Carl Muntz
Ils sont partout. Les rouages du Diable sont connectés et ce train n’est qu’une pièce du mécanisme. Les plaintes font toutes références à des établissements dont je n’ai jamais entendu parler. Un hôtel «Le manoir du Crépuscule», un restaurant «L'étoile Polaire», un bar «À Minuit», les auteurs de ces plaintes ont tous vécu des expériences terrifiantes durant leur visite. Malheureusement, je n’ai trouvé aucun indice qui pourrait m’aider dans cette situation. Est-ce qu’un seul d’eux à même réussi à s’échapper ? Pourquoi est-ce que tous ces documents se sont retrouvés ici ? J’ai pourtant la forte impression que le mieux est de continuer de fouiller.
Après quelques heures de recherche, je suis maintenant en possession d’une étrange clé noire comme le charbon. Dans le tiroir identifié « Schémas », j’ai trouvé un dossier qui portait le nom du train, Horloge Express. Il contient les plans de l’appareil ainsi que les notes exhaustives de Carl Muntz. La clé était collée sur une page avec de la cire rouge. Fâcheusement, il n’y a aucune porte dans mon entourage à déverrouiller. Seulement mon bureau et plusieurs dizaines de classeurs. En consultant les documents à propos du train, j’ai réalisé que les symboles inscrits sur les plans sont dans la langue énigmatique des précédents documents, mais que les notes de Monsieur Muntz sont écrites en français. L’explication s’est révélée rapidement durant la lecture.
Apparemment, Carl Muntz n’a fait que suivre les instructions dans les plans pour construire sa machine. Les schémas seraient mystérieusement apparus sur sa table de chevet. Il précise qu’il n’avait jamais été intéressé par l’ingénierie, mais que soudainement, il s’était senti investi d’une forte motivation. Tout comme moi, il ne pouvait pas immédiatement comprendre les caractères sur les pages des plans, mais après un moment, il put lire le langage inconnu sans effort. C’est ainsi qu’il épuisa toutes ses économies et qu’il occupa tout son temps dans la réalisation de ce projet.
À certains moments durant la construction, Muntz déplorait que la manifestation de quelques événements anormaux retardait les progrès considérablement. Au début, tout allait très bien, mais alors qu’il complétait le premier assemblage d’engrenages, ceux-ci se sont immédiatement mis à tourner d’eux-mêmes. Il n’y avait pourtant aucune source d’énergie pour les alimenter à ce moment, puis après une minute, ils cessèrent de bouger.
Suivant cet imprévu, le travail devint de plus en plus difficile. Les outils disparaissaient pour être retrouvés plus tard dans des endroits difficiles d’accès, les lampes s'éteignaient mystérieusement alors qu’elles étaient toujours remplies d’huile, les panneaux recouvrant le plancher semblaient s’ouvrir inexplicablement quand personne ne se trouvait sur place. Affectant non seulement l’humeur de Muntz, les rares travailleurs qui avaient accepté de participer au projet démissionnaient les uns après les autres. Si ce n’était pas pour cause de blessure, les employés fuyaient à leur première rencontre avec une situation paranormale et d’autres murmuraient carrément que leur employeur était le Diable et qu’ils ne comptaient pas échanger leur âme contre un salaire.
Muntz utilise un langage plutôt grossier pour décrire la lâcheté des déserteurs. Cependant, il commençait à craindre tout autant qu’eux de monter seul à bord du véhicule. Quand il retournait à la maison couvert d’égratignures et de brulures, sa femme et sa fille l’imploraient d’abandonner le projet, mais peu importe les arguments, l’ambition de Muntz ne diminuait pas. Il précise qu’il était parfaitement préparé à consacrer le reste de sa vie s’il le fallait pour compléter sa vision.
La suite des notes a été écrite plusieurs mois plus tard. D’une écriture irrégulière, Muntz décrit une pièce qui lui paraît familière à l’intérieur du train. Il détaille ce qui semble être un atelier rempli d’outils, de morceaux de bois et de pièces en métal. Malgré la journée plus tôt ensoleillée, les fenêtres présentent l’extérieur d’une noirceur impénétrable. Il ne se souvient pas avoir construit cet endroit et il exprime sa forte confusion à la réalisation qu’il n’y a visiblement pas de sortie. Sur la table au centre de l’atelier, Muntz mentionne avoir trouvé un nouveau document affichant les mêmes caractères ésotériques que sur ses plans.
C’est ici que les notes de Carl Muntz s’arrêtent. Il s’est donc retrouvé dans une situation similaire à la mienne, enfermé dans une étrange pièce irréelle à bord de l’Horloge Express. Considérant que la Compagnie du Chemin de fer Treize-Flammes a par la suite été contactée par Monsieur Muntz pour négocier et faire l’évaluation de l’appareil, je pense pouvoir déclarer avec confiance que ma prison n’est pas sans issue.
J’ai passé un moment étendu sur ma chaise en fixant le plafond et j'ai réalisé avec surprise qu’il y a une trappe au-dessus de ma tête. Elle est bien camouflée avec le peu de lumière que dégagent les lampes de la pièce et je suis prêt à parier que la clé me permettra de déverrouiller la large serrure qui prévient son ouverture. En empilant quelques classeurs, je devrais pouvoir y monter aisément. Je prendrai note de mes découvertes plus tard, si je suis toujours en vie à ce moment, évidemment...
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