Parapléquoi ?!
de Je suis une loutre
J'ai du mal à émerger. Par réflexe, et sans doute à cause des bips réguliers que j'entends autour de moi, je tâtonne le vide de ma main à la recherche d'un réveil imaginaire. Ma main n'entrant jamais en contact avec un quelconque objet, j'ouvre difficilement les yeux en grommelant. C'est à ce moment-là que je me rends compte que j'ai la bouche pâteuse. Je me sens vraiment engourdie. Aurais-je fait la bringue hier soir, pour me sentir dans un aussi piteux état? Ce n'est pourtant pas mon genre. Dieu que j'ai mal au crâne ! J'ai des tâches devant les yeux. Je mets longtemps à réaliser que je ne suis pas dans ma chambre à coucher. Ici, tout est fade, froid et sans vie. Tout est vide et blanc. Vide et blanc comme ma mémoire concernant les événements précédant mon réveil...
- Bordel de cul, je suis où, là ?! grogné-je, de mauvaise humeur.
Ce qui est sûr, c'est que je suis seule, sans Bruno à mes côtés. Où est-il, cet affreux Jojo ?! Et ma petite Stella, mon étoile du berger à moi, qui me guide dans l'obscurité, la chair de ma chair, où est-elle ?!
Je commence à suffoquer, paniquée. Je ressens soudain le besoin viscéral de me lever et de faire les cent pas. Mon corps refuse de m'obéir.
- C'EST. QUOI. CE. BORDEL ?! m'écrié-je et frappant les parties de mon corps que je veux faire réagir.
Il n'y a rien à faire. Je ne comprends plus rien à rien.
Ce n'est que maintenant que je réalise que je suis contrainte à l'immobilité que tous mes sens s'intéressent à ce qui m'entoure. Et ce que je remarque ne me réjouis guère : je suis dans un putain d’hôpital de mes fesses !
J'ai horreur des hôpitaux, et Dieu sait que j'y ai passé beaucoup de temps durant mon enfance, et comble de malchance, je m'y retrouvais toujours à Noël et pendant les vacances... La bouffe y était infâme, et l'odeur infecte qui régnait dans chaque couloir et chaque pièce hante encore mes narines.
Je m'en souviendrais, si j'avais fait une rechute, non ?
Je regarde la fiche qui est accrochée à "mon" lit.
- PUTAIN DE BORDEL DE CUL DE MERDE, PARAPLÉQUOI ?! m'énervé-je.
Je manque d'air. Je sens mon monde s'écrouler, et je suis impuissante face à cette scène d'horreur. Et ni Bruno ni Stella ne sont là pour m'épauler.
Je veux fuir ce qu'il m'arrive, mais je ne peux pas, parce que mon connard de bas du corps ne fonctionne pas !
Je viens de me pisser dessus comme la sombre connasse que je suis. En plus de perdre tous mes repères, je perds le contrôle d'une partie de mon corps.
Si je pouvais, en plus d'être grossière, je taperais sur tout ce qui est à ma portée : JE SUIS UNE PUTAIN DE PARAPLÉTRUC !
Je ne connais pas le mot mais je le hais, car je sais qu'il a ruiné mon existence. Je sais qu'il va me falloir des semaines pour assimiler le mot et les conséquences qui en résultent. Mon cerveau me répète sans cesse que je suis "paraplégique", mais ça entre par une oreille et ressort par l'autre : JE NE VEUX PAS CONNAÎTRE CET HORRIBLE MOT QUI FAIT DE MOI UNE ERREUR DE LA NATURE ET UN MONSTRE DIFFORME !
Je viens de perdre ma liberté de tout massacrer sur mon passage en même temps que la motricité de certains membres de mon corps. Je me contente donc d'enfouir ma tête dans mes mains en pleurnichant et en marmonnant en boucle :
- Mais qu'est-ce qu'il s'est passé, bordel de merde... Ce n'est pas possible, c'est un poisson d'avril du Bon Dieu. Ce. n'est. pas. possible !
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