J'ouvre grand la bouche, entre la surprise de son audace à mettre en jeu notre réputation et l'admiration de l'avoir fait sans trahir ses convictions.

Ada déglutit difficilement la réponse et reste silencieuse avant de dire :

— Alors, dernière proposition.

— Je suis tout ouï.

Et cette fois-ci, elle s'adresse à moi, une lumière d'espoir dans le regard. Elle prend une grande inspiration et me sort d'une voix implorante :

— Organise-moi un dîner, un après-midi, un tête-à --tête avec Bastien Ferroni.

J'en tombe la mâchoire et reste bouche bée. Et je crie presque au moment où James répond à ma place.

— Marché conclu.

— Nooon !

Tous les deux se tournent vers moi.

— C'est hors de question !

Moi aussi j'ai des convictions et il n'est pas monnayable de mettre Bastien dans une négociation pour ma relation avec mon enseignant.

— Pourquoi ça ?

James a froncé les sourcils, assez mécontent. J'ai un p'tit rire.

— Non c'est non.

— Qu'est-ce que ça peut te faire ?

Ada nous regarde tour à tour.

— Je crois mettre tromper sur votre compte, c'est sérieux ? Vous...vous êtes dans une vraie relation de couples ? Bin merde alors !

— On s'est rencontré avant qu'il soit mon professeur, Ada.

— Et tu ne savais pas qu'il allait l'être ? s'étonne-t-elle.

Je ne peux pas lui dire que j'ai flirté avec lui un soir, couché avec et l'ai jeté dès le lendemain. Mais c'est James qui répond :

— C'est une longue histoire, Mlle Klatane. Si vous souhaitez détruire un couple, alors grand bien vous fasse si votre conscience en restera intacte. Lorsque Charlène est dans ma classe, elle est traitée comme toutes mes élèves. La vie professionnelle et la sphère privée ne se mélange pas.

Elle attend un instant me prend par la main et me chuchote :

— Garde-le quand même celui-là, il est pas mal.

— Je ne compte pas le laisser s'échapper, je suis amoureuse Ada.

— Cool ! Je vais dire au revoir à ma négociation et tu peux compter sur moi : motus et bouche cousue. Je vous laisse mon père m'attend.

Elle s'éloigne et je souffle un bon coup, toujours l'estomac noué. Va falloir être sur nos gardes, quand même !

— Pourquoi pas Bastien Ferroni ?

Je roule des yeux, agacée par son envie de continuer sur le sujet.

— Il n'a pas à être mêlé à cela. Tu aimerais qu'un collègue de travail te demande pour coucher avec Sasha ?

— C'est déjà le cas. Drew est un collègue de travail de longue date et Sasha est très épanouie avec lui.

— Si tu aimes t'amuser avec tes petites amies comme avec tes ex, je n'en suis pas plus étonnée. J'ai du respect pour les hommes que j'ai aimés, c'est-à-dire pour le moment Bastien.

Il serre la mâchoire et me fixe dans les yeux.

— Bien. Nous accostons dans dix minutes, je vais payer l'addition.

Il est parti me laissant seule jusqu'à l'arrêt, mettant fin à ce périple dès moins romantiques que l'on est eu.