Un histoire d'écrivain

6 minutes de lecture

Texte retrouvé dans un cahier rouge

J’ai toujours aimé écrire des histoires. Je ne sais même plus de quand ça date. Ce que je suis sûre, c’est que toute petite déjà, il m’arrivait de prendre des cahiers pour en noircir les pages. J’écrivais à en avoir mal au poignet. Des pages et des pages que jamais personnes ne lirait, à part moi.
Et c’était préférable.
Souvent, les enfants écrivent des histoires amusantes qui n’ont ni queue ni tête. Ou alors, ils s’inspirent bien souvent des contes de fées, avec des chevaliers partant sauver des princesses prisonnières d’un méchant sorcier. Parfois même des histoires de robots, de héros vaillants et courageux, d’animaux doués de paroles, que sais-je encore… Pas moi. Je n’ai jamais eu le cœur d’écrire ce genre d’histoires. Jamais.
J’écrivais des histoires qui faisaient peur. Des histoires qui se finissaient toujours mal. Des histoires glauques, malsaines, baignant dans le sang.
J’ai toujours été fascinée par ce liquide rouge foncé, presque noir. Sa texture, son odeur, son goût métallique. Je n’étais pas normale, et je le savais. Je le savais et je ne devais pas le montrer. J’ai toujours été comme ça. Je ne sais même pas quelle est la raison de cet état.
Souvent, à l’école, on devait faire des rédactions. Les miennes étaient si étranges et si glauques que, malgré mes bonnes notes, jamais elles n’ont été lues à voix haute par mes professeurs. Jamais.
[…]
Je continuais à écrire, toujours. Les années passaient, et mes histoires s’étoffaient. Elles finissaient toujours aussi mal, elles étaient toujours aussi sanglantes… Au collège et au lycée, mes seuls amis étaient mes livres. Pas n’importe lesquels bien sûr. Stephen King. J’avais toujours adoré cet auteur. J’ai dévoré Ca, Carrie, Charlie… C’est là que je puisais mon inspiration. Mais c’était avant.
J’ai créé un site internet. Oh, créer un site de nos jours, c’est tellement simple. Il ne m’a fallu que quelques minutes. J’ai effectué quelques changements mineurs, et c’était parti. Je venais de créer le site du Story Teller. Le raconteur d’histoire… Ici, derrière mon écran, personne ne pouvait savoir qui j’étais, alors j’écrivais mes histoires et les publiais.
A la fin de la première journée, après avoir posté quelques histoires retrouvées dans mes vieux cahiers, je ne pensais pas qu’autant de personnes me liraient. J’avais reçu pas mal de commentaires me demandant d’autres histoires, encore plus glauques, plus malsaines, plus… Sanglantes. D’un côté, ça m’avait vraiment fait plaisir de voir des personnes apprécier mes histoires. C’est vrai. N’importe qui les auraient lues, on m’aurait prise pour une folle, une psychopathe où que sais je encore ! Là, on m’en demandait plus. Alors j’allais écrire et offrir à mes lecteurs mon monde d’horreurs.
Au bout de quelques semaines, j’avais déjà finit de recopier toutes mes histoires retrouvées au fin fond de vieux cahiers. C’est alors que c’est arrivé. Une chose que tout les écrivain redoutent plus que tout : la fameuse panne d’inspiration.
Il s’est passé trois jours. Trois jours sans que je ne poste de nouvel article sur mon site. Pas de nouvelles histoires, rien du tout. Je n’avais pas d’idées. Mes lecteurs commençaient à s’impatienter. Il fallait bien que je trouve quelque chose à écrire, mais quoi ?
La réponse était venue d’elle-même, un matin, alors que je me rendais au lycée. J’avais récupéré un de ces journaux gratuits qui sont distribués un peu partout. Et à la une de celui là, il y avait quelque chose qui me plaisait beaucoup. C’était l’histoire d’un gars qui avait été retrouvé noyé dans sa baignoire alors que son appartement était fermé à double tour. Ca ressemblait à un suicide très simple, mais la police avait relevé que sur le cou de la victime, il y avait des traces violettes. Des traces de la taille d’une main humaine, d’une main d’enfant…
J’avais des frissons en tapant mon histoire ce soir là. En tout cas, au bout d’une demie heure, je l’avais finie et mise sur mon site. Les résultats ne s’étaient pas fait attendre très longtemps. J’avais déjà une bonne vingtaine de commentaire me disant que cette histoire était géniale et qu’ils en voulaient d’autres du même acabit. Je savais déjà où je puiserais mon inspiration désormais.
[…]
Je dévorais les journaux, cherchais des fait divers sur Internet, trouvais et modelais selon mon bon vouloir des histoires que je mettais sur mon site pratiquement tout les jours. Je n’allais plus au lycée. Mes parents avaient bien tentés de me raisonner. Je les avais envoyés baladés comme des malpropres. J’avais mon écran, mon clavier, Internet, mon logiciel de traitement de texte, c’était largement suffisant. Largement suffisant pour continuer à écrire mes histoires…
[…]
Ces temps-ci, j’étais seule dans l’appartement. Les voisins d’en face avaient déménagés il y a une semaine, et celui du dessous, un vieux monsieur, était décédé il y a quelques jours. Sachant que j’habitais au dernier étage, il n’y avait pas de bruits. On aurait pu entendre une mouche voler. Dans ma chambre, je tapais mes textes. Mais depuis quelques temps, j’étais fatiguée. Je dormais mal la nuit, je faisais des cauchemars dont je ne me rappelais pas au réveil. C’était très désagréable.
Mes histoires avaient toujours autant de succès. On continuait de m’en demander encore et encore. Et c’est pendant que j’écrivais l’histoire d’une femme et de son téléphone, j’ai entendu un bruit. Pas un gros bruit, non. Une plainte qui venait de l’appartement du dessous, celui du vieux. Il avait du laisser son chat, et c’est tout.
Tout les jours, et toutes les nuits, j’entendais du bruit. Des plaintes le plus souvent, mais des fois c’était des pleurs, des cris, une fois c’était carrément un hurlement qui m’avais fait sursauter de ma chaise alors que j’écrivais une histoire ! C’était assez effrayant en y repensant…
[…]
J’avais décidé d’écrire une petite histoire basée sur mon expérience bizarre avec cet appartement. C’était l’histoire d’une fille dont le voisin du dessous avait mystérieusement disparut du jour au lendemain. Elle entendait des bruits en provenance de cet appartement et décida d’y descendre pour vérifier qu’il n’y ait pas quelqu’un. Le problème, c’est qu’il y avait quelqu’un. Le gentil voisin avait été massacré par un fou qui se cachait dans l’appartement. La fille devait donc très simplement se faire tuer à son tour. C’était une histoire simple, et elle plairait sûrement à ceux qui suivaient mon site Internet.
J’écrivais donc depuis une bonne demie heure et j’en étais arrivée au meurtre sauvage de la jeune fille quand j’entendis encore des bruits venant de l’appartement du dessous. Cette fois ci, c’était des pleurs. On aurait dis les pleurs d’un gamin. J’en avais vraiment marre, à cause de ça, je ne dormais presque plus. Je décidais donc de descendre pour vérifier si il y avait quelqu’un.

Texte retrouvé sur l’ordinateur de la victime, avec pour nom : l’appartement du dessous

La porte est entrouverte. Les pleurs se font plus forts. Et j’ai peur. C’est bizarre, mais j’ai peur. Pourtant je ne devrais pas. Tout ce que j’ai pu écrire jusqu’à présent n’était pas réel. Pourtant, en y repensant… A chaque fois, ça se finissait de la même manière. La mort. Le sang.
Je n’ose pas ouvrir la porte et entrer. J’ai peur de ce qui m’attend. Mais ça ferait une superbe histoire… Une histoire de plus à rajouter sur mon site. Alors je me décide, et finit par pousser cette satanée porte.

Témoignage de madame D*****, voisine de la victime

Ca s’est passé très vite cette nuit là. L’appartement d’en face est vide depuis la mort de son locataire vous savez. Depuis, il n’y avait pas un bruit, c’était calme. […] La porte de cet appartement était fermée à clé, et on n’a jamais vraiment su comment cette fille a pu y entrer. Tout ce qui est sûr, c’est que cette nuit là, j’ai entendu un grand cri. Ca venait de l’appartement. Et il était fermé à double tour quand la police est arrivée. Je les ai appelés, parce qu’on ne sait jamais. Et j’ai bien fait. Ils ont fait venir un serrurier. Et en entrant dans l’appartement, ils ont trouvé la fille. Morte qu’elle était ! Après, la police ne sait pas encore si c’est un suicide. […] Moi, j’ai toujours trouvé cette fille bizarre vous savez. Ca ne m’étonnerait pas qu’elle se soit suicidée. Elle ne sortait jamais de chez elle et préférait rester devant son ordinateur qu’elle m’avait dit, sa mère. Elle n’allait même plus au lycée ! […] Il se passe toujours des choses bizarres en ce moment, il suffit de lire les journaux.

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