Un parfum de divinité
-Sarah.. tu veux qu'on sorte ensemble un de ses quatre ? me demanda Marc alors qu'il s'asseyait près de moi à la balançoire du parc municipal.
-Oui.
Il glissa sa main sur mon cou et m'attira à lui. J'aimais tout chez lui. Son parfum, sa douceur. Il était parfait...
Une douleur dans l'abdomen me réveilla brusquement. C'était Tom, le fils de Mary qui sautait sur mon lit pour me réveiller. Ma mâchoire se contracta et j'essayai de l'attraper pour lui faire regretter de m'avoir réveillée à 9h30 un dimanche matin. Je n'avais pas compté sur son agilité et je tombai la tête la première de mon lit. Je n'étais pas complètement remise de la pseudo cuite du vendredi soir et j'avais besoin de sommeil. Mon cycle de sommeil était désormais foutu. Je détestais ce gosse. Je me levais et tout le monde était déjà debout et lavé.
-Je peux savoir ce qu'il se passe ?
-C'est bientôt l'heure de l'office, dit Mary en se resservant de thé.
Avais-je précisé que Mary était pratiquante et que depuis son mariage, il fallait aller à l'office tous les dimanches ? Mon père me jeta un regard compatissant. Nous n'étions pas spécialement pratiquant avant cela et si nous allions à l'église, c'était uniquement pour les grandes fêtes ou quand Grand-Mère débarquait. Je levai le sourcil.
-Et il est où Brian ?
-Il est souffrant, alors je ne pense pas qu'il va nous accompagner.
Ben voyons...monsieur avait dû faire ce qu'il faisait toujours c'est à dire, faire semblant d'être malade.
-Je suis sûre que de l'eau bénite lui ferait le plus grand bien pourtant. Et une bonne vieille hostie ! Rien de mieux que le corps du..
Mon père me fit signe d'arrêter et quand Mary se retourna vers lui, il lui adressa un sourire innocent.
-Va te laver et reviens prendre ton petit déjeuner Sarah.
-Yes my lord.
Je tournai les talons mais si Brian pensait qu'il allait s'en tirer comme ça, il se trompait. J'allai directement dans sa chambre. L'odeur qui en parvint me fit plisser le nez. Depuis la lumière qui transparaissait des volets et celle du couloir, on pouvait voir que sa chambre n'en était plus une. On aurait dit un grand capharnaüm. J'entendais le filet de sa respiration vers son lit. Monsieur dormait profondément ? Pas pour longtemps. Un sourire sadique s'étala sur mon visage.
Je refermai doucement la porte de sa chambre. Tout devait être parfait. J'allai dans la mienne et me rendis directement dans ma salle de bain. J'attrapai une bassine d'eau et je la remplis. Je ne voyais pas pourquoi ma vie devrait être un enfer et pas la sienne. Je me rendis dans sa chambre et je vis son petit frère en face de moi alors que j'avais la bassine à la main. Il ouvrit grand les yeux et son sourire était tellement grand qu'il pouvait joindre ses deux oreilles. Je lui fis signe d'ouvrir la porte. Il ne se fit pas prier mais avant il courut vers sa chambre et je le vis revenir avec une trompette. Mon sourire sadique était revenu, je le savais. Nous rentrâmes tous les deux dans la chambre de Brian et je commençai le décompte avec mes doigts. Tom souffla un grand coup dans sa trompette, Brian bondit de son lit et il se prit une giclée d'eau en pleine tête.
-C'est l'heure de l'office, dis-je d'un ton péremptoire.
Il rugit et je crus qu'il allait me tuer. Tom s'était déjà enfui et je ne tardais pas à faire de même. Il me hurla dessus et je dévalai les escaliers. Jusqu'à ce que je me reçoive un oreiller derrière la tête ce qui me fit louper la dernière marche. Je m'éclatais au sol et je sentis bientôt quelqu'un me saisir par les pieds.
-PAAAAAAAPAAAAAAAAA ! hurlais-je.
Brian commençait à me faire ce que je pensais être une prise de catch au bas des escaliers et personne ne venait à mon secours. Où était mon père ? Venait-il de m'abandonner ? Je commençais à me débattre et je sentis quelque chose de dur sous mon pied.
-Espèce de débile tu viens de me péter le nez !
Il n'y avait plus de pression sur moi, Brian s'était décalé sur le côté et il se tenait le nez. Je vis un filet de sang couler entre ses doigts. Ses yeux me fusillaient du regard. Il allait me frapper, je le voyais dans ses yeux. Il m'attrapa par les épaules et m'agita sa main ensanglantée sous le nez. Il avait l'air tellement ridicule avec ses cheveux détrempés et son nez qui saignait.
-C'est ça que tu veux ? Du sang ?
Il me l'étala sur la tête et sur le visage. C'était immonde. J'avais envie de vomir. Je criai. Je commençai à me débattre et à essayer de me dégager mais j'étais prise au piège. Alors j'attaquai avec le semblant d'ongle que j'avais et je lui tirai les cheveux. La porte d'entrée s'ouvrit à ce moment là, alors qu'il me tenait et que j'essayais de partir, en vain. Nos parents respectifs nous regardèrent comme si le Ciel venait de leur tomber sur la tête. Ils devaient sûrement se demander pourquoi ils avaient eu de tels enfants.
-Brian ! Lâche ta sœur immédiatement !
-Sarah ! Lâche ton frère immédiatement !
Ils avaient parlé en même temps, comme s'ils avaient répété cette phrase dans leur intimité pour qu'elle soit parfaite le jour où ils allaient nous la sortir.
-C'est pas mon frère ! m'exclamais-je.
-Et c'est clairement pas ma sœur, elle est complètement folle, elle m'a pété le nez.
-Tu sembles pouvoir parler tout à fait normalement pourtant, rétorqua sa mère sèchement. Et tu ne sembles plus du tout malade. Je suis sûre que tu seras prêt pour aller à l'office ce matin.
Je le narguai alors que son visage se décomposait. Le seul problème ? Mon père avait remarqué mon petit manège.
-Et ne t'avise pas de le narguer, mademoiselle, gronda mon père, parce que tu es consignée jusqu'à nouvel ordre. Je ne t'ai pas élevé dans la violence.
-Ça me dispense d'église ? essayais-je pour voir si il y avait une faille dans le processus.
-Sûrement pas. Et vu que tu viens de taper sur ton quasi-frère, tu as plein de choses à te faire pardonner. Maintenant dépêchez-vous. Brian, une minute, je vais regarder ton nez.
J'étais dégoûtée. Je me faisais clairement attaquer et mon père, lui ne disait rien. Je me levai et essayai de prendre le peu de dignité qu'il me restait pour partir, sauf qu'en loupant une marche, ma dignité a été réduite à néant. J'allais me venger de ce manque de considération.
-Bon tu viens petit bateau ? Tu viens de gâcher ma matinée alors tu te magnes !
Brian passa sa tête dans ma chambre. J'étais assise sur mon lit à mettre mes chaussures.
-Tu comptes aller à l'office habillée comme ça ?
Il ouvrit la porte en grand. Lui avait mis une veste de costume et une cravate. Moi, j'étais avec mes converses roses et mon jean troué, le seul un peu fashion de ma garde de robe. Et j'avais un T-shirt WWE que mon père m'avait ramenée un jour où il avait été au catch avec ses collègues après une opération de 14h.
-Pourquoi ? Ce n'est pas assez cool pour toi ? Je te permets pas de me donner des conseils sur ma façon de m'habiller.
-Toujours cette agressivité sous-jacente Petit Bateau ! J'allais te dire que bien au contraire, c'est plutôt cool pour le lycée et que tu ferais mieux de t'habiller comme ça au lieu de mettre tes fringues de petites filles modèles ennuyantes et ennuyeuses.
Brian ou comment vous faire un compliment et une insulte en quelques mots. Je fronçais des sourcils alors qu'il poursuivait son monologue.
-Mais pour l'église c'est carrément pas adapté, continuait-il. Mais pas du tout.
-Je porte ce que je veux, quand je veux. Et tu n'as rien à me dire.
Je me levai, passai devant lui et je pouvais sentir son regard dans mon dos. J'entendis rapidement son pas me suivre dans les escaliers.
-Hum chérie ?
-Je n'irais pas me changer.
-D'accord. Tu es sûre que...
-Je n'irais pas me changer.
Mon père me fit un clin d'œil et me dit à voix basse qu'il se dégageait de toute responsabilité.
-Tu auras qu'à faire croire que je suis pas ta fille. Je me mettrai dans le fond et tu auras la parfaite petite famille bien habillée.
-Sarah. Un jean troué pour l'église ? Pas question. Va mettre une jupe, un autre pantalon mais pas de jean troué.
Mary venait de parler mais je ne pouvais pas me résoudre à perdre sur ce domaine alors que Brian était à côté.
-Il est troué de manière fashion et si quelqu'un le remarque, tu n'auras qu'à dire que je fais une crise d'ado. J'y vais comme ça.
-Et si je refuse ?
-Papa n'a pas refusé lui. Oh en fait, il a perdu la voix au chapitre sur mes vêtements, le jour où ma mère lui a dit qu'il n'avait pas de goût en matière d'habits pour filles. J'avais 8 ans.
-Elle a raison. Nous allons être en retard. Chérie, aie l'air au moins pieuse dès que nous arriverons du côté du presbytère. Vous venez ?
Je pris le bras de mon père et il me confia à mi-mot que j'avais un peu abusé. Et quand j'arrivai sur le parvis de l'église et que je vis les gens me regarder comme si j'étais une extra-terrestre... je regrettai ma pseudo rébellion tout à coup. Mais pas quand je vis des filles qui étaient avec moi au lycée et qui étaient de vraies garces. Je relevai la tête et passai devant elle sans leur jeter un regard. Je me plaçai au dernier rang et mon père me fit un clin d'œil. Avant son mariage, c'était le banc où on allait, mais plus maintenant. J'étais toute seule et je voyais toutes les familles bien pensantes passer devant moi. J'eus la surprise de voir Brian se glisser juste à côté de moi.
-Ma mère veut que je te surveille pour ne pas que tu fasses d'esclandre en fait.
-Tu veux juste partir plus discrètement quand tu commenceras à piquer du nez.
-Tu es peut-être pas aussi débile que ça Petit Bateau.
-Arrête de m'appeler comme ça.
J'étais furieuse contre lui. Je détournai la tête alors que l'office commençait. C'est alors qu'un parfum musqué me prit à la gorge. Je tournais les yeux et il y avait Marc. Mon Marc. Il avait ouvert son livre de messe et il chantait, d'une voix grave, d'un ton juste. C'était un bonheur de l'écouter. Il vit que je le fixais. Il m'adressa un sourire et serra la main de Brian.
-Cool le T-shirt, me lança-t-il à l'oreille à la fin du chant et alors que la première lecture commençait.
-Merci. Qu'est-ce que tu.. vous faites là ?
Je venais juste de voir Paul à côté de son frère qui avait pris place à côté de moi. Paul fit le tour du banc pour se mettre juste à côté de Brian. Marc regardait devant lui, le visage serein alors que moi, je ne pouvais m'empêcher de l'observer à la dérobée. Il avait des traits d'une perfection qui frôlait le divin. Il avait gardé une barbe légère et je mourrais d'envie de lui passer les doigts dessus. Il se mit à sourire et il se pencha vers moi.
-Tu crois qu'il couche avec la dame qui est entrain de lire ?
Je me concentrais sur la tête que faisait le pasteur. Il semblait plus attirée par la femme qui parlait que par le texte.
-Je crois que c'est sa femme en fait.
Marc semblait satisfait de l'explication. Du moins, c'est ce que m'apprit son petit sourire satisfait. il posa sa main sur la mienne et croisa ses doigts avec les miens. Mon cœur se mit à battre de plus en plus vite. Comment faisait-il pour rester aussi stoïque alors que moi je ne pouvais pas ? Peut-être que son cœur était aussi agité que le mien. Il ne pouvait pas ne pas me sentir frissonner. Quand il fallut se lever, il me lâcha la main et.. j'eus froid. Sérieusement. C'était comme si on m'avait arrachée ma couverture polaire en plein hiver. Puis, une fois assis, il reposa sa main moi, sur ma cuisse et il commença à taper du doigt dessus. Je ne savais pas exactement ce que je devais faire. Est-ce que je pouvais faire la même chose ? Ou toucher la cuisse de ce garçon que je considérais comme un Dieu relèverait du blasphème ? Je ne voulais pas le faire fuir. Mais en même temps, pouvait-il fuir dans une église bondée sans se faire remarquer ?
Je passai ma main sur sa cuisse et lui fis un message en code morse. C'était SOS. Un basique en réalité. Je voulais savoir s'il comprendrait. Je le vis retenir un fou rire. De toute évidence, il comprenait. Il posa sa main sur la mienne et il croisa encore nos doigts. Sauf que là, il garda ma main dans la sienne, si douce, si chaude. Il me donnait la main. Dans une église bondée alors que nous étions dans le fond. J'aurais aimé que Sophie soit là pour le voir. J'aurais aimé lâcher un cri de joie pour que tout le monde se retourne et nous voit. Juste après la communion, alors que nous étions debout, il escalada le banc et me fit signe de le suivre. Je fis la même chose sous le regard éberlué de son frère.
Nous étions enfin dehors, libre comme l'air. Je ne regrettais pas d'être venue ce matin. Sinon je ne l'aurais pas vu. Il faisait beau dehors, les oiseaux chantaient.
-Alors ?
Marc sortit une feuille à cigarette et j'étais certaine que ce qu'il mettait dedans était tout sauf du tabac.
-Je ne savais pas que tu fréquentais cette église.
-Je ne la fréquente pas. Mais ma belle-mère si. Je m'étonne de te voir par contre.
J'étais éberluée par mon audace. Je ne savais pas d'où me venait ce bagou digne des plus grandes garces de mon lycée.
-Mes parents m'ont quelque peu forcé. Enfin bref, tu en veux.
-Je ne fume pas. Mais ne te gêne pas pour moi.
Il allait allumer son joint mais il arrêta à la dernière minute. Et le rangea. C'était mignon.
-Bah.. j'ai pas trop le choix en fait.
-On a toujours le choix dans la vie, et puis tu as le temps, je pense pas que tu mettes plus de 5 minutes à fu..
Il s'était approché de moi et il venait de glisser sa langue dans ma bouche. Il n'était pas saoul. Je n'étais pas saoule. Mes lèvres s'étirèrent en un large sourire.
-Les non-fumeurs ont horreur de l'haleine des fumeurs, me glissa-t-il.
-Tais-toi et continue.
Je n'en revenais pas de dire ça tout en l'attirant à moi. Il me plaqua contre le mur. Son parfum était absolument divin. C'était un peu comme.. goûter une part du fruit du jardin d'Eden. Je sentais ses bras autour de moi. Heureusement qu'il me tenait en réalité parce que mes jambes commençaient à flageller. Il voulait s'écarter mais je le retins.
-Ne me lâche pas.
-C'est moi qui ne devrait pas te lâcher. Tu es ma Spiderwoman, ne l'oublions pas.
Je ne voulais pas l'oublier. Et je ne voulais pas qu'il l'oublie non plus. Il finit néanmoins par se détacher de moi et me dit de rentrer dans l'église avant que mes parents ne remarquent ma disparition. Je m'y glissai discrètement et retournai auprès de Brian. Il me regardait bizarrement mais je n'en avais que faire. J'étais heureuse. Mon sourire barrait mon visage et quand Mary passa devant moi, elle a vraiment dû penser que j'étais contente d'avoir assisté à l'office. Alors que moi.. j'étais juste emporté par ce parfum de divinité que je pouvais sentir dans l'air et qui venait du corps et des lèvres de Marc McDust.
Annotations