Chapitre 4
Lorsque la porte d’entrée se referme, maman m’interpelle immédiatement :
- Qu’as dit le médecin ?
J’essaie de reprendre contenance et lui raconte que mes nausées sont dues au stress et qu’elle souhaite me revoir la semaine prochaine s'il ne diminue pas de même que si j'en ressens le besoin. Elle m’embrasse sur le front et me dit qu’il ne faut pas que j’hésite à lui parler. Elle me conseille alors de prendre une journée pour me reposer et prendre soin de moi.
J’aperçois Dylan dans la cuisine et la réalité me tombe dessus. J’hésite à lui en parler de peur qu’il ne refuse de l’entendre. Il s’aperçoit que je fais une drôle de tête et toque doucement à la porte de ma chambre, un verre d’eau à la main.
- Tiens, je t’ai apporté ça. Tu vas mieux ?
Je hoche doucement la tête et lui propose de s’asseoir. Il vient se poser en face de moi.
- Je n’ai pas de nausées liées au stress. Il y a autre chose. Mais avant de te le dire, j’aimerais que tu me promettes de rester ici et calme.
Il fronce les sourcils;
- Eh bien, il semblerait que nous nous soyions mal protégés lorsque tu... lorsqu'on...
Il me prend les mains et m'encourage du regard.
- Lorsque tu m’as fait perdre ma virginité. Je suis enceinte…
Le temps s'arrête pour moi. A travers ses yeux, je vois ce même tourbillon d'émotions que j'ai ressenti chez le médecin. Je vois qu'il perd pied, que le doute s'installe et que la peur monte en lui. Sa main devient moite, je la presse pourqu'il puisse retrouver une contenance.
Sa première réaction est de regarder mon ventre. Instinctivement, je pose mes mains dessus, comme pour le protéger. Il s'éloigne un peu de moi, pour me rassurer sûrement, puis me lève le menton.
- On est sur qu'il vient de... moi ?
- Je n’ai jamais eu de rapport sexuel avant toi. Comment veux-tu que ce bébé se soit implanté dans mon corps ?
Il sourit tristement.
- Que va-t-on faire ?
Je ne cesse de me poser la question si bien qu'on pourrait la lire sur mes lèvres ou dans mes yeux.
- Emma, il y a quelque chose dont je dois te parler. J’aimerais que toi aussi tu m’écoutes sans m’interrompre.
J’acquiesce simplement, à moitié perdue dans mes pensées.
- Tu ne me croiras peut-être pas mais je t’assure que ce que je vais te dire est sincère. Lorsque Clara nous a présentés, j’ai remarqué que tu ne m’avais pas apprécié. Or moi j’ai de suite été attiré. Tu me plaît depuis le début mais ce n’est pas ton cas. Je pense avoir un peu réussi à te convaincre de l’inverse ces dernières semaines mais tu ne sembles pas en être complètement sûre. Je ne sais pas si tu veux que je te le prouve, si tu veux prendre le temps ou passer à autre chose mais tu es libre de choisir. Je serai à tes côtés seulement si tu acceptes de me faire confiance.
- Pourquoi toutes ces filles ?
Il réfléchit un temps avant de me répondre, peu fier : - Par vengeance… C'est une histoire un peu sombre.
- Continue.
- J’ai découvert que la fille que que j’aimais m’utilisait et que le point de départ de notre relation était un pari stupide. Lorsqu’elle m’a quitté, j’ai voulu me venger mais je ne l’ai plus jamais revue. Depuis, je me venge sur toutes celles qui tombent dans mes bras… Avec toi, c’est la première fois que j’ai envie d’arrêter ces idioties.
- Tu m’aimes ?
- Je t’aime.
Sa réponse provoque un déclic dans ma tête. Je m’approche doucement de lui pour finir par l’embrasser doucement. Il répond à mon baiser délicatement. Je finis dans ses bras, en train de pleurer.
- On va s’en sortir Emma, ça va aller.
Je hoche de la tête contre son pull et finis par m’endormir dans ses bras.
Quand je monte dans le bus ce matin, je me sens de particulièrement bonne humeur. Je n'ai pas parlé du bébé à mes parents mais pouvoir m'appuyer sur Dylan me redonne confiance.
Arrivée devant l'amphitéâtre, je remarque Mathéo et m'approche de lui : - Salut toi.
Je le vois froncer les sourcils et regarder autour de lui.
- Là, à ta gauche.
Il se tourne et s'exclame : - Ah ! Je n'avais reconnu ta voix.
Je l'embrasse sur les deux joues et pose ma veste sur un fauteuil, au hasard.
- Tu vas mieux ?
- J'ai un peu mal à la tête mais maintenant que je sais pourquoi je ne vais pas bien, c'est plus facile.
- Si je ne suis pas indiscret, qu'as-tu ?
- Ne t'inquiètes pas ! J'ai tendance à me mettre facilement la pression ce qui engendre régulièrement des maux de tête. J'ai un peu de mal à m'habituer à ce nouvel environnement donc mon corps me le rend.
Je n'aime pas l'idée de lui mentir.
- Je peux faire quelque chose pour t'aider ?
Je le taquine : - Me laisser suivre le cours au lieu de papoter ? Non, je vais m'habituer, il faut juste un peu de temps. En plus, je me suis trouvée un copain !
Il rit puis sort ses affaires car le cours commence.
La journée passe particulièrement vite grâce au beau temps. La chaleur du soleil sur mon visage me fait rêver des vacances et me donne envie d'un thé glacé. Je me dépêche de rentrer pour pouvoir en boire puis monte toquer à la porte de Dylan, "comment te sens-tu ?"
- J'ai mal à la tête et je suis un peu fatiguée.
- Tu ne dois pas retourner chez le médecin ?
- Je ne sais pas. Je t'avoue que si j'en parlais à mes parents ça serait plus simple...
Entendant quelqu'un monter, je me tais et repousse Dylan.
- Peux-tu m'expliquer ça ? Je n'ai pas bien compris.
Maman entre dans la chambre.
- Vous travaillez ?
J'acquiesce, mes feuilles de notes sur les genoux. Je pense que garder ce secret plus longtemps deviendra compliqué. De plus qu'il y a des rendez-vous à prendre et que je ne vais pas me débrouiller seule longtemps. Dylan plonge son regard dans le mien.
- Ca va ? Tu suis ?
- Tu as dit quelque chose ?
Il éclate de rire et me pousse sur le lit. Il s'allonge sur moi et m'embrasse. Je l'arrête subitement.
- Je pense qu'on devrait parler à mes parents. Et puis... les tiens aussi.
Son visage se ferme instantanément. Je me dis que cela va être compliqué. Les prochains mois risquent d'être durs.
- Allons-y maintenant si tu veux.
Mon coeur s'affole. Je ne m'attendais pas à une réponse aussi immédiate. A nouveau ce tourbillon. Je me perds dans les scénarios, imaginant les pires réactions. Il a fallu un soir pour que tout bascule, il suffira d'une minute pour que tout se détruise. Je ressens la peur comme si elle était logée là, au creux de mon ventre. Je redoute mes parents comme on redoute la tempête. C'est cela. Une tempête. Je sens sa main se contracter dans mon dos et son souffle s'accélerer dans mon cou. Je ne sais pas s'il cède à la panique ou s'il tente de se rassurer. C'est alors que je me sens basculer. J'ai cédé à la panique tandis que Dylan se contrôlait. Mon imagination a trop d'emprise sur moi.
- Il faut aller leur parler maintenant, je déclare.
- D'accord mais respire.
Je lui prends la main et l'emmène dans le salon.
- Je peux vous parler ?
Les deux lèvent la tête, le regard interrogateur. Je m'asseois sur le canapé et tire Dylan à mes côtés.
- Eh bien, je n'ai pas vraiment été malade à cause du stress.
- Viens-en au fait Emma, soupire ma mère.
- Je...
Dylan me passe une main dans le dos. Je respire et déglutis.
- Je suis enceinte.
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