4.1

4 minutes de lecture

Ayant laissé l’automobile quelques rues plus loin, les deux comparses arrivèrent à pied au domicile des d’Auclerc. La nuit était noire. Le ciel s’était couvert plus tôt dans la soirée et l’atmosphère était chargée d’humidité. Ils voyaient cela comme un bon présage: les éléments eux-mêmes étaient avec eux et couvriraient leur retraite. Au pied du large hôtel particulier, cinq hommes attendaient. Le plus petit du groupe, un adolescent prénommé Charles, s’avança.

" Tout est prêt patron, chuchota-t-il, les d’Auclerc sont sortis et la cuisinière a drogué le repas des domestiques. Aucune inquiétude quant à sa sécurité, elle a déjà pris la fuite et nous la retrouverons à la planque. Les rues sont désertes et le fourgon est prêt. Une affaire facile hein patron ?

- Ne cries pas victoire trop vite gamin, le sermonna Lupin, c’est comme ça qu’on fait des erreurs. Et quelles erreurs ! Dans notre métier, mieux vaut toujours être sur ses gardes. Allons, va te poster à quelques mètres de la fenêtre par laquelle Octave et moi devons entrer, et ouvre l'œil. "

Charles opina du chef et courut se poster à l’endroit désigné. S’adressant aux autres, Lupin reprit : " Antoine, Grognard, Maximilien, LeCoq, au travail ! Vous connaissez le plan, agissez comme convenu. Nous vous rejoindrons dans trois quart d’heure. Et surtout mes gaillards, on n’oublie pas le credo de la maison ! Un travail propre, net, et sans bavures. Et si le coup devait mal tourner, je ne veux pas une goutte de sang! "

Les quatres hommes décampèrent et Lupin se tourna vers son compagnon.

" À nous Octave, ordonna-t-il, tu sais ce qu’il te reste à faire. "

L’intéressé acquiesça et, se dirigeant vers la fenêtre, sortit de sa veste une petite trousse à outils. Consciencieusement, sans un bruit, il força le volet puis découpa le carreau le plus proche de la poignée, afin d’ouvrir la fenêtre de l’intérieur. En dix minutes, ils pénétraient dans l’hôtel et gagnaient le bureau de M. Constantin d’Auclerc, au deuxième étage. Sans un mot, Lupin se dirigea vers le coffre et entama la besogne. À la lumière d’un morceau de chandelle, Octave entreprit de fouiller la bibliothèque. Les deux hommes n’étaient pas entrés dans le bureau depuis cinq minutes qu’un cri retentit au dehors. Octave se figea. Lupin, lui, redoubla de concentration.

Soudain, une cavalcade. Octave se précipita à la fenêtre. Par chance, le volet n’était pas fermé et, ayant soufflé sa chandelle, il put observer ce qui se tramait dans la rue sans pour autant signaler sa présence. Il crut défaillir. L’affaire, si méticuleusement organisée, prenait tout à coup des allures de drame.

" La raille patron ! s’exclama-t-il. Ils ont assommé Charles, ils se dirigent vers l’hôtel ! "

Lupin sentit une bouffée de rage monter en lui. La police ? C’était impossible. Comment… Mais ce n’était pas le moment de se perdre en vaines spéculations. Il se ressaisit et continua calmement son travail en interrogeant Octave.

" Combien ?

- Une demi-douzaine patron, répondit le jeune homme, livide. Mais je crains que d’autres attendent nos gars à la sortie du souterrain.

- LeCoq y fait le guet, le rassura Lupin. Il ne se sera pas laissé prendre comme le petit. Pour Charles, ne t’en fais pas, on le fera évader. Attends encore un instant, je sens que le coffre… "

L’angoisse étreignait Octave au cœur. Il aurait voulu se jeter sur Lupin, lui arracher ses outils des mains et l’entraîner hors du bureau… Un craquement se fit entendre. La porte d’entrée venait de céder. Lupin étouffa un juron, bondit sur ses jambes et se rua vers la fenêtre. Impossible de fuir par là, et l’hôtel devait être cerné. Le souterrain ? Ce n’était même pas la peine d’y penser. Lupin jura une seconde fois. Les agents investissaient déjà l’hôtel, commençaient l’ascension du premier étage…

" Par les toits, vite, ordonna-t-il. On laisse tout sur place. "

Abandonnant butin et outils, les deux hommes se ruèrent dans le couloir, montèrent en trombe les escaliers. Deux policiers s’engagèrent à leur suite, tandis que les autres s’engouffraient dans le sous-sol.

Alors qu’ils débouchaient sur le toit, un vrombissement de moteur monta de la rue. Les deux hommes reconnurent le bruit caractéristique de leur fourgon.

" Ils se sont tirés patron! On est fichus! s’affola Octave.

- Tant mieux au contraire, répondit Lupin, qu’ils se mettent en sécurité, ils ne peuvent rien pour nous de toute façon."

Les agents gagnaient du terrain. L’un d’eux avait dégainé et menaçait de tirer. A son tour, Octave sortit son revolver. Lupin éleva la voix, de manière à être entendu des policiers : "Ne tire pas, laisse-toi prendre si tu n’as plus de souffle mais ne tire p…"

Une détonation retentit. Brusquement, Lupin s’affaissa. Une douleur vive lui brûla le bras gauche. ARSÈNE! Ses oreilles bourdonnaient. Il mit une seconde pour comprendre que c’était son compagnon qui, terrifié, avait hurlé son nom, ce nom qu’il n’avait jamais osé prononcer jusqu’alors. La suite fut trop rapide pour qu’il ait le temps d’intervenir. Octave bondit en avant, lui offrant un bouclier de son corps. Une seconde détonation retentit. Le jeune homme tournoya un instant et chuta dans le vide, touché en pleine poitrine. Son arme, lâchée sur le coup, rebondit sur les tuiles à un mètre de Lupin, qui la ramassa, tremblant. Il faisait face aux deux policiers. Une troisième détonation. La balle frôla Lupin à l’épaule. Il se redressa, tanta de stabiliser le revolver à l’aide de son bras meurtri. Il visa la tête, puis le cœur. Non. Ne pas se laisser gagner par la rage. Ne pas tuer. Mettre l’ennemi hors de combat mais ne surtout pas tuer.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire Chloé Vidailhet ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0