La chute de Tanaka

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Le vacarme est assourdissant. Des milliers de spectateurs hurlent, applaudissent, scandent des noms. Les lumières aveuglantes éclairent le tatami central, où se joue le combat le plus important de la carrière de Jake Tanaka : la finale du Sekai Taikai. Jake inspire profondément. Son cœur cogne contre sa poitrine, mais il garde le regard fixé sur son adversaire. Un mur d’acier, impassible, inébranlable. Un homme dont le nom résonne déjà comme une légende. Ryusei Kurogawa. Jake le sait. Ce n’est pas juste un combat. C’est une guerre.

— Reste concentré, Jake, souffle une voix derrière lui.

Il tourne la tête et croise le regard perçant de Maître Hideo Nakamura. Son sensei. Son guide. L’homme qui l’a formé depuis l’enfance, qui a cru en lui alors que personne ne le faisait.

— Ce n’est pas qu’un combat de karaté, ajoute Nakamura à voix basse. C’est ton combat.

Jake serre les poings. Il veut répondre, mais l’arbitre lève la main.

— Hajime !

Jake fonce.

Il attaque immédiatement, enchaînant un jab rapide suivi d’un mawashi geri. Son pied fend l’air, vise la tempe de Ryusei. Mais il frappe le vide. L’adversaire a esquivé. Sans effort. Jake ne se laisse pas déstabiliser. Il repart à l’attaque. Coup de poing. Coup de pied. Contre-feinte. Son karaté est rapide, précis, affûté par des années d’entraînement sous l’œil exigeant de Nakamura. Mais Ryusei ne bouge presque pas. Il esquive, bloque, analyse. Et soudain, il frappe. Un direct au foie. La douleur est immédiate. Jake titube. Il recule d’un pas. Il tente de respirer, mais il n’y arrive plus. Il ne comprend pas. Un seul coup, un seul. Et son corps le trahit déjà.

— Jake, garde ta garde ! crie Nakamura.

Jake serre les dents. Il se reprend. Il attaque encore. Un coup de coude, un enchaînement de jambes, une tentative de projection. Mais c’est inutile, il est trop lent. Trop prévisible, Ryusei le sait. Un nouvel impact explose dans son estomac. Jake n’a même pas le temps de le voir venir. Puis un autre. Et un autre. Il ne se bat plus, il subit. Le sol tangue sous ses pieds. Son corps est lourd. Puis Ryusei donne le coup final. Un coup de pied retourné, parfaitement exécuté, qui s’écrase contre sa mâchoire. Le monde bascule. Jake s’effondre. Sa tête percute le tatami avec un bruit sourd. Le silence tombe. Les cris se dissipent. Il entend un bourdonnement dans ses oreilles. Quelqu’un crie son nom. Jada ? Jacket ? Il ne sait plus.

Il ne voit plus rien.

Un…

Il veut se relever. Ses bras tremblent.

Deux…

Son souffle est court. Il sent le sang dans sa bouche.

Trois…

Son regard cherche dans la foule.

Quatre…

Son père détourne les yeux. Sa mère baisse la tête.

Cinq…

Il entend les murmures.

— Il n’a jamais eu une chance.

— Une honte.

— Le dojo Nakamura ? Une blague.

Six…

Le regard de Nakamura est figé sur lui. Il ne dit rien.

Sept…

Jake serre les poings. Il veut se lever.

Huit…

Mais son corps ne suit plus.

Neuf…

Tout ce qu’il a construit… tout ce qu’il croyait être…

S’effondre.

Dix.

L’arbitre annonce la fin du match. L’arène explose de joie. Ryusei est couronné champion. Jake, lui, reste au sol. Quand il ouvre les yeux, il est dans les vestiaires. Sa tête pulse. Il sent l’odeur du désinfectant, du sang séché. Devant lui, Nakamura est assis. Immobile. Silencieux.

— Sensei… murmure-t-il d’une voix rauque.

Nakamura ne répond pas immédiatement. Il le fixe. Un regard qu’il n’a jamais vu. Puis il parle.

— Tu es faible, Jake.

Le cœur de Jake s’arrête.

Nakamura se lève, le domine de toute sa hauteur.

— Tu n’étais pas prêt. Et tu le sais.

Jake ouvre la bouche. Il veut protester, dire qu’il a fait de son mieux. Mais il n’y a aucune excuse.

Il a échoué.

— Si tu avais suivi mes conseils, continue Nakamura, tu n’aurais pas été ridiculisé.

Jake baisse la tête.

— Tu n’es plus mon élève.

Ses oreilles bourdonnent.

— Sensei, attendez…

Mais Nakamura tourne les talons. Jake veut se lever. Il veut le retenir. Mais ses jambes ne répondent plus. Alors il regarde son maître s’éloigner. Sans un mot, sans un regard. Et il comprend. Ce soir, il a tout perdu.


***


Dehors, la nuit est froide. Jada et Jacket l’attendent. Ils s’approchent. Jacket veut lui parler, mais Jake lève la main.

— Ne dites rien.

Jada fronce les sourcils.

— Jake…

Il ne veut pas l’entendre.

— J’arrête.

Jacket tressaille.

— Quoi ?

— J’arrête le karaté.

Jada rit nerveusement.

— Arrête… Tu dis n’importe quoi.

Jake ne plaisante pas.

— Nakamura m’a abandonné. Mon père me méprise. J’ai perdu. Je suis fini.

Jacket secoue la tête.

— Mec, c’était qu’un combat.

— Non. C’était tout.

Il fait un pas en arrière.

— Je quitte la ville.

Les yeux de Jada s’ouvrent en grand.

— Attends. Quoi ?

Il ne répète pas. Il tourne les talons et marche vers l’obscurité.

— Jake ! crie Jada.

Il ne se retourne pas, il disparaît. Au loin, dans l’ombre d’une ruelle, quelqu’un observe la scène. Un homme aux yeux froids. Il regarde Jake s’éloigner, un sourire en coin. Tout se passe comme prévu.

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