Prologue : Ma vie, cet enfer
Je n'aurais jamais cru que je dirais cela un jour mais je haïssais mon père. Pourquoi ? Parce qu'il s'était remarié. Le problème dans un remariage, c'est clairement la belle-famille. Ce n'est pas que je détestais sa nouvelle femme Mary mais je détestais ses enfants. 2 garçons. Le dernier avait 8 ans et l'aîné avait exactement mon âge, 16 ans. Et c'était un imbécile de première.
Je n'aurais jamais cru que ma vie se passerait comme ça. J'avais toujours été bien avec mon père. Il était doux, il ne levait jamais la voix, il était un brillant chirurgien. Mais eux.. ce n'était pas des humains. Ce n'était pas possible. Ils étaient sales, ils rotaient, se grattaient à tout va et mettaient leur pieds sur la table du salon et ils criaient. Ils se lançaient de la nourriture à table. Je ne les supportais plus. Surtout Brian qui avait mon âge.
Ils n'avaient pas emménagé avec nous avant le mariage mais maintenant, ça faisait deux semaines qu'ils étaient là et j'avais juste envie de me tirer une balle dans la tête. Sophie, ma meilleure amie me disait que ça allait passer, mais c'était en partie parce qu'elle craquait pour Brian. Comme à peu près toutes mes copines. Comme un malheur ne vient jamais seul, il a fallu que cet imbécile change de lycée et atterrisse dans le mien. Et qu'il devienne populaire dans mon lycée. L'archétype du mec cool. Je le haïssais. Parce que ça faisait 2 ans que j'y étais et que j'étais invisible, lui ça faisait 2 mois et il était déjà invité à toutes les fêtes.
-Sarah ? Viens prendre ton petit déjeuner !
Je saisis mon sac de cours et je dévalai les escaliers. La vision de Brian assis à la table de ma cuisine me donnait des envies de meurtre. Je m'assis aussi loin que possible de lui et remerciai ma belle-mère pour l'assiette de pancakes qu'elle m'avait préparée.
-Ne m'attendez pas pour manger ce soir Maman, je dois aller chez un pote, il fait une fête.
-Tu es invité à une fête ? hallucinai-je en versant le sirop d'érable sur ma pile de pancakes.
-Je ne sais pas ce que tu veux dire par là.. Jalousie peut-être ?
Brian me regardait avec dédain. On se détestait. Il était un concentré de tout ce que j'exécrais le plus. Mais on était obligé de vivre ensemble. Je relevai le menton et le toisai.
-Jalouse de ne pas avoir envie d'aller à la fête de Paul Mcdust ? Absolument pas.
-Non jalouse de ne pas être invité à sa fête et ne dis pas que c'est par une volonté de rebelle que tu n'y vas pas alors que tu n'es juste pas invitée, susurra-t-il à mon oreille. Et tu ne devrais pas mettre autant de sirop d'érable, c'est pas bon pour tes hanches, viens pas te plaindre de ne pas avoir de copain après.
-Brian ! s'exclama sa mère en fronçant des sourcils.
Je relevai la bouteille et regardai le désastre. Mes pancakes flottaient dans le liquide ambré. Mais ce n'était rien comparé à ce qu'il venait de me dire. Furieuse, je lui tirai la langue et quittai la cuisine. Si j'avais pu, je lui aurais lancé mon sac à la figure à cet arrogant personnage ! Je le haïssais. J'allais directement chez Sophie qui avait eu une voiture flambante neuve pour ses 16 ans. Nous allions toujours au lycée ensemble. Je connaissais Sophie depuis la maternelle, depuis le jour où elle avait partagé ses Rice Krispies avec moi. Nous étions devenues inséparables.
-Il faut qu'on aille à la fête de ce soir Sarah, me dit elle alors que je m'installais dans sa voiture métallisée.
-C'est hors de question.
-Tu ne comprends pas.. j'ai cru comprendre que Marc serait là.
Je tombais des nues. Et le sourire de ma meilleure amie s'élargit.
-Marc ? Mon Marc ?
-Oui. Ton Marc. Je te le jure c'est un truc de fou.
Marc était le frère aîné de Paul McDust. Et il était tellement beau que ce n'était pas humain. Il avait quitté le lycée l'an dernier et j'étais amoureuse de lui depuis.. toujours. Il m'avait fait craquer au cours préparatoire. Il était mon âme sœur, malheureusement, il était le seul à ne pas le savoir. Il était parti à l'université de Stanford et il serait là ce soir ? Mon cœur se mit à battre encore plus vite si c'était possible.
-Il faut qu'on y aille, répondis-je. C'est une nécessité. Enfin non, on ne peut pas y aller..
-Pourquoi ? s'exclama Sophie en tournant sa tête blonde vers moi.
-Brian. Je lui ai dit que je ne voulais pas y aller. Donc je ne dois pas y aller. Si tu pouvais regarder la route, je serais rassurée.
Sophie leva le sourcil et se re-concentra sur la route.
-Dis, quand vas-tu arrêter de faire ta vie en fonction de ton frère ?
-Quasi-frère. Et tu sais quoi ? Tu as raison. Ce soir, on va chez les McDust. Et on fait la bringue toute la nuit..
-Fête. On devait dire bringue au temps de nos.. grands-parents. Et encore..
Je la tapai pour la forme mais elle avait raison. Je devais faire ma propre vie indépendamment de celle de mon quasi-frère. Nous nous arrêtâmes dans le Starbucks le plus proche. C'était notre rituel du matin et comme ce matin mon petit déjeuner du matin avait été gâché à cause de cet imbécile de Brian, un bon Caramel Macchiato ne me ferait pas de mal. Le lycée n'était qu'à deux pâtés de maison. Devant la porte, je soupirais. Et encore une journée de folie ! La seule chose qui réussit à me faire tenir le coup était que ce soir, j'allais voir Marc.
-Sarah ! Elle te regarde ! marmonna Sophie.
J'étais en cours d'algèbre et je regardais dehors au lieu de faire mon exercice. Je jetai un coup d'œil à ma meilleure amie juste à côté de moi qui flottait dans son pull bleu délavé oversize. Elle baissait les yeux pour ne pas rigoler. La prof me fixait d'un air torve.
-Mlle McAllister. Puisque que vous semblez avoir terminé votre exercice, vous pouvez venir au tableau pour le résoudre ?
Je haïssais cette prof aussi. Elle était sévère et portait toujours un tailleur très stricte qui dévoilait de longues jambes. Les garçons se mettaient tous au premier rang. Et elle m'avait prise en grippe depuis le début de l'année. Je regardais ma feuille qui était blanche. J'étais certaine qu'elle savait que je n'avais rien. Elle faisait ça pour m'humilier. Sophie me fit un regard d'intelligence et plaça son sac dans l'allée pour que je me prenne les pieds dedans, me rattrape sur sa table, fasse tomber ses feuilles et prenne son exercice. Du moins, j'imaginais que c'était ça. Je le fis, ce qui déclencha une vague de rire dans la salle de cours quand j'agitai les bras en l'air comme des moulinets.
-N'en fais pas trop quand même, marmonna Sophie entre ses dents.
Je me redressai un peu rouge et j'allai au tableau. Remerciant Sophie d'être excellente en algèbre. Je résolus le problème et retournais à ma place. La prof pinça des lèvres et ne me félicita même pas. C'était une garce.
La matinée se passa relativement bien et l'heure du déjeuner arriva. J'étais bien contente d'être avec Sophie. Je n'aurais pas pu supporter l'humiliation d'être seule. Il faut que je révèle une chose capitale sur mon lycée. Il y a des castes. En gros, il y a le groupe des performers, le groupe des nerds/geek/matheux, le groupe des hippies/fumeurs de shit/skateboardeurs, et les autres.. dont Sophie et moi. Nous avions notre table. Près d'une vitre, loin des frimeurs et surtout loin de mon abruti de quasi-frère qui avait réussi à s'infiltrer auprès des performers en un temps record.
Mais malheureusement pour moi, le premier cours de l'après-midi était sport. C'était une atrocité à l'échelle lycéenne. Presque un génocide. Je n'étais pas sportive. Enfin, j'allais courir mais c'était bien tout ce que je faisais. Je détestais les sports d'équipe et pour ce semestre, on faisait du volleyball. Et au comble de ma malchance, une partie des filles de l'équipe féminine de volley était avec moi, dans ma classe. J'allais probablement mourir. Sophie ne semblait pas si catastrophé que ça. Elle aimait bien le volley et se débrouillait du mieux qu'elle pouvait. C'est à dire cent fois mieux que moi. J'étais nulle. Et quand Cindy, la volleyeuse, smasha et que le ballon arriva droit sur mon nez, je sus que j'étais finie. Je repris connaissance quelques secondes plus tard avec un horrible mal de crâne.
-Verdict ? lâchais-je à Sophie qui avait couru vers moi.
-Tu n'auras pas de séquelles, juste la joue un peu rouge. Rien qu'on ne pourra pas enlever avec une bonne dose de fond de teint.
Génial. J'allais ressembler à un pot de peinture pour ma rencontre avec Marc. Marc.. Je fermai les yeux et je le vis, avec ses grands yeux verts me regarder d'un air amoureux. Il fallait que je tienne le coup, Parce que ce soir, mon âme sœur allait me voir et il tomberait instantanément follement et désespérément amoureux de moi.
En rentrant, j'annonçais à ma belle-mère que je sortais et elle était tout simplement ravie pour moi. Un peu comme si elle revivait sa jeunesse à travers moi.
-Tu veux qu'on aille faire les boutiques ensemble ?
Elle semblait vraiment enthousiaste. Tant et si bien qu'elle faillit en lâcher la plaque de cookies qu'elle était entrain de faire.
-Je comptais faire avec ce que j'ai.
-Ok. tu peux aller voir dans mon dressing si tu veux quelque chose. Sers toi. Et si tu as besoin de moi je suis là, n'hésite pas.
Je venais de casser un peu son délire et je m'en voulais mais je n'aimais pas qu'elle se prenne pour ma mère sous prétexte qu'elle avait épousé mon père. Seulement, 1 heure après, je me rendis à l'évidence, je n'avais rien à me mettre.
Ce soir était mon soir. Peut-être l'une des seules chances que j'aurais pour que Marc me remarque enfin. Je devais être parfaite. Et ce n'était pas avec mes sous-vêtements que je risquais de l'être. Tous mes soutien-gorges potables étaient à laver et il ne me restait plus qu'une vieille brassière en coton blanc que je portais pour aller courir. Je me regardais dans ma psyché. Au moins elle était assortie à ma culotte. Ça devrait faire l'affaire. Je pinçais un coin de ma bouche. J'avais encore grossi. C'était certain. J'avais mis mon casque sur mes oreilles pour me couper du monde. C'était une vieille chanson de Hoobastank. Je fermai les yeux en me trémoussant et quand je les rouvris, je vis Brian. Dans ma chambre et le fond de sa gorge. Il riait à en pleurer.
-DÉÉÉÉÉÉGAAAAAAAAAAGE ! hurlais-je.
-Trop sexy vraiment. C'est quoi comme nouvelle lingerie ? Petit Bateau Style ?
Je saisis l'une de mes chaussures et je lui jetai à la figure pour qu'il s'en aille. Il ne se fit pas prier mais avant il prit une photo avec son téléphone.
-Pour la postérité, dit-il alors que j'avais saisi une autre chaussure pour le faire partir.
En un instant, les conséquences du flash que je venais de recevoir dans les yeux m'apparurent : une photo envoyée à tous les contacts, qui finirait sur Facebook, sur Twitter, sur Instagram. Je serais pour toujours la vieille folle agitant des chaussures et à la lingerie douteuse. Je ne pouvais pas laisser cela se faire. J'étais invisible au lycée mais je préférais ça au fait d'être reconnu comme une tarée.
-Connard !! Reviens tout de suite.
Il se mit à courir dans le couloir et il sauta dans les escaliers. Je le poursuivis en lui hurlant qu'il me le paierait amèrement. Je ne m'attendais juste pas à ce que les amies du club de lecture de sa mère soient toutes là. Dans le salon, à manger des gâteaux et à boire du thé, alors que moi, j'étais en sous-vêtements de bébé. Il était juste derrière sa mère avec un grand sourire sur les lèvres. Je devins rouge prune et je bondis hors de la pièce. Je voulais mourir. D'autant plus, que j'entendais des rires venir de la pièce que je venais de quitter.
Ma vie était devenue un enfer. J'étais devenue la risée du club de lecture de Mary, demain je serais celle du lycée parce qu'il était certain que Brian allait envoyer la photo à tout le monde, et je n'avais rien à me mettre pour ce soir. Rien du tout.
Ma vie était devenue un enfer et tout était de la faute de mon quasi-frère.
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