Chapitre 12

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"Lo solelh la fa cantar[1]" dit-on par ici lorsque le chant de la cigale se fait entendre au plus fort de l'été en un doux chuintement apaisant.

Ce qui fait chanter mon cœur aujourd'hui, c'est la visite prochaine de mon fils. J'ai tant de choses à lui dire, tant de baisers à lui donner. Même si je reste silencieuse devant lui, immobile, les yeux rivés à lui, n'osant pas mes gestes de tendresse.

Pour des raisons professionnelles, celui-ci réside dans une grande ville, trop loin de chez nous pour le voir aussi souvent que je le voudrais. Son métier l'accapare et puis, à bientôt trente ans, il est normal qu'il mène sa vie. Mais, même avec tous les raisonnements et les arguments du monde, il me manque parfois très fort.

Le temps semble ne pas avancer, on dirait qu'il s'étire à l'infini pour retarder ce moment tant espéré. Depuis l'annonce de sa venue pour les vacances, mon cœur est en fête, je chantonne, rêve en souriant, je me sens légère. Portée par mon euphorie, je repousse avec plus de facilité les passages sombres.

Bien sûr, j'ai soigné mon ménage, désirant que notre maison soit la plus confortable possible pour l'accueillir. Au supermarché, j'ai choisi les aliments et les boissons qui lui plaisent.

C'est enfin le jour de son arrivée. Même la météo s'est mise au diapason, pas un seul nuage ne traîne, le vent s'est calmé, nous accordant une quiétude bien appréciable. Je consulte ma montre à intervalles réguliers.

— à quelle heure arrive-t-il ?

— Tu me l'as déjà demandé il y a dix minutes, ma chérie. Allons à la gare si tu veux, nous serons en avance.

Je m'approche de mon mari et l'embrasse, il comprend si bien mon trouble. Tendrement, il m'entoure de ses bras pour m'aider à calmer ma fébrilité.

Federico fait rentrer la chienne, verrouille la porte et nous montons en voiture.

Sur le quai, l'impatience et la crainte m'envahissent à nouveau, l'émotion étreint mon cœur plus que je ne le voudrais.

Et s'il avait changé d'avis et ne venait pas ? Et s'il avait raté le train ?

Enfin, le train apparaît.

Je ne dois pas me laisser submerger par l'émotion.

Je serre les dents, refoule les larmes qui montent.

Quand les wagons ralentissent, je guette les numéros. Puis les gens descendent, inondant les lieux. Alors, je me hisse sur la pointe des pieds et cherche son visage du regard.

Ah !

Non, ce n'est pas lui.

La foule se presse, des éclats de voix, des rires se font entendre, puis le flot s'écoule.

Le voilà !

Un frisson me parcourt et je me raidis pour résister à mon vertige.

Soudain, dans cette tension excessive, dévorante, je ne vois plus qu'une seule personne, la plus importante au monde. Encore une fois, je réprime mon émotion et sourit.

— Salut, ça va ?

— Oui, ça va, dis-je dans un souffle, la tête sur son épaule.

Mon Dieu, que c'est bon !

— Tu as fait bon voyage ?

— J'ai lu, le temps passe plus vite.

— Allez viens, rentrons à la maison !

Dans l'auto, la conversation s'instaure sans tarder au sujet des dernières nouvelles : La fatigue ne devenait-elle pas trop pesante ? Les derniers jours de travail paraissent toujours tellement longs… Comment vont tes amis ? Ne fait-il pas trop chaud dans ton appartement ? As-tu faim ou soif ? D'ailleurs, tu as perdu du poids, il me semble, non ? Tu manges correctement ?

Une fois arrivés à destination, ses affaires sont déposées dans la chambre et nous nous asseyons autour de la table avec une boisson fraîche. Quel sera le programme de ces quelques jours ? Des balades et du repos.

Tout en discutant, je l'observe discrètement. Il a toujours cette attitude un peu gênée, semblant embarrassé par ce grand corps comme quand il était adolescent. Pourtant, aujourd'hui, c'est un si beau jeune homme. Bien sûr, je suis fière de lui. C'est tellement étonnant pour moi, de le voir comme un homme. Dans mes yeux, dans mon cœur, il restera cet être précieux, tant attendu, qui a suscité tant d'amour en moi, qui a donné tout son sens à ma vie, qui m'a donné les sentiments les plus profonds.

Sur sa tablette, les réalisations professionnelles qu'il nous montre reflètent sa sensibilité artistique. Gaies, dynamiques, efficaces, elles témoignent de la finesse de son écoute, de son attention intelligente. Mais il les présente en toute simplicité, avec son enthousiasme mesuré. Son humilité me touche.

Les jours qui suivent sont une mélodie d'une rare gaieté, limpide, lumineuse. Mes cauchemars, mes dragons et autres morsures se sont envolés. Même si j'ai bien conscience que leur retrait n'est que provisoire.

Nos promenades ont lieu le matin pour éviter la chaleur. Nous prenons plaisir à lui faire connaître notre nouvel environnement riche en bâtiments anciens à l'architecture originale et en sites naturels préservés remarquables. La cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur à Narbonne, aux styles roman et gothique, ne le laisse pas indifférent. Le gouffre de l'œil doux, dans le massif de la Clape, le surprend par la hauteur de ses parois calcaires verdoyantes qui abritent un lac à la couleur surprenante.


Au fil de la semaine, je le regarde avec félicité, presque de la béatitude. Je le questionne encore et encore pour apprendre de lui mais aussi pour entendre sa voix. Ni trop grave, ni trop haute, elle résonne en moi dans un effet apaisant.


Soudain, mes heures se sont mises à ressembler à des secondes et nous nous retrouvons à nouveau sur ce quai de gare tant espéré, aujourd'hui tant redouté.

Je ne veux pas que tu partes.

Et pourtant, je sais que ses amis le réclament, que sa vie l'attend, que son bureau a besoin de lui.

Vas vers ta vie mon Cœur !

[1] Le soleil la fait chanter.

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