Chapitre 7 - Calixte

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Je me réveille dans un immense lit à baldaquin, couverte par des draps de soie blancs. Il fait jour et déjà chaud. Je m'assois doucement sur le lit et regarde autour de moi. La pièce a des proportions démesurées. Tout est clair. Apaisant. 

Malgré les questions qui surgissent concernant l'endroit où je me trouve, je ne suis ni inquiète, ni angoissée. J'ai l'étrange sensation de connaître cet endroit. Je m'y sens chez moi. En sécurité.

Pourtant, j'ignore où je suis. Dans quelle galère me suis-je encore fourrée? J'essaie de réfléchir, de me rappeler, mais je n'ai aucun souvenir. Curieux !

Je me lève du lit et m'aperçois que je suis totalement nue. Merde ! Qui m'a déshabillée? Là non plus, je n'ai aucun souvenir. Je m'enroule dans le drap de soie et m'avance jusqu'à la terrasse ensoleillée. Tout est grand ouvert. Aéré. Épuré. Tranquille.

Je m'avance jusqu'à la balustrade en pierre et regarde la ville qui s'étend à mes pieds. Le Caire. Je suis toujours en Egypte. Rassurée, j'ai toujours cette sensation de bien être, d'être chez moi en sécurité. C'est vraiment magnifique sous ce soleil matinal.

J'entends du bruit derrière moi, me retourne surprise et trouve devant moi, plusieurs femmes, têtes baissées. Elles portent toutes les mêmes tuniques et sont gantées. Mais qu'est-ce que...

Puis le noir m'engloutit à nouveau...

Un effleurement. Une caresse. Oui, quelqu'un me caresse le bras. Je m'éveille doucement. Mes yeux papillonnent sous l'intensité de la lumière. Je plonge mon visage dans l'oreiller. 

-Tu n'es décidément pas du matin ma douce, me murmure une voix qui me glace le sang.

Je me redresse dans un mouvement brusque pour lui faire face. Anubis.

-Que fais-tu ici? Chez moi? Dans mon lit?

Un sourire carnassier se grave sur ses lèvres. Son regard descend sur mon visage, jusqu'à s'arrêter sur mes lèvres. Avant de descendre sur mon torse nu. Merde ! J'attrape le drap pour le couvrir. 

-Serais-tu pudique Imentet? me lance-t-il en me dévorant du regard.

-Tu n'as pas répondu à ma question. Que fais-tu ici?

Il se lève de mon lit, nu. Mon souffle se coupe. Mon estomac se contracte violemment.

-J'aime passer mes nuits à tes côtés ma douce.

-Ce n'est pas la première fois que tu te glisses dans mon lit? le questionné-je ulcérée.

Il s'arrête à quelques mètres et se retourne, un sourire carnassier sur les lèvres. 

-Pourquoi le serait-ce? Tu m'es destinée. Tu seras bientôt mienne. 

Je bondis du lit et m'enroule dans le drap avant de lui faire face. 

-Tu as beau être un dieu, tu ne peux pas tout obtenir en claquant des doigts. Je suis ton égale et que cela te plaise ou non, je ne serai jamais tienne Anubis. 

Son regard s'assombrit et son aura devient ténèbres. En deux enjambées, il est devant moi. Mon sang se glace, mais je ne lui montre rien et continue de le fixer droit dans les yeux. Je veux qu'il puisse y lire toute ma détermination. Je ne me soumettrai pas. 

-Tu persistes à me défier? Tu sais que ce n'est pas prudent ma douce? m'avertit-il. 

Je relève le menton sans le quitter des yeux.

-Disparais d'ici et ne reviens jamais sans y avoir été convié, asséné-je.

Il me saisit à la gorge, mais je ne cille pas.

-Rends-toi à l'évidence, Imentet. Nous sommes complémentaires comme les deux faces d'une même pièce. Je te veux et je t'aurai. Peu importe la manière, tu seras mienne Imentet. 

-Jamais, articulé-je difficilement.

-Tu le regretteras.

Il me lâche dans un grognement et disparaît. Je m'effondre et c'est de nouveau le noir complet.

Lorsque je m'éveille de nouveau, je suis toujours nue dans ce grand lit aux draps de soie. Je m'enroule dedans et me dirige vers la terrasse. J'ai ce sentiment de plénitude lorsque j'aperçois la ville devant moi.

Lorsque j'entends du bruit derrière moi, je me retourne sur mes gardes. Je trouve devant moi, plusieurs femmes, têtes baissées. Elles portent toutes les mêmes tuniques et sont gantées. 

Voyant que je ne bouge pas et les scrute avec attention, deux d'entre elles s'avancent, m'ôte le drap et m'enveloppe d'un peignoir du même tissu blanc immaculé. J'enserre  les pans du vêtement, lorsque je percute que j'étais nue comme un vers devant ces femmes. Elles me guident jusqu'au lit, sur lequel trône une tenue blanche, parsemée de dorures. Un sceptre, une croix de vie, ainsi qu'une coiffe.

Les femmes s'agitent autour de moi. Elles me retirent mon peignoir, me lavent doucement à l'aise d'un linge humide et m'habille de cette robe blanche, extrêmement près du corps. Elles me font asseoir et entreprennent de natter quelques unes de mes mèches brunes, de les entrelacer en une coiffure sophistiquée et pose la coiffe sur ma tête. Enfin, elles me tendent le sceptre et la croix de vie. J'ignore ce qui m'y pousse, mais une fois fait, je siffle. Un cri d'oiseau me répond. Et quelques battements d'ailes plus tard, un faucon se pose sur mon sceptre et me fixe de ses yeux perçants. Sans que je ne me contrôle, je le caresse avec douceur sur le haut de la tête. Puis, il s'envole de nouveau et se pose sur ma coiffe.

Parfait. Je suis prête. J'ignore comment je le sais. Et encore moins ce que tout cela signifie. Mais 

c'est une intime conviction. Je n'ai pas peur. Je suis calme, sereine. C'est comme si j'avais déjà vécu cet instant. Comme si quelque chose m'avait échappé et que je devais absolument m'en souvenir. 

Je descends les escaliers et me retrouve dans un grand hall. Une silhouette se profile et je me dirige aussitôt vers elle, le sourire aux lèvres, accueillante. Je ne me pose aucune question. C'est naturel. Ce pourquoi je suis faite.

C'est une âme. Elle est là pour le jugement divin. Je dois la guider. Je la contourne et lui intime de me suivre. Je l'accompagne jusqu'au tribunal divin, qu'il décide de son sort.

Je suis Imentet, déesse de l'Occident, de la mort et de la fertilité. Protectrice du Caire et de l'Occident tout entier.

Je suis le visage serein de la mort. Celle qui guide les âmes jusqu'au tribunal divin. Et celle qui permet aux femmes mortelles d'enfanter. Un simple toucher suffit. Les infertiles viennent à moi, des confins du plateau du Gilf Kebir jusqu'au Mont Sinaï et bien plus loin encore. 

De nouveau l'obscurité m'emporte.

Lorsque je m'éveille à nouveau, la nuit est tombée. Je sors du lit, nue et me dirige vers ma terrasse. Là, devant moi, s'étend Le Caire. Magnifique. Sublime. Presque irréelle. 

J'aime ce calme, cette paix qui se dégage de ce paysage tranquille. La sérénité propice à la réflexion, à l'introspection. J'aime méditer ici.

Deux bras qui m'emprisonnent. Un torse dur et musclé se colle à mon dos. Un souffle chaud sur ma nuque, puis dans mon cou. Mon corps nu se tend. Je reconnaîtrais sa présence entre mille, tant elle me glace le sang. Anubis.

-J'aime voir ce spectacle. Toi, nue admirant la ville à tes pieds, me susurre-t-il. 

-Que fais-tu ici? Il me semblait avoir été très claire, réponds-je glaciale. C'est la dernière fois que tu pénètres chez moi sans invitation.

-Hummm... J'aime que tu te rebelles Imentet et que tu me résistes, ta réédition et ma victoire n'en auront que plus de valeur. 

-Tu rêves Anubis. Tu t'obstines pour rien. Tu n'obtiendras rien de moi. Pour la dernière fois. Je ne serai jamais tienne. 

-En es-tu certaine ma douce?

Je me retourne doucement pour lui faire face et bien que son regard concupiscent m'écoeure, je ne fléchis pas. Je le fixe durement.

-Je t'admire ma douce, dit-il en me détaillant avec soin de la tête aux pieds avec un sourire en coin et le regard torve, ce qui m'arrache un frisson dégoût. J'admire ta détermination à vouloir me tenir tête. Et j'espère qu'au lit, tu sauras conserver ta hargne, poursuit-il, alors que l'idée même d'être intime avec lui me donne la nausée. Mais là, elle est inutile. J'obtiens toujours ce que je souhaite.

-Dommage. Tu vas devoir, pour une fois dans ton éternité, faire face à l'échec et à la frustration, dis-je d'un ton ferme.

-Tu crois ça, me demande-t-il narquois, en se rapprochant de façon à ce que nos visages soient tellement proches que si je respire, mes lèvres toucheront les siennes. Depuis tout ce temps, tu ignores encore ce dont je suis capable pour obtenir ce que je souhaite Imentet, dit-il avec un sourire carnassier. Soit tu m'appartiens ma douce, soit je mets Le Caire à feu et à sang, me murmure-t-il en me retournant brutalement, pour que je fasse face à ma ville en flamme. Je t'avais dit que tu le regretterais ma douce, me souffle-t-il avec un air narquois, pendant que des griffes invisibles me lacèrent de l'intérieur. On ne peut me défier impunément. Maintenant, rends-toi à la raison ma douce, je suis plus fort et tu m'appartiendras quoi qu'il en coûte.

-Jamais, murmuré-je dévastée, les larmes dévalant mes joues sans retenue, devant les flammes engloutissant ma précieuse cité. Je préfèrerais que mettre fin à mon éternité que de devenir tienne.

Il resserre son étreinte sur mon corps jusqu'à ce qu'elle devienne douloureuse. Il empoigne mes cheveux brutalement pour basculer ma tête en arrière et s'approprier ma bouche dans un râle rauque et conquérant, alors que je me débats tant bien que mal. 

-Soit tu m'appartiens, soit tu ne seras à personne, gronde-t-il d'un ton impérieux avant de me trancher la gorge.

La douleur. Le noir. La peur. Une incommensurable tristesse. La colère. Le doute. La vengeance. 

Je me réveille en sursaut, les mains sur ma gorge, la vue trouble. Désemparée. Perdue. Au bord du gouffre. 

Qu'est-ce que... Où suis-je? Des murs blancs. Une odeur aseptisée. Des bips irréguliers, percants, agaçants viennent agresser mon ouïe.

L'hôpital. Je suis à l'hôpital. Un bruit de métal, qui tombe sur le sol, me fait légèrement grimacer.

-Oh mon dieu !!!!!

Je tourne la tête vers la gauche et là, je croise le regard stupéfait d'une femme vêtue de blanc. Elle se met de côté et appelle le médecin en hurlant. Sa voix est tellement forte que je mets les mains sur mes oreilles pour atténuer son cri, raisonnant dans mes tympans.

Quelques secondes plus tard, un homme, vêtu d'une blouse bleue entre dans la chambre. Je ne distingue pas bien les traits de son visage. Je vois encore trouble. Il demande à la femme de bien vouloir nous laisser, afin qu'il puisse m'examiner. Cette dernière obtempère et referme la porte derrière elle.

Puis, il s'approche du lit et finit par me faire face. Et là...!

Cet homme... C'est... C'est celui de mon cauchemar. Celui qui m'a tranché la gorge sans hésitation. Celui qui m'a tuée.

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