Le retour.

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 Un jeune homme, Neryss, portait une expression triste sur son visage alors qu'il s'asseyait sur une souche d'arbre détrempée, dans les profondeurs d'une forêt de montagne nommée Eperone. Il était vêtu d'une tenue de voyage en peau abîmée, dont la cape d'épaule s'arrachait çà et là. Les bottes boueuses et son pantalon tachés contrastaient avec l'état quasi-neuf du fourreau sans lame qui pendait à sa hanche. Ses pupilles bleu-ciel scrutaient la maison de ses anciens élèves, Mina'Fia et Tae'Fia, à qui il avait enseigné, il y a des centaines de cycles saisonniers. Le jardin était piétiné, l'enclos à chevaux couvert de mousse et le puits tari depuis belle lurette. La maisonnée en bois au centre n'était plus qu'une simple ruine trouée de partout par des projectiles encore indéterminés. Le garçon revit des scènes du passé : Des moments d'insouciance où il jouait au chevalier avec la petite Yin'Fia, leur fille. Où encore la fois où il leur avait confié Sohalia, sa propre protégée, avant de fuir le royaume de Meruel ainsi que Lovan, son plus grand ennemi.

  • Yuu, je t'en fais le serment, les monstres qui ont fait ça paieront.

 La femme à qui il s'adressait, derrière lui, portait de longs cheveux blancs et était habillée d'un Kimono de couleur turquoise au dessin de fleurs. Elle acquiesça d'un geste de la tête. Même si son regard ne portait aucune émotion, son cœur, à l'inverse, se serrait de colère. Elle aussi était proche de ses deux amis. Elle souhaitait voir les responsables de ce drame punis le plus vite possible.

  • Bien, jeune maître.

 Neryss se leva et pénétra dans l'habitation. À peine entrée, il remarqua un boulet de ferraille logé entre deux planches du parquet. Ces malades avaient tiré au canon dans la maison ! Il nota ça dans un coin de sa tête et progressa dans le couloir. Le professeur trouva des traces de sang sur une table détruite en deux, dans la cuisine. À l'époque où il leur rendait visite, ils y mangeait tout le temps le gibier que chassait Tae. Il y avait aussi le placard où Mina rangeait ses poêles qui était en piteux état : les traces d'une arme tranchante se devinaient sur ses jointures. Neryss imagina alors facilement la peur des deux amants. Il fronça les sourcils et avança jusqu'au salon. Ici, tout était sans dessus-dessous. Les poutres porteuses sur le mur du fond tenaient à peine et les meubles ne se devinaient même plus tant le canon avait fait son office. Le toit en charpie laissait même passer le vent frais de l'automne. Au sol, et en plein centre, une grande marque noire tâchait le bois.

  • C'est ici... ici qu'ils ont poussé leur dernier souffle, annonça Yuu le poing serré.
  • Oui...

 Neryss enfila un bracelet argenté et orné d'un saphir en forme d'étoile. Il s'accroupit et caressa le sang. Petit à petit, des particules blanches sortirent de l'extrémité de ses doigts. Ils s'amoncelèrent ensemble et, au fur et à mesure, des silhouettes translucides se formèrent dans une scène macabre : quatre hommes donnaient de grands coups de gourdins sur Tae. Ce dernier protégeait Mina en lui servant de bouclier. Les victimes suppliaient pour leurs vies et leur sang coulait jusqu'à en imbiber le sol. Hélas, le bijou magique ne permettait pas de reconnaître le visage des agresseurs. Ils étaient flous et imprécis. Seuls les gros détails comme les oreilles poilus, longues et tombantes des amants, se remarquaient. Ça, ou bien les colliers avec une dent au cou des bandits. Probablement un symbole d'appartenance à leur groupe, pensa l’enquêteur.

  • Ce n'est pas pratique, se plaignit-il d'une voix frustrée. Ce bracelet ne nous en dévoilera pas plus. Il est trop ancien et a perdu de sa précision.
  • En plus de dix cycles, il me semble normal que cela soit le cas, répondit la femme qui servait directement sous ses ordres.

 Il soupira. Il n'avait toujours pas retrouvé les enfants et il les espérait encore vivants ! Il fouilla les chambres mais, malheureusement, à part quelques draps dévorés par le temps, il ne trouva rien d'autre. Son âme frissonna à l'idée qu'elles se soient fait enlever. Yuu se rapprocha de la cheminée dans la cuisine. Un doute l'attrapa. Elle se remémora qu'un jour Mina lui avait confié un secret la concernant : Il s'y trouvait un double fond pour y cacher des concoctions d'herbes illégales ou du Daku, un fruit interdit dans ce pays.

  • Et ici, jeune maître ?

 Neryss revint dans la cuisine et étudia l'endroit. Commençant à perdre patience, il tenta de dégager les cendres à mains nues pour trouver un mécanisme en dessous, salissant un peu plus son habit, mais sans rien y trouver. Il poussa chaque pierre en espérant que l'une d'entre elles se déloge. Ses mouvements devinrent rapides et les battements de son cœur s'accélérèrent.

  • Peut-être... Allez ! Dis-moi qu'elles sont là, saleté de bijou !

 Ses mots se transformèrent en onomatopées puis en râles. Pendant qu'il cherchait frénétiquement, un léger craquement se fit entendre à son poignet. Le bracelet magique commençait à se fissurer.

  • Plus vite ! grogna-t-il, la sueur perlant sur son visage.

 Sa compagne, plus sereine, devina un petit trou caché entre deux briques du fond de la cheminée, d'où une faible lumière blanche s'échappait. Elle y inséra trois doigts, et arracha le double fond de toutes ses forces. La fumée se répandit, aveuglant et étouffant les deux limiers. Deux nouvelles lueurs enfantines apparurent. La plus grande des deux, celle portant les mêmes oreilles que ses parents, Yin'Fia, retenait les cris de Sohalia d'une main contre ses lèvres. La panique laissa place aux larmes alors que Neryss essayait d'attraper les spectres transparents dans ses bras.

  • Elles sont là, Yuu. Elles sont bien vivantes ! Merci... Merci.

 L'enquêteur prit un instant pour retrouver ses sens. Après quoi, il réfléchit : Les deux sœurs n'avaient pas été tuées. Au moins, ça, c'était une certitude. Maintenant, avaient-elles été découvertes ? Que le double fond soit revenu en état était un bon indice. Ça voulait dire qu'il avait été remis là, en place, probablement pour cacher leurs traces si les bandits revenaient. Un objet enchanté ou une magie bien utilisée pouvait facilement reconstruire une cheminée comme celle-ci. Avant que Neryss ne puisse arriver à une conclusion, un nouveau bruit se fit entendre à son poignet et le bracelet tomba, fendu en deux parties distinctes. La pièce replongea dans cette ambiance vieillotte de ruine délabrée. Il se leva et s'adressa à sa servante :

  • Allons-y. L'attaque a dû se passer il y a quelques cycles. Je dirais... trois ou quatre, vu l'état de la végétation sur les murs. Je suis persuadé que nous pourrons avoir plus d'informations au seul endroit encore en contact avec Mina et Tae – Alnire, la cité-académique de magie et capitale du royaume de Meruel.
  • Oui, jeune maître, accepta Yuu. Je souhaite revoir Yin'Fia et surtout Sohalia... Je veux m'assurer qu'elles vont bien.

 Les deux alliés décidèrent d'arrêter leur enquête ici. Ils en avaient appris autant qu'ils le puissent. Cependant, un détail attira l'attention de la femme au kimono, en sortant.

  • Ces lianes sont imprégnées de magie. Elles sont suspectes.

 Elle regardait un grand arbre derrière le jardin. Ses lianes s’entremêlaient tel une toile d’araignée et sa taille imposante empêchait de voir plus loin derrière.

- Si c'est le cas, je ne peux pas le ressentir, déclara Neryss en se caressant la poitrine. Mon sceau m'en empêche.

  Yuu se rapprocha. Elle invoqua un peu de magie dans son doigt et frôla l'un des végétaux. Aussitôt, l'arbre tout entier se résorba dans un grand bruissement et un passage se dévoila dans la forêt.

  • C'est intéressant, commenta-t-elle d'une voix perplexe. Voulez-vous emprunter ce sentier ?
  • Oui ! Peut-être que nous en apprendrons plus sur Sohalia et Yin'Fia.

 Les comparses suivirent cette nouvelle piste. Au bout d'une dizaine de minutes de marche, une éclaircie transperça enfin la cime. C'était presque féerique. Sous les rayons du soleil matinal traversant l'épaisse couche des feuillages mordorés, siégeaient ici deux énormes rochers dans un silence intemporel. Les deux tombes portaient plusieurs lignes gravées indiquant les défunts entérrés ici. À leurs bases, il y restait quelques restes d'offrandes : des fleurs à présent flétries. Seul un piédestal vide et décoré de lignes d'or et à l'apparence plus ancienne osait les séparer. Le cœur de Neryss s'emballa. Il s'approcha, tremblant, et s'agenouilla solennellement auprès de la plus petite des roches.

  • Mina... toi et Tae êtes là... Je m'excuse. Je n'ai pas pu vous protéger. Si j'avais su, j'aurais abandonné les yeux de Sohalia et je serais venu vous secourir aussi vite que je peux.

 Un instant passa où il n'en dit pas plus, cherchant ses mots dans son esprit bousculé d'un trop grand nombre de pensées.

  • Je prendrai soin de vos filles. Je ferai tout le nécessaire pour qu'elles s'épanouissent en ce monde, je vous en fais la promesse.

 Il se receuillit un moment et finalement se redressa. Il rejoignit sa servante, Yuu, qui n'avait pas trouvé la force d'approcher. Cette dernière ferma ses paupières et se remémora le passé : Ce fameux moment où elle avait boudé Tae parce qu'il lui avait demandé un verre de trop. Ou encore cet autre fois où Mina lui avait confié être anxieuse à l'idée de débuter sa nouvelle vie ici, loin de sa ville natale. Une larme en forme de perle gelée tomba sur la mousse qui recouvrait la terre.

  • On peut y aller ? demanda Neryss d'une voix douce.
  • Oui... Oui.

 Un sourire léger apparut sur le visage de Yuu. Elle reprit ensuite une expression impassible, comme elle l'avait apprise pour son rôle de servante.

  • Allons-y. S'exprima-t-elle.

 Elle jeta un dernier regard en direction du piédestal vide et fronça les sourcils. Quelque-chose se trouvait-il ici auparavant ? un artefact ? Ou bien la structure devait-elle y accueillir un objet futur ? Elle secoua la tête, Mina et Tae n'en avaient jamais parlé et elle ne pouvait plus leur demander. Neryss et Yuu revinrent sur leurs pas. Ils rejoignirent leur attelage qui les attendait un peu plus loin, sur une route pentue. Le cheval en pleine forme tirait un chariot d'un bois vieux et craquant. Neryss monta à l'avant pour agripper les rênes tandis que Yuu s'assit à l'arrière, proche d'une statue saisissante de réalisme qui portait un arc d'une étrange confection aux abords métalliques.

- Allons d'abord au cimetière de la colline d'Alnire. Nous devons y déposer la statue d'Iril et la ramener auprès des siens, indiqua l'ancien professeur.

 Il fit claquer les rênes d'un coup sec et le cheval s'avança avec aisance, malgré un poids conséquent. Une lumière vive et bleutée passait à travers les planches du chariot, comme enchantée par une sorcellerie. Les nombreux filaments de magie avaient comme origine la main de Yuu qui touchait son banc sans trop y porter d'attention.

  • Tu penses pouvoir tenir jusqu'au bout, Yuu ? Ta magie est certes grande mais un sort d'allègement comme ça fatiguerait le plus grand des mages de l'académie s'il le pratiquait pendant plusieurs jours.
  • Jeune maître, ne me comparez pas à ces jeunes élèves inexpérimentés, je suis bien plus capable qu'eux. Concentrez-vous, ne prêtez pas attention à moi et veuillez ne pas insulter mes capacités.

 Neryss rit avant de sortir un petit morceau de végétal jaune et pointu de l'une de ses bourses, la peau d'un fruit de Daku.

  • Je tiens quand même à vous prévenir que je n'apprécie guère que vous preniez cette substance. Peu importe ses effets énergisants, l'addiction qu'il en résulte est dangereuse et pourrait vous pousser à en vouloir plus jusqu'à vous empoisonner le cœur.
  • Sans ça, notre voyage serait trop long, répondit Neryss sur un ton désintéressé. Nous serions obligés de prendre des pauses chaque nuit. Et puis, ce n'est qu'un petit plaisir parmi tant d'autres. Ce n'est pas si dangereux quand on sait comment le doser. Tu t'inquiètes pour rien.

 Plusieurs jours de voyage les séparaient de la cité-académique. Il n'y eut que peu d'obstacles sur la route. Ce n'était qu'un long chemin monotone de pavés mal agencés. Les deux voyageurs s'arrêtèrent uniquement pour reposer leur cheval. Et après cinq jours à tenir uniquement à la peau de Daku, Neryss sentit la fatigue l'assommer.

  • J'ai besoin d'un arrêt, Yuu ! Arrêtons-nous là.

 Il indiqua les abords d'une rivière ruisselante qui jouxtait la route, et dont la lisière de la forêt décorait l'autre côté. La fatigue s'imposait sur son visage. Mais cela ne l'arrêta pas, il descendit et s'attela à l'installation de la tente dans l'espoir de pouvoir vite s'y affaler.

  • Je vous ai connu plus endurant, jeune maître, indiqua la femme d'un rire discret.

 Neryss ne prêta pas attention à la pique lancée par sa comparse et préféra se concentrer sur le dressage du camp. La servante décida d'aller nourrir leur monture. Il fallait bien que cette pauvre bête mange aussi. Yuu sentit son propre ventre se creuser en voyant les bouches d'herbes disparaître dans l'estomac de l'animal. Heureusement, l'eau brillante à côté laissait transparaître de juteuses proies qui la firent saliver. C'était décidé, ce soir ce serait poisson ! Soudain, sortant de la forêt voisine, un homme s'exprima de façon provocatrice :

  • Oh, qu'avons-nous là ? De jolies p'tites proies faciles. Hein, les gars ?

 Il invita ses complices à se joindre à lui et d'autres inconnus sortirent de la forêt voisine pour répondre à son appel. Ils portaient tous des tenues trouées, sales et camouflées de feuillages et de branches. Un bandit, puis deux, puis trois. Très vite, les deux voyageurs furent encerclés par une dizaine de personnes armés de massues, de piques et de hachettes. Certaines armes étaient même déjà tachées de sang, témoins de leurs meurtres passés.

  • Alors le duo de nigauds, vous voyagez sans gardes ? Allez, donnez-nous vos possessions. Et toi, la fille, tu va v'nir avec nous bien gentiment et rien n'arrivera à ton mari, d'accord ?

 Le poing de l'intéressée se serra et ses yeux se tintèrent d'un éclat bleu. Neryss, sans laisser transparaître une once d'inquiétude, lui jeta sa bourse aux pieds. Elle s'écrasa sur les pavés de la route et déborda de pierres précieuses, pièces et bijoux en tout genre. Certains étaient gravés de runes de couleurs et d'autres de cristaux.

  • Écoutez, je ne peux pas vous laisser me prendre Yuu, elle m'est bien trop chère. J'aimerais que vous vous contentiez de ça, s'il vous plaît.
  • Pardon ? Tu n'vois pas dans quelle situation vous vous trouvez, peut-être ? Tu crois vraiment être en position de négocier, le marchand ? Tu t'moques de moi ? J'suis sûr qu'il n'y a même pas de quoi payer la tournée à mes hommes là-d'dans !

 Pendant que le chef protestait, l'un de ses suivants à l'air benêt se rapprocha du chariot, attiré par l'arc de belle facture porté par la statue. Il tendit le bras doucement, mais avant qu'il ne puisse le toucher, une gerbe de sang explosa dans les airs et tâcha la route et les planches du véhicule. Un pieu glacial sortait de la terre et venait de transpercer le pauvre hère du ventre au dos.

  • Je vous interdit formellement de poser ne serait-ce qu'un doigt sur ce chariot ! ordonna Yuu d'une voix hargneuse.

 Ses yeux s'illuminèrent d'un bleu étincelant et son corps laissa échapper une brume qui envahit le secteur. La panique prit aussitôt les voyous qui la chargèrent, l'arme levée. Un premier frappa de sa masse en bois, mais il fut paré par une lame gelée apparut dans la main de la servante - Son cou finit tranché. Un second tira une flèche en direction de l'épaule de la femme aussi violente qu'une démone et réussit à la toucher. Hélas, le trait retomba, sans même avoir pu égratigné sa cible. Yuu en profita pour lui lancer un projectile froid et pointu directement dans le cœur. Le troisième hésita en voyant l'échec de ses camarades. Il tenta de fuir mais fut vite rattrapé et tué. Et ainsi, l'élégante femme continua à abattre les bandits un à un. Elle transforma le campement en un véritable charnier. Enfin, elle rejoignit le premier briguant proche du chariot et éclata son crâne sous sa sandale de bois, comme s'il ne s'agissait là que d'une vulgaire pastèque.

  • Ne... la... touchez... plus ! grogna-t-elle entre chaque coup de pied.

 Après avoir fini, elle marcha lentement entre ses victimes. Elle les acheva soit d'un coup de semelle, soit en leur plantant son épée. Le bruit des cranes écrasés ne la rebutait pas plus que ça. Le chef, effondré contre un tronc et les paupières grandes ouvertes, regrettait sans doute son avidité.

  • Attends ! intervint Neryss. J'ai une question pour lui.

 Ce dernier s'accroupit aux côtés du blessé et plongea son regard dans celui de l'homme adossé. Il avait du mal à ne pas sombrer dans l'inconscience à cause de la blessure béante à son ventre et de ses organes qui s'en échappaient.

  • Dis-moi ce que tu sais concernant un pillage dans la forêt d'Eperone. À une vieille maison, où un couple vivait avec leurs enfants. Qui sont les personnes aux colliers de dents qui les ont attaqués. Et qu'est-ce qu'il voulait ?

 L'homme ne répondit pas. Il fixait Yuu devant lui et à chacun des pas qu'elle faisait dans sa direction, il se plaignait de peur et de douleur.

  • N'approche pas, foutue sorcière ! Dégage !

 Ses mots ressemblaient plus à des supplices qu'à une demande ou un ordre. Étrangement, Neryss devina une pointe de tristesse sur le visage de Yuu. Comme si elle regrettait d'avoir été si violente. Le venin craché par ce qu'elle considérait comme un insecte semblait l'avoir touchée plus que n'importe quelle arme.

  • Jeune maître, je ne pense pas que vous pourrez en tirer quoi que ce soit. Je propose d'abréger ses souffrances rapidement.

 Neryss soupira et se dirigea vers sa tente, ignorant les prières de l'avide bandit.

  • Pitié... supplia ce dernier.

  Il grogna une dernière fois alors que Yuu tranchait sa gorge à l'aide d'un couteau généré vulgairement dans sa main. La femme se leva et constata son carnage.

  • Tu pourras te nettoyer en première, signala Neryss. Je vais m'occuper du bois pour le feu et... de faire disparaître les preuves.

 Yuu se déshabilla, laissant apparaître de nombreuses cicatrices récupérées au cours des cycles au service de son jeune maître. Elle s'immergea dans la rivière jusqu'aux épaules sans même prêter attention à la température. Ses longs bras fins, sa petite poitrine ainsi que son ventre étaient particulièrement atteints par les blessures. Ces hanches, ses poignets et ses chevilles étaient emprisonnées dans une glace éternelle. Neryss alla chercher quelques morceaux de brindilles dans la forêt. Il déposa le fagot au sol et installa des pierres en cercle. Quand l'installation fut prête, il s'équipa d'une bague ornée d'un rubis flamboyant. Il l'approcha du bois et une flamme avala le bois. L'accessoire finit par se briser en deux parties.

  • Vous n'aviez pas peur qu'ils vous subtilisent vos biens ? demanda Yuu. Ils auraient pu les utiliser contre nous.
  • Tu m'aurais quand même défendu, non ? Ces vulgaires jouets ne sont rien, pour toi. Alors que moi, je suis obligé de faire avec si je veux pouvoir ne serait-ce qu'allumer un feu.

 Les deux complices se regardèrent dans le blanc des yeux. Ils gloussèrent en oubliant presque l'odeur sanglante des cadavres voisins. Une fois le feu de camp allumé, Neryss joignit les corps qui recouvraient la route ensemble. Il s'accroupit et posa une main sur l'un d'entre eux. Un liquide noirâtre s'en échappa. La mixture s'étala sur le tas de cadavres jusqu'à intégralement les recouvrir. Les restes des bandits s'enfoncèrent lentement dans un bruit macabre de mastication étrange. Armes, corps et habits se firent engloutir. L'étrange sort, le seul que pouvait utiliser Neryss, finit par se résorber dans sa main. Il ne restait plus que les gravats du combat et quelques piliers glaciaux qui fondraient de toute façon avec le temps. Même les tâches de sang avaient disparu. L'incantateur joignit ses deux mains ensemble en forme de prière avant de s'exclamer :

  • Merci pour ce repas.

 Il retourna s'installer sur un rondin mort installé là en guise de siège, juste devant sa tente, à côté de la rivière. Le temps passa et le crépuscule tomba. L'air devint de plus en plus frais et humide, et les nuages s'accumulèrent dans le ciel.

  • Allons nous reposer, suggéra Neryss. La nuit va être courte et agitée avec ce temps.

 Après un sommeil turbulent et peu réparateur, les deux baroudeurs reprirent leur route en direction d'Alnire. Durant les trois aubes qui leur restaient de trajet, ils croisèrent quelques bêtes sauvages. Même quelques monstres firent leurs apparitions mais sans jamais être agressifs. Ce qui étonna un peu Neryss. Au petit matin du quatrième aube, le cheval gravit la route étroite d'une colline. Chacun de ses sabots eut plus de mal à se poser que le précédent. Et pour cause, le chemin n'avait pas été entretenu depuis belle lurette. Neryss fit claquer les rênes pour motiver la monture et, finalement, ils arrivèrent tout en haut. Un sentiment de nostalgie gonfla la poitrine des deux camarades. En aval, une gigantesque citée se dévoila. D'épais murs de pierres entouraient les habitations sur plusieurs dizaines de milliers de pieds. Au centre de la ville siégeait un gigantesque château blanc formé de nombreuses tours qui s'entremêlaient dans de grands cristaux bleutés. Les toitures rosées se confondaient avec les rares nuages et les illustrations des vitraux se discernaient même depuis les hauteurs d'où ils se trouvaient. Neryss inspira l'air frais et revigorant. Enfin il revenait ici, dans son « chez lui » : Là où il avait enseigné à tellement d'élèves qu'il ne pouvait même plus les compter – dont à Mina'Fia et Tae'Fia. Il partagea un regard complice avec Yuu, et les deux compagnons reprirent leur route.

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