Chapitre XXVI

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« Malgré la grande amitié liant le royaume d’Ingolia au royaume d’Amadre, l’intérêt supérieur du pays exige le maintien de la paix à tout prix. Nous vous soutiendrons néanmoins en maintenant à la frontière des forces importantes, en immobilisant ainsi autant chez votre ennemi. Nous ferons galement tout notre possible pour effectuer une médiation entre votre nation et l’Empire afin que cette guerre s’achève au plus vite ! Puisse le divin Alaric vous soutenir et le sort des armes vous être favorable ! »

Message du conseil des fiefs au roi Armand V à l’annonce de la déclaration de guerre du Saint Empire.

Olon Thongor affichait sa mine des mauvais jours ou plutôt des jours graves. Son visage était renfermé et il ne redressait la tête que pour lancer de rapide coups d’œil pleins de doute à Margaria. Sa tête s’enfonçait dans son corps et il peinait à garder son ventre rentré comme il avait l’habitude de le faire. La métisse ne semblait pas plus à l’aise et pour cause : la conversation qu’ils venaient d’avoir avait des airs de trahison. C’est une chose d’inciter autrui à la confrontation armée, c’en est une autre de la provoquer soi-même. Bien que la raison le leur commandât, appliquer les conclusions issues de son propre esprit, surtout lorsqu’il s’agit de guerre, est infiniment plus difficile que de produire de simples pensées dénuées de toute matérialité. « Nous n’avons pas le choix », « Les vies qui périront de notre fait seront cent fois plus nombreuses si nous n’agissons pas » se répétaient-ils et tous deux en étaient le plus sincèrement du monde convaincu. Pourtant, assumer à la fois le poids émotionnel du déclenchement d’une guerre et celui d’une trahison caractérisée était plus lourd à porter qu’ils ne l’auraient pensé, même pour deux paires d’épaules. S’ils avaient été seuls chacun se serait déjà retracté et ne serait passé pour un lâche qu’à ses propres yeux mais la présence d’un complice avec qui tout avait été échafaudé rendait toute reculade bien plus difficile à assumer. Au fond chacun espérait que l’autre soit le premier à esquisser un pas en arrière.

« - Lorsque nous nous séparerons la machine sera enclenchée et rien ne pourra l’arrêter, êtes-vous sûres de vouloir le faire ?

- Evidemment ! Quand vous retournerez dans votre fief à l’ouest j’agirai comme convenu et rien ne me détachera de mon devoir.

- Fort bien ! Alors je vous souhaite bonne chance ! Ma suite et moi partons demain ! Comptez une quinzaine de jour que j’arrive à Kinkor, une autre quinzaine que je fasse les préparatifs et tout devrait s’accélérer à partir de là.

- J’aurai donc un mois pour préparer les esprits. Cela devrait être plus que suffisant ! Ne flanchons pas et sauvons le royaume d’Ingolia de lui-même.

- Puisse Almaria et Balmir veiller sur vous, vous qui avez la chance d’avoir deux dieux sur qui compter ! A partir du moment où je quitterai la cour nous ne communiquerons qu’en cas d’extrême urgence. En l’absence de nouvelles nous estimerons chacun que tout se déroule comme prévu !

- Puisse Balmir veiller sur vous ! Vous pouvez compter sur moi ! Aurevoir mon ami ! Bien que si tout se passe comme souhaité les circonstances de nos retrouvailles risquent de ne pas être ni des plus réjouissantes, ni de tout repos ! »

Aussitôt les deux complices se séparèrent et Margaria retourna auprès de sa reine. Cette dernière était avec deux servantes qui la préparaient avant d’aller se coucher.

« - Ma reine, vous m’avez faite mander.

- Tout à fait ! J’ai ouï dire que c’était ce soir que partait le seigneur Thongor et à ce sujet je voulais être mise au courant des raisons de vos innombrables têtes à têtes ces dernières semaines. »

De toute évidence rien en ce palais ne pouvait être caché à la maîtresse de lieux. Elle représentait qui plus est la grande inconnue du plan de Margaria : sa maîtresse, qu’elle savait belliciste, l’était-elle au point de soutenir leur entreprise ? Le plan prévoyait qu’elle les soutienne le moment venu sans être au courant de ce qui aura précédé. La souveraine devait jouer un rôle central dans leurs intrigues mais il valait mieux qu’elle reste extérieure au complot en lui-même. Qui sait si son légalisme ne l’aurait pas fait condamner toute l’affaire et son propre pays par la même occasion ?

« - Nous parlions de tout et de rien ma reine, enfin, surtout de son attitude lors des débats à la cour des fiefs. Pour ne rien vous cacher il m’a beaucoup impressionné. »

La métisse baissa alors les yeux au sol et, à force d’imagination, s’efforça de s’empourprer quelque peu afin que Sirina fasse d’elle-même les conclusions que l’égérie du royaume souhaitait qu’elle eût. Cet air d’ingénu était en mesure de faire chavirer même les cœurs les plus secs. Tout était petit et charmant chez elle ; ses griffes, son nez, sa taille… Il était aisé de trouver tout ce qui avait pu plaire au seigneur Babikara. La reine sourit d’un air complice et lui répondit :

« - Soit ! Tâchez toutefois de rester discrets, ce ne serait pas bien vu si cela venait à être découvert et qui sait les conséquences qui pourraient en découler ?

- Nous ferons attention répondit Margaria enjouée en apparence de l’approbation de sa maîtresse mais en réalité de sa crédulité. »

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