Un réveil bien difficile
Le réveil sonna. Lisa maugréa et cacha sa tête sous son oreiller. La nuit lui avait semblé courte, pourtant elle s’était couchée tôt. Quelques incidents s’étaient déroulés la veille. Elle s’était endormie avec les yeux très irrités. Et ils étaient toujours douloureux. Elle se promit d’appeler son ophtalmologue dès que possible. Bonne nouvelle, sa coupure à l’index de la main droite ne la démangeait plus. Le petit pansement avait tenu bon.
La journée allait être bien chargée. Elle devait chercher Kévin, son fiancé, à l’aéroport. Ils ne s’étaient pas vus depuis dix jours. Elle avait hâte de le retrouver et de lui montrer les dernières transformations apportées à leur nouvel appartement.
Lisa restait encore au lit. Elle avait vraiment la flemme, ce qui ne lui était point coutumier. Chaque jour, elle se levait tôt, soit pour aller courir, soit pour se rendre au marché avant d’entamer son travail. Elle faisait de sa passion, son métier. Elle remettait à neuf et customisait de vieux objets. Ses produits se vendaient bien depuis son site commerçant développé avec Manon, l'une de ses meilleures amies et partenaire en affaires.
La jeune femme se leva à l’aveuglette et avança vers la fenêtre afin de remonter le store. Ses gestes étaient maladroits. Et la sensation de grain de sable dans ses yeux se fit plus persistante. Elle devait avoir une conjonctivite et sans collyre adapté, ça ne passerait pas. Elle en faisait régulièrement, mais la douleur était plus forte que d’habitude. Des larmes coulèrent le long de ses joues. Elle gémit.
En levant le store, Lisa regarda par la fenêtre et trouva la couleur du ciel inhabituelle. Les arbres avaient revêtu une variante de gris et de noir. Elle remarqua aussi que sa voiture, une fiat 500 bleu ciel stationnée dans l’avenue était décolorée. En fait, tout le paysage semblait dénué de couleurs. Elle s’étonna de ce constat, car à cette période de l’année, il faisait déjà jour. Ses yeux étaient-ils si irrités qu’elle n’en distinguait plus les couleurs ? Lisa se réconforta en se disant que l’effet allait vite s’estomper. Un monde sans couleurs, c’était comme un plat sans saveur selon elle.
Lisa se retourna et fut saisie d’effroi en remarquant qu’elle ne distinguait toujours pas de couleurs alors qu'elle avait choisi de jolies nuances de pastel pour sa chambre. Son cœur se mit à battre plus vite. Sa couette vert amande était grise. Ses meubles en chêne clair de type scandinave n’avaient plus un joli coloris, plutôt un blanc sale. Elle devait être en plein cauchemar, c’était la seule explication rationnelle. Elle sortit de sa chambre et traversa en courant le couloir afin de se diriger dans le séjour. Elle ne voyait que des nuances de gris. Ce n’était guère possible que les couleurs se soient dissoutes. Que s’était-il donc passé ?
En guise de réponse, Lisa hurla quand elle remarqua son reflet dans un miroir. Elle constata que l’iris de ses yeux était d’un blanc lumineux. La jeune femme cligna des yeux à maintes reprises et regarda tout autour elle, le décor était en noir et blanc avec des variantes de gris, mais un élément attira son attention. Elle se dirigea vers le buffet où elle avait posé l’énigmatique photo de l’Arlequin. Celle-ci était désormais en couleur. Elle se saisit de la photo et vit le personnage esquisser un sourire, puis elle entendit une voix mielleuse.
― Lisa, Lisaaaaaa. Sois ma Colombine. Avec moi, tu verras la vie en rose. Viens ma belle, ne me fais plus languir.
La jeune femme hurla et n’eut pas le temps de réagir quand une main surgit de la photo pour l’attraper et l’entraîner à l’intérieur. Arlequin n’était désormais plus seul, il avait retrouvé sa colombine et des couleurs…
* Si vous voulez connaître le début de l'histoire, je vous invite à consulter le chapitre suivant (on commence par la fin et on finit par le début).
Annotations