Chapitre 10-2

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— Bonjour, docteur Chopin.

— Bonjour, Mademoiselle Cervier. Asseyez-vous.

Jetant un coup d'œil vers lui, je prends place. Comme à son habitude, il est placide, imperturbable. Serait-il indifférent ?

Peut-être prend-il aujourd'hui un peu plus de temps pour s'installer.

— Alors, ces cauchemars, que vous disent-ils ces derniers temps ?

Quelques secondes s'égrènent.

— Mes nuits sont plus apaisées. Les images et bruits déplaisants reviennent moins souvent.

— Ce sont toujours les mêmes ?

— Oui.

Levant les yeux de ses notes, il s'attarde sur mon visage, comme étonné de la brièveté de ma réponse.

— Pouvez-vous m'en dire un peu plus ?

— Mais… Docteur ? questionné-je, dubitative.

— Oui ?

— Mais, Docteur, je vous ai laissé un message en prenant rendez-vous !

— Vous préférez parler de cela ?

— Bien sûr.

Un doute soudain enserre mes tempes.

— Les résultats de la prise de sang sont positifs.

Une vague de bonheur m'envahit que je n'ose laisser s'exprimer.

— Cela confirme le test d'hier.

— Comment envisagez-vous cela ? prononce-t-il lentement, presque à mi-voix.

— Je porte la vie. Une force, bien au-delà de moi, a voulu que je porte la vie, m'exclamé-je avec conviction.

Un sourire irrépressible se dessine sur son visage.

— Je craignais que l'annonce de cette grossesse ne représente un problème insurmontable pour vous. Surtout en ce moment.

— Non. Non, cette vie ne me pose aucun problème. J'ai envie de dire : au contraire.

— Certaines femmes, dans votre situation, auraient recours à une interruption de grossesse. Cela peut se comprendre.

— Je peux le comprendre. Mais je ne veux pas.

J'ai asséné cette dernière phrase avec une détermination indiscutable.

— Bien. C'est à vous de décider.

Ses paroles sont distillées de façon à laisser un temps de réflexion entre chacune.

— Souhaitiez-vous un enfant ?

Sa question m'interpelle, elle m'envoie dans des contrées embrumées. Mes paupières se ferment un bref instant.

— Vous voulez dire, avec mon compagnon ?

Il hoche la tête.

— Je n'en ai aucune idée, finis-je par prononcer dans un souffle.

Il me regarde gravement. Je reprends presque aussitôt :

— Je n'en ai aucune idée. Mais, moi, ça fait longtemps que j'espérais un enfant, dis-je en me redressant.

Il plisse les yeux, puis :

— Sur quoi vous basez-vous pour dire cela ? Vous vous souvenez ?

Derrière la vitre, un arbre agite ses feuilles dans le soleil.

— Je le sens, c'est en moi.

Mes mains se posent sur mon ventre avec douceur.

— Il y a donc des éléments qui affleurent et se manifestent dans un contexte approprié.

— On dirait, oui.

— Soyez attentive à ces signes, ils vous seront d'un grand secours. En avez-vous perçu d'autres ?

Un temps me semble nécessaire.

— Je ne crois pas.

Il repousse son bloc et reste silencieux quelques secondes.

— Puis-je me permettre de dépasser mes prérogatives ?

Mon regard l'encourage.

— Avez-vous pensé à la façon de vous organiser pour l'élever seule ?

— Il aura besoin d'amour, de beaucoup d'amour et j'en ai énormément à donner, affirmé-je avec enthousiasme.

Il ne peut retenir un franc sourire.

— C'est vrai, un enfant a besoin d'amour.

Je le coupe.

— Pas seulement les enfants !

— Pas seulement les enfants, répète-t-il.

Puis, il enchaîne :

— Votre travail vous permettra d'assurer le côté matériel. Vous plaît-il ?

— Je crois, oui.

— Avez-vous envie de reprendre votre activité ?

— Pensez-vous que j'en sois capable ? demandé-je, tout à coup dans le doute.

— Oui.

— Je vais avoir besoin d'aménager une belle chambre d'enfant.

Ce projet me ravit et provoque un sourire radieux sur mes lèvres.

— Bien sûr.

— Je veux pouvoir l'accueillir dans des pièces claires, douces et chaudes, où je pourrai le bercer pour le rassurer quand il pleurera, l'endormir quand il sera fatigué, le nourrir quand il aura faim.

— Oui.

— Je veux tout lui donner. Toute ma force, toute mon envie de vivre, le peu de bonheur qui est en moi que nous décuplerons ensemble, prononcé-je, exaltée.

Le silence revient et se prolonge quelque peu. Je reprends plus bas.

— Je vais rentrer chez moi.

— Ce retour sera sûrement difficile, mais il vous aidera certainement à retrouver la mémoire.

— Je n'ai pas peur de la retrouver. Je me sens solide, j'ai assez de courage pour affronter.

— Si vous avez besoin d'aide, n'hésitez pas à me contacter.

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