là. Quand je.. suis rentré chez moi, je me suis allongé et je suis resté recroquevillé pendant une journée. J'ai pas dit un mot.
-Tu peux m'en parler quand tu veux Brian. Y'a pas de souci.
Il tourna les yeux vers moi et je lui fis un pâle sourire.
-Je me suis comporté comme un connard avec toi depuis 6 mois, pourquoi tu es aussi gentille ?
Parce que tu me fais pitié. J'aurais pu lui répondre ça. J'aurais pu lui dire que je n'aimais pas le voir malheureux, parce que Mary était malheureuse. Mais il aurait détesté. Et il m'aurait détesté d'avoir fait ça.
-Je sais ce que tu ressens. Et.. je pense que je suis quelqu'un de gentil par nature.
-Oui, tu es gentille.
Il tenait toujours ma main. Il posa un baiser dessus et il se tourna avant de poser sa tête sur moi. Instinctivement, je lui caressai la tête. Il avait tellement de chagrin en lui. Je tournai les yeux et je vis Mary dans l'embrasure de la porte. Je lui fis un signe pour lui dire que tout allait bien.
-Tu me joues un morceau à la guitare ? finis-je par demander. Je ne t'ai jamais entendu jouer.
-Ouais.
Il se leva et il prit son instrument qu'il avait eu à Noël. Il commença à jouer Ironic d'Alanis Morissette. Il le faisait de tête.
An old man turned ninety-eight. He won the lottery and died the next day It's a black fly in your Chardonnay... It's a death row pardon two minutes too late. And isn't it ironic... don't you think ?
J'aimais bien cette chanson et je la chantais avec lui. Oui. Je ne pensais pas ça un jour possible mais cela lui fit du bien. J'entendis la porte se pousser et Tom monta sur le lit.
-J'aime bien quand tu joues, Brian. Et tu sais pour tout à l'heure.. la plupart du temps, je suis de ton côté tu sais.
-Je suis désolé Thomas. Je t'ai mal parlé tout à l'heure et je n'aurais pas dû.
-Tu ne m'en veux pas ?
Brian se pencha vers son petit frère et lui embrassa le front après lui avoir assuré qu'il ne lui en voulait pas. Tom pencha la tête sur le côté.
-Si tu ne m'en veux pas, on peut aller faire une partie de monopoly avec Maman alors. Elle s'ennuie je crois.
-On va faire ça. Tu peux aller le chercher ? Je crois que notre jeu est dans le bureau de Papa.
Tom fila et je posai ma main sur l'épaule de Brian alors qu'il remettait sa guitare dans son étui.
-Tu joues super bien je trouve.
-Et toi tu chantes bien. Sarah ? m'interpella-t-il alors que j'allais quitter sa chambre.
Je me retournai et je me retrouvai contre son torse, le nez empli de son parfum. Je lui rendis son étreinte et il m'embrassa le dessus du crâne. Il remonta mon visage et nos deux regards se croisèrent. Il n'avait pas besoin de parler. Je comprenais parfaitement qu'il me remerciait d'avoir été là.
-Bon vous arrêtez de vous faire des papouilles et vous venez ?
Tom se mit à rire et Brian lui courut après dans les escaliers. J'entendis leurs deux rires depuis l'étage. Je pris mon téléphone et je descendis les escaliers pour jouer au Monopoly. Nous nous fîmes tous plumer par Tom. J'étais en faillite totale. Tellement, qu'il me proposa de lui vendre mon âme contre quelques billets. Il était sérieux et Mary se mit à pleurer de rire.
-Ça aurait pu être pire, j'aurais pu lui demander de me vendre sa personne.
-Tu voulais acheter le corps de Sarah..
Brian s'étouffa de rire et il devint rouge. Des larmes jaillirent de ses yeux. Sa mère aussi n'en pouvait plus. Elle se leva et elle se tint les côtes. Son rire était communicatif. Tom apporta un mouchoir à sa mère et elle s'essuya les yeux.
-Bon, trêve de plaisanterie, ça vous tente un apéritif le temps que je cuisine ?
-Je vais cuisiner, dis-je en me levant.
Brian se mit à rire et je lui ébouriffai les cheveux pour qu'il arrête. Il se dégagea et me lança un sourire un peu moqueur.
-Je croyais que tu ne savais pas cuisiner.
-Tu m'as appris, je te signale.
-Je vais t'aider.
-Non, je veux pas de ton aide !
-J'ai envie de manger ce soir, pas de devoir appeler les pompiers parce que tu auras brûlé la cuisine. Allez viens meuf, tu perdras moins de temps si on est deux. Maman, tu n'as qu'à aller te détendre. On s'occupe de tout.
Il se leva et il s'installa dans la cuisine.
-Alors tu pensais à quoi ?
-Je sais pas, un truc avec du poulet, j'ai envie de poulet.
-Hum. Des lasagnes ? C'est pas trop difficile, tu ne devrais pas les louper. Je vais t'aider, fais pas cette tête là. Tu peux me sortir des champignons demoiselle ?
Je pris des cèpes dans le panier à légumes et quand je me retournai je me retrouvai face au poulet. Je sursautai. Brian tenait le poulet par les ailes et le faisait danser sous mon nez. Le con. Je penchai la tête et il eut un air un peu penaud comme son petit frère. Il lâcha l'animal et se retourna. Je chopai le poulet et je pris un œuf. J'attendis qu'il se retourne et je pris une grosse voix.
-Je suis ton père, fis-je en agitant le poulet.
-Naaaaaaaaaaaaaaaan !
J'agitai l'œuf et je l'éclatai sur le plan de travail. Brian était.. abasourdi et il hurla de rire.
-Tu m'as tué !!!
Je ris moi aussi. des larmes jaillirent de mes yeux. Brian n'en pouvait plus.
-Tu es totalement barge.
-Dit le mec qui a fait la danse du soleil au poupou.
-Oh merde, j'adore quand tu fais des trucs pareils. Lâche Donald. On va le faire cuire.
-Donald est un canard.
-Canard, poulet. Même combat.. enfin presque. Coupe les champignons en lamelles.
Il prit un couteau et le découpa. Il avait une dextérité qui me laissait sans voix.
-J'espère que Marc aime cuisiner, sinon tu vas manger que des crudités.
-Ouais. J'espère aussi.
-Il ne t'a pas encore cuisiné un truc ?
-Non.
-Hum.
-Quoi Hum, soupirai-je en coupant un champignon.
-Bah, je ne sais pas. C'est un adulte. Il pourrait cuisiner pour toi. Moi c'est plus compliqué, enfin je veux dire.. tu vois. Toi et moi on a pas de chez nous à proprement parler, alors cuisinez pour quelqu'un c'est beaucoup plus dur, on ne peut pas jarter toute notre famille.
-Lui non plus.
-C'est un adulte, il pourrait trouver le moyen. Et puis les McDust ont une dépendance comme chez mes Grands-Parents. Il pourrait s'il le voulait vraiment..
Cela me mit mal à l'aise de parler de ça. Est-ce que Brian avait raison ? Est-ce que si il le voulait Marc me cuisinerait un petit plat avec amour.
-Enfin, continua Brian. Peut-être qu'il est aussi nul que toi en cuisine. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, finit-il par dire.
-Ce n'est pas le cas, on n'a pas trop eu l'occasion de se voir, c'est tout. Il n'est pas dans la même ville que moi.
-Heureusement, tu t'imagines ? Vous pourriez vous envoyer en l'air tous les jours. Tu serais en cloque avant la fin de l'année.
-Non, pas du tout, d'une, vu que tu veux tout savoir, on se protège, la plupart du temps et en plus je prends la pilule.
-La plupart du temps ? T'es sérieuse ? tu ne tiens pas à la vie ou quoi ?
-Je..
-Le sida ? Ça ne te dit rien ? Si j'ai bonne mémoire, tu m'as dit que tu avais couché avec un autre mec que Marc, tu es certain qu'il était clean à 100% et tu es certaine que Marc est clean à 100% ?Je veux bien croire qu'il est fidèle, mais.. est-ce qu'il est certain que toutes ses partenaires avant lui n'avaient aucune IST ? T'es irresponsable en fait, je comprends pourquoi ton père ne veut pas que tu couches avant au moins tes 30 ans.
Il était en colère et moi je me sentais conne.
-C'est arrivé une fois et il ne voulait pas.
-Il n'est pas aussi con qu'il en a l'air alors.
-Pourquoi tu m'engueules comme ça ? Et arrête de dire que mon mec est con. On fait ce qu'on veut dans notre intimité et si tu veux tout savoir il est clean et je le suis aussi. Compris ?
-Je ne t'engueule pas Sarah. Je trouve hallucinant que dans notre monde où on sait à quoi peut conduire un rapport sexuel non protégé, tu ne te protèges pas. Tu penses vraiment pas aux membres de ta famille..
-Alors non en fait, en général, j'ai autre chose à penser quand je m'envois en l'air, même si à cause de toi j'ai été hyper perturbée.
-Pardon ? Oh putain. Quand tu étais mon Dobby ? NAAAAAAN. Oh merde. Tu as pensé à moi pendant ton orgasme. JE ne sais pas si je dois me sentir flatter ou..
-N'importe quoi, toi !
-Tu me diras.. avec Pim, le concours de circonstances a fait que..
Je le tapai avec un torchon et il se mit à rire.
-Ne me rappelle jamais que je t'ai vu avoir un orgasme. S'il-te-plaît.
Je relevai les yeux, je vis Mary. Elle rougit, moi aussi et elle s'enfuit. Je fixai Brian. Il était figé.
-Oh merde. Sarah. Rattrape ma mère. Viiiiite.
Je lui courus après, je la trouvai dans sa chambre.
-C'est pas ce que tu crois. C'était pas moi. J'ai pas couché avec Brian, hein, je suis juste arrivée au mauvais moment un jour et..
-Sarah. Je ne veux pas en parler, s'il-te-plaît. Je n'ai pas envie de savoir ce que tu fais ou pas avec mon fils. Et encore moi avoir l'image de mon fils entrain de.. POUAHHHH.
-Okay, désolée en tout cas. On mange dans pas longtemps...
Je redescendis et je vis Brian entrain de parler avec Tom, il avait mis les lasagnes au four et ils étaient entrain de ranger. Il me fixa et je levai mes pouces pour le rassurer.
-Brian ? Tu sais, j'avais oublié pour Diego et je ne veux pas que tu sois triste. Et pour ne pas que tu sois triste, je vais te dire un secret. Tu le répéteras pas à John ou à Maman, hein ?
-Je ne répèterai pas.
-J'ai embrassé une fille sur la bouche.
-NAAAAAAN !!! TROP BIEN MON POTE !
Il était vraiment content, il lui tapa dans les mains.
-Alors ? elle était jolie ?
-Oui, très jolie.
-Tu as mis la langue ? C'est un peu notre particularité familiale, tu sais.. ou alors.. c'est la prochaine étape ? Il ne faut pas précipiter les choses.
-Ça veut dire que tu ne vas pas m'expliquer comment on fait les bébés pour de vrais ? Pas le coup de la cigogne pourrie là.
-Tu demanderas à John.
Je me retournai en entendant la porte d'entrée. C'était mon père. Il avait l'air claqué le pauvre. Je lui pris son manteau et je l'embrassai.
-Ça sent super bon.
-Brian et moi avons cuisiné.
-J'ai d'autant plus envie de goûter. Salut les mecs. Comment ça va ?
Il tapa dans la main de Tom et fit un signe de tête à Brian. Je le lâchai et je vis Mary descendre les escaliers. Elle se mit sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur la bouche délicatement. Ensuite, elle le serra contre elle. Ils étaient tellement proches tous les deux.
-Je vais aller prendre une douche et je veux que vous me racontiez votre journée en détail.
Il monta avec sa femme. Brian les fixait d'un air goguenard.
-Ils ne descendront pas avant un bon quart d'heure. On se fait une partie de kinect ?
Je déclinai et je montai dans ma chambre. J'appelai Chuck. Pourquoi lui ? J'en avais aucune idée. J'avais envie d'entendre sa voix. Même via un répondeur. Il était tard à New York.
-Salut, me fit sa voix grave. Tu vas bien ?
Il avait la voix enrouée.
-Mieux que toi visiblement. Tu vas bien ? Tu as une voix chelou.
-Je me suis niqué la voix aujourd'hui. J'étais à un match de basket avec Ray et.. on a tellement gueulé.. Tu n'as pas répondu à ma question..
-Je vais bien écoute. J'ai fait du badminton moi et je me suis éclaté le genou au sol. On est des éclopés tous les deux.
-N'est-ce pas ? rit Chuck.
-J'aimerai te voir, vous voir tous en fait. C'était vraiment super pendant les vacances.
-Je suis d'accord. J'adorerai venir mais avec mon semestre qui vient de commencer, le prochain album.. ça va être difficile. Mais je vais voir ce que je peux faire.
-Je ne disais pas ça pour que tu traverses le pays.
-Tu ne l'as pas dit, mais tu le pensais.. n'est-ce pas ?
-Je..
Je soupirai.
-En fait, j'ai eu une discussion avec Brian et.. j'ai pensé à nous deux et..
-Oui ?
-C'est hyper gênant comme question.
-Ah. C'est la question. Oui, je me suis fait dépister et non, je ne t'ai rien transmis de dégueulasse. Juste un peu d'amour. C'est tout.
-Hum. C'est le moyen de dire que tu as réveillé la petite chose lubrique qui vivait au fond de moi ?
-Lubrique, je ne sais pas, mais.. oui j'ai réveillé quelque chose en toi. Je ne dirai pas ta féminité parce que tu as toujours été très féminine même avec un gros sweat et des baskets comme la première fois que je t'ai vu, mais... je crois que j'ai contribué à te révéler à toi-même.
-Oui, c'est vrai. Je suis d'accord. J'y repense parfois, tu sais ? Tu es un tel gentleman. Tu fais .. tu places l'autre avant toi. C'est juste.. grisant.
-Mon père m'a dit un jour quand j'ai eu l'âge d'avoir une copine que je devais toujours respecter l'autre et que.. je me souviens parce que j'étais hyper gêné à l'époque, il m'a dit que mon propre plaisir passerait dans le plaisir de l'autre. S'en suit une discussion que je ne répèterai jamais, mais en substance, il m'a dit que rien n'était plus beau que le visage d'une femme après l'orgasme.
-Tu m'étonnes le trauma..
-Ouais un peu. Surtout quand on connait mes parents.. enfin bref, et du coup, je dois t'avouer qu'il avait raison. Toi en l'occurrence, tu es.. magnifique. Tes yeux verts pétillent, ton visage se détend. Tu rayonnes de l'intérieur et cet éclat s'étend sur ton visage.
-Tu me fais rougir, arrête.
-Je te dis la vérité. Je crois que tu es faite pour être aimée. Y'a aucune honte à être une petite chose lubrique comme tu dis. Du moment que tu ne te mets pas en danger en couchant avec n'importe qui. Mais je sais que ce n'est pas le cas. Alors.. tu aimes ça ? Être une petite chose lubrique ?
-Ouais, je crois bien. En fait, je crois que c'est génétique chez moi. Je veux dire, je ne peux pas avoir un père et des oncles comme les miens sans que.. ça déteigne un peu. Enfin bref, je ne t'appelais pas pour parler de sexe en fait, juste pour avoir de tes nouvelles et aussi pour savoir si tout allait bien pour tout le monde.
-C'est le cas. Je crois qu'Owen s'est trouvé une copine.. ou un plan cul régulier. En tout cas, on le voit depuis quelques temps avec la même fille.
-Tu veux que je le cuisine ?
-Je ne peux pas te demander ça.
-Bien sûr que si, tu le peux. Pourquoi tu ne pourrais pas ? Je vais lui demander, tout de suite. Tu penses qu'il a son téléphone à proximité ?
-C'est Owen, il a même la sale habitude de toujours répondre au téléphone. Une fois j'ai entendu une meuf, donc.. oui, il va te répondre.
Je ne dis rien. Marc faisait la même chose.
-Je vais lui envoyer un message, ce sera plus simple, et puis on pourra continuer à parler comme ça.
Je pris mon ordi et lui envoyais un message sur son téléphone. Il paraît que tu as une copine ? Mon cœur est brisé.
-Tu sais, j'ai envie de me remettre au piano.
-C'est vrai ! s'exclama Chuck; C'est une super nouvelle ça !
-Est-ce tu connaîtrais un morceau pas forcément très difficile à jouer pour me remettre dans le bain.
-Dans la musique classique ou dans la musique contemporaine ?
-Peu importe.
-Hum. La Lettre à Élise.. il n'est pas dur ça va, je l'ai apprise à 5 ans. À la limite, filme-toi entrain de jouer et envoie moi la vidéo, je te dirai ce qui ne va pas..
-Okay, je vais avoir honte, mais je le ferai.. Oh attends, il m'a répondu. C'est juste un PCR.
En fait, il avait écrit : Je suis désolé de briser ton cœur Choupi, mais pas d'inquiétude, c'est juste un PCR. Tu veux de la glue ? mais ça, Chuck n'était pas censé le savoir.
-Je vais transmettre aux mecs, histoire qu'on ne l'invite pas pour.. ooh merde, tu sais, si tu veux venir un WE à new York, c'est bientôt l'anniversaire de Ray, il va avoir ses 18 ans et.. ça lui ferait plaisir de te voir, j'en suis certain.
-C'est quand ?
-La semaine prochaine.
-C'est mort, c'est l'anniversaire de Brian. Mon père ne me permettra jamais de venir. Attends.. le WE prochain ? Je pensais que c'était jeudi.
-Il ne peut pas faire de méga-fête jeudi. Il le fête en famille jeudi et avec nous le week-end, il sera déçu mais il va s'en remettre.
-Si je t'envoie un cadeau pour lui, tu lui donnerais éventuellement ?
-Évidemment, mais il faudrait que tu aies mon adresse ?
-Vu que je vais probablement venir dans ta ville en juillet.. moi qui pensais que tu pourrais m'héberger...
Il se tut. Je pouvais presque le voir, avec le souffle coupé.
-Je plaisantais pour l'hébergement. Mon père ne voudrait jamais mais je viens vraiment en juillet.. Après pour le cadeau de Ray.. je voulais juste lui envoyer une carte et un petit truc, je vais lui demander son adresse, je vais lui envoyer directement.
-Je suis entrain de taper mon adresse dans un mail, Sarah. C'est super sympa de lui faire un cadeau. Oui Papa ? Je n'avais pas que tu étais rentré en fait. Oui, j'arrive. Sarah, je suis..
-Oh mon Dieu, y'a ton père ? Tu peux lui dire que je suis fan ????
-Heu. Okay. Papa ! Mon amie veut que je te dise que c'est une fan de ton travail, elle voudrait savoir si tu fais un concert en juillet pour qu'elle puisse venir te voir quand elle viendra.
-J'ai pas dit çaaa !!!
-Tu comprends bien le français je suis fier. Mon père a dit qu'il me préviendrait mais que normalement, y'en a, évidemment.
-Ça veut dire que je vais au concert d'Howard Shore avec Ray et au concert de ton père avec toi ?
-Je serai honoré que tu sois ma cavalière. Vraiment. Mon père voulait que je l'aide à faire quelque chose, il faut que j'y aille, à moins que...
-Non, c'est bon. Je viens de recevoir ton mail. Merci Chuck.. et.. à plus tard.
-Je t'appelle avant de t'endormir si tu veux, pour te chanter une chanson.
-Tu es un ange, mais ça va aller. Merci pour m'avoir rassuré, m'avoir fait rire et tout ça.
-C'est un plaisir pour moi. Je t'embrasse.
-Je t'embrasse aussi.
Je vis la tête de Tom dans l'embrasure de ma porte.
-Tu as parlé en français à quelqu'un d'autre que moi. Je suis jaloux.
-Ne le sois pas. C'est toi le semi-français le plus beau que je connaisse.
-Encore heureux. Brian te fait dire que tu pourrais venir voir la cuisson de ton plat et on va bientôt manger, John et Maman ont fini de faire des papouilles.
-Je ne sais pas s'ils faisaient des papouilles, mais j'arrive. Tu peux me prendre mon gilet sur ma chaise, tu serais un amour.
-Oui bien sûr.
Je descendis les escaliers et Brian vérifiait la cuisson des lasagnes. Mon père débouchait une bouteille de vin blanc et Mary était assise sur le plan de travail. Je mis la table et je vis à l'air taquin qu'il allait faire une remarque alors que nous étions entrain de manger.
-Hein John que Maman et toi vous faisiez des papouilles en haut ? Sarah ne veut pas me croire !
-On ne faisait pas des papouilles Tom, on parlait de choses de grandes personnes.
-Hum. En fait, John, comment on fait les bébés pour de vrai ? Je ne parle pas de la cigogne. Je veux dire médicalement parlant. On fait comment.
-Oh un homme, une femme, 15 minutes dans le meilleur des cas, 2 dans le pire des cas et voilà.
Mary faillit faire une crise cardiaque. Je le vis dans ses yeux. Mon père allait se faire taper.
-Oui mais qu'est-ce que tu fais pendant les deux minutes ?
-Alors..
-Je ne crois pas que ce soit le genre de sujet qui.. commença Mary.
-Et bien, les hommes et les femmes s'aiment passionnément.. Tu vois l'amour peut avoir différentes formes.
-Il y a des gens qui ont des bébés sans s'aimer.
-Mais ils se sont aimés pendant un court moment. Peut-être pas toute leur vie.
-En fait, tu es entrain de me dire qu'il faut faire l'amour pour faire des bébés.
-Voilà.
-Je suis pas convaincu. Parce que Maman et toi, vous avez pas encore fait de bébés. Et puis, c'est pas très médical tout ça. T'es sûr d'être un vrai médecin ?
-Tu as raison. Parlons d'homme à homme. Tu as bien compris que les hommes et les femmes sont différents. On ne se ressemble pas, et on fonctionne différemment. Les femmes produisent, à l'intérieur d'elles, ce qu'on appelle des ovules. Ce sont.. Sarah, sweetie, tu peux chopper mon téléphone ? Merci mon ange. Regarde, je vais te le dessiner. Voilà, ça c'est un ovule. C'est comme un œuf. Et ça, c'est..
Mon père était entrain de faire un cours d'éducation sexuel à un gosse de 9 ans à table. Ma famille était folle. Mary était abasourdie et agacée. Brian était hilare.
-Donc si j'ai bien compris, c'est pas une cigogne, c'est plus.. un marathon mortel et y'a un seul vainqueur et deux si y'a des jumeaux quoi. En mode.. droit au but.
Brian cracha l'eau qu'il était entrain de boire. Droit au but. Mon père commença à rire.
-Tu te crois à Marseille ou bien ? demanda Brian en essayant de se calmer.
Tom fronça les sourcils et il demanda à sa mère de lui expliquer.
-C'est en foot, je crois. C'est la devise du club, c'est ça, Brian ? Droit au but.
-Ouais c'est ça. Tom, est-ce que je peux tweeter ta phrase, vieux ?
-Oui, mais tu écris que c'est de moi stoplait.
-Évidemment.
Je levai les yeux au ciel. Ils étaient pas possible quand ils étaient tous les trois avec mon père.
-Bon, parlons sérieusement. Vendredi c'est mon anniversaire, mais comme John bosse, ce serait con de faire un truc ce jour là, sans lui.. aussi je propose qu'on se la joue tranquille.
-Tranquille comment ? demandai-je.
-Bah, on a pas besoin de faire un truc particulier. Je veux dire. On aura qu'à le fêter plus tard.
-Quelle abnégation ! le raillai-je.
-Non c'est de la logique; Je ne vois pas pourquoi je fêterai mon anniversaire sans mon beau-père donc.. excusez-moi.
Son téléphone venait de sonner. Il se leva de table pour répondre.
-Brian, tu sais ce que je pense des téléphones à table.
Il lui fit signe de se taire. Il avait un visage grave.
-Non. Maman n'est pas au téléphone avec lui. Maman ? Tu as eu des nouvelles de Martin ? Natalia est paniquée. Elle ne sait pas où il est et elle n'arrive pas à le joindre.
-Passe-la moi. John ?
Mon père se leva de table avec son téléphone et il appela Martin visiblement, mais ça ne répondait pas. Les yeux de Mary brillèrent d'inquiétude.
-Je vais demander à Jay de localiser son téléphone. Maman, rends moi mon téléphone, il faut que..
-J'ai le numéro de Jay. Tiens.
Brian me fusilla du regard.
-Pourquoi tu as le numéro de mon pote ?
-Il me l'a donné au Texas, au cas où. Me regarde pas comme ça. Tiens.
-Merci Sarah.
Il monta les escaliers et il réapparut une dizaine de minutes plus tard. Il reprit son téléphone.
-Natalia. Arrête de pleurer, s'il-te-plaît. Son portable est en mouvement dans le quartier juste à côté de chez vous. Je pense qu'il l'a mis sur silencieux et il a oublié de le remettre. Il va rentrer. Mais oui, je te le jure. Tu..
Il éloigna son téléphone de son oreille et il raccrocha.
-Apparemment il vient de rentrer. Il va se faire défoncer le pauvre.
-J'espère bien. Je vais lui envoyer un message. Il va pas le voir venir ce con.. cornichon, reprit-elle en voyant Tom ouvrir grands les yeux.
-Tu as dit un gros mot.
-Non.
-Si tu as dit un gros mot, tu dois mettre de l'argent dans le pot à gros mots.
-Quel pot à gros mots ? demanda sa mère en levant un sourcil.
-Celui que je viens d'inventer, d'instaurer, ajouta-t-il dans sa seconde langue maternelle. Plus de gros mots dans cette maison.
-Je suis d'accord avec Tom. Raboule la monnaie Mary.
Mon père prit un vase vide et il se mit à rire en le posant devant sa femme. Tom lui indiqua qu'elle devait mettre 1$ dedans parce qu'elle avait dit un petit gros mot et que plus le mot était grand et malhonnête, il fallait donner plus.
-Mais qui t'a donné l'idée de faire un truc pareil.
-Brian. À chaque fois que Sarah disait un gros mot, il lui demandait 5$.
Brian fusilla son frère du regard et moi je me tapai la tête avec ma main.
-Oui, j'ai fait ça, j'avoue, et maintenant elle ne dit plus de gros mots.
-D'ailleurs en parlant de ça Papa, je n'ai plus d'argent.
-Tu n'avais qu'à pas dire de gros mots, répliqua mon père.
-Je ne parlais pas de la cagnotte argent de poche, je parlai de la cagnotte argent personnel de mon compte. Tu sais.. le chèque de Grand-Mère, tu m'avais dit que tu retirerais de l'argent dessus pour que je me fasse un cadeau et tu l'as pas fait donc..
-Hum. Oui, j'irai te retirer ça demain.
-Merci. Je ferai un cadeau à Brian avec.. sauf si tu me donnes de l'argent de poche en plus..
-N'exagère pas. Tom.. va te laver les dents et au liiiit.
-Tu peux.. venir me lire une histoire ? Je sais que j'ai passé l'âge, mais tu m'avais dit qu'on lirait les trois mousquetaires ensemble, alors..
-J'arrive mon garçon.
Tom nous embrassa et fila se coucher. Je me mis en pyjama et je me blottis dans ma couverture polaire avec mon ordinateur sur les genoux. Brian frappa et entra dans ma chambre.
-Salut, ça te dit de regarder Le labyrinthe avec moi ?
-Dans le salon ou ici ?
-Je crois que les parents sont entrain de se tripoter dans le salon, je les aime bien, mais pas à ce point là.
-Tu m'étonnes. Tu t'occupes de lancer le film ? Je vais aller me faire une tisane.
Est-ce que je m'attendais à cette gentillesse de la part de Brian ? Certainement pas, mais je la comprenais. Il ne voulait pas rester seul avec ses souvenirs. Ça avait dû être affreux, de voir son ami, inerte, de voir son cadavre, alors qu'il riait et respirait quelques jours plus tôt. J'observai Brian alors qu'il regardait le film, enroulé dans ma seconde couverture polaire. Il n'était pas comme d'habitude. Non. Vraiment pas. Il avait l'air plus jeune, comme si sa carapace venait de se fissurer légèrement. Il avait beaucoup souffert pour quelqu'un d'aussi jeune, mine de rien. Quand il me disait qu'il savait ce que c'était une vie pourrie, j'avais l'impression qu'il ne m'avait pas menti. Moi qui pensais le connaître. Visiblement, j'avais beaucoup à apprendre de lui encore.
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