Une histoire d'avion

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Texte retrouvé dans un cahier ayant appartenu à l’une des victimes de l’accident d’avion du lundi 30 mai 20XX. Etrangement, ce cahier, ainsi que quelques autres objets sans grandes importances, était encore en bon état alors que l’avion et ses passagers avaient été retrouvés brûlés. L’indentification de certaines victimes reste encore à établir.

(Plusieurs pages sont noircies de mots et de phrases sans importances, jusqu’à celle-ci)
Je n’aime pas prendre l’avion. Je déteste ça. A chaque fois, j’ai peur qu’il ne m’arrive quelque chose. Je ne sais pas si on peut appeler ça un mauvais pressentiment, ou si j’ai juste une satanée phobie, j’en sais rien. Mais je n’aime pas ça. Alors j’écris comme un imbécile dans ce cahier, pour passer le temps. Et parce qu’écrire me permettra de penser à autre chose pendant ce voyage. Parlons-en d’ailleurs de ce voyage.
Mon imbécile de père a décidé que je ferais mes études au lycée F., un lycée privé dans la région de N. Lycée privé, tu parles. Ca coûte la peau des fesses tout ça ! Pour environ 3000 euros le trimestre, y’a plutôt intérêt à ce que la bouffe soit bonne et que le service soit excellent. Très franchement, j’aurais préféré rester à D., au moins, je connaissais tout le monde, et même si le lycée est public, j’y aurais retrouvé mes amis. Pas que j’en ai beaucoup, mais bon… Passons.
Ce lycée privé est la raison pour laquelle je dois prendre ce fichu avion, moi qui déteste ça.
C’est ma mère qui m’a dit de consigner ce qui me passait par la tête dans ce cahier. Elle m’a dit que ça ferait passer le temps plus rapidement, et que ça m’occuperait l’esprit. Mouais, tu parles. La seule chose qui me passe par la tête, c’est cet avion. C’est tout.

A la place où je suis installé, on ne voit pas très bien l’écran. Ah oui, j’ai oublié de préciser : comme le voyage va durer un peu plus d’une heure, on a le droit de regarder un film. Pour le coup, s’en est un que j’ai déjà vu : Snake on a plane. Pas que ce soit un mauvais film, c’est plutôt que, comme je le connais déjà, il ne m’intéresse pas vraiment de le revoir… Je regarde l’écran vite fait, quand ce sont des passages que j’ai apprécié, mais c’est peine perdue de là où je suis placé. Bof, à la limite je m’en fous un peu…

L’une des hôtesses qui fait des aller retours est vraiment mignonne. Je ne sais pas trop à quoi elle ressemble sans son uniforme, mais là, elle est vraiment jolie comme tout. Une rousse aux cheveux longs, avec deux grands yeux verts émeraude, et des tâches de rousseurs sur les joues. Les rousses m’ont toujours fait craquer. Il y avait déjà cette fille au collège, Maëlle, qui me plaisait beaucoup. Je n’ai jamais osé le lui dire, j’avais trop peur de me faire rembarrer comme un malpropre. En tout cas, cette hôtesse n’a pas vraiment l’air en forme. Elle fait des aller retour et elle est tellement pâle qu’on dirait qu’elle va tomber dans les pommes d’un moment à un autre. Elle est repartie dans la cabine de pilotage.

Plusieurs membres du personnel sont passés parmi nous pour nous demander de garder notre calme et de bien attacher nos ceintures. Sois disant, il y a un petit souci avec un moteur et nous allons devoir nous poser d’urgence. Je n’aime pas ça. Mais alors vraiment pas du tout.

(Plusieurs pages sont remplies de ratures et de gribouillages sans importances avant que le texte ne reprenne)

Je ne sais pas trop ce qui s’est passé. Il y a eut un gros bruit, des secousses, et je crois que je suis tombé dans les pommes. Là, tout à l’air d’aller bien. Le film a été relancé depuis le début, c’est un peu bête. L’hôtesse rousse est toujours aussi pâle. Autour de moi, les gens ont l’air d’aller bien. Je pense que c’était juste un souci d’ordre technique. Je ne devrais pas tarder d’arriver à N. Vivement que je mette les pieds en dehors de cet avion, parce que j’en ai marre d’être là.
Il y a comme une odeur de brûlé dans l’air, mais personne ne semble s’en apercevoir. J’ai posé la question à une des hôtesses qui passaient. Elle m’a répondu que c’était tout à fait normal, mais elle ne m’a pas dit ce que c’était…

(S’en suivent plusieurs pages sans grande importance, jusqu’à celle-ci)

C’est vraiment très étrange. J’ai l’impression que ça fait des heures que je suis là dans cet avion. Le film rejoue pour la quatrième fois. Ce voyage n’aurait pas dû être aussi long. A moins que le problème de tout à l’heure ne nous ait obligé à prendre un autre chemin, plus long. J’espère que c’est ça. J’espère juste que c’est ça.
L’hôtesse rousse est venue me remettre un bouquet de fleurs. Des chrysanthèmes roses. Je n’aime pas vraiment ça. La dernière fois que j’ai vues ces fleurs, c’était à l’enterrement de grand-mère. Maman m’avait expliquer ce qu’elles voulaient dire : tristesse et incompréhension. J’ai demandé à l’hôtesse si elle savait qui m’offrait ça. Elle m’a alors répondu un truc bizarre, comme quoi c’était de mes parents.
Si c’était une blague, je la trouvais de bien mauvais goût : j’étais toujours vivant. Et ils le verraient bien quand je descendrais de cet avion, une fois qu’il sera arrivé à destination. J’espère qu’il y arrivera rapidement, parce que j’en ai marre d’être là.

(Ce qui reste du cahier n’est qu’un charabia incompréhensible, de ratures et de gribouillages)

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