Chapitre 13-1

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— Tu es sûre que tu veux rentrer chez toi ? Tu te sens prête ?

— Je ne sais pas si je suis prête mais je dois le faire, je dois avancer.

— Tu n'as pas peur de subir un choc ?

Sa remarque m'interpelle.

— C'est peut-être ce qu'il me faut.

— Tu en as parlé au Docteur Chopin ?

— Bien sûr.

Cécile marque un temps.

— S'il est d'accord…

— Il faudra bien que je retrouve mon passé. Quel qu'il soit.

— Dans ton état, tu as plutôt besoin de calme.

— Mon état réclame surtout de la clarté et la reprise en main de mon existence.

Après quelques secondes, je reprends :

— J'ai entendu votre dispute avec Olivier. Il a raison, ma présence ici n'est pas souhaitable. Je comprends que, pour vous, ma grossesse représente une souffrance. Vous traversez une épreuve et je ne dois pas y rajouter la mienne.

— J'essaie de m'habituer à l'idée que je n'aurai peut-être jamais d'enfant mais c'est tellement difficile à accepter. Toutes les tentatives n'ont abouti qu'à des échecs jusque là. C'est si fatigant et mon corps s'empâte. Olivier finira par se détourner de moi.

— Olivier tient beaucoup à toi. Si j'ai bien compris, une nouvelle FIV doit avoir lieu bientôt. Tu vas te reposer pour te donner un maximum de chances.

— Il est hors de question de te mettre à la porte de chez nous, Olivier n'aurait pas dû élever le ton.

— Il ne veut que ton bien et j'en suis heureuse pour toi. Je ne me sens pas chassée, il est temps que je reprenne la maîtrise de ma vie.

Au bord des larmes, Cécile me sourit.

— Par contre, si tu veux bien me conduire à mon appartement…

— Mais oui, je t'accompagnerai.

— Et puis, il faudra que je récupère ma voiture.

Le téléphone sonne. Cécile décroche puis, après un bref instant, me tend le combiné.

— C'est le commissaire Bergal.

— Mademoiselle Cervier, vous allez pouvoir procéder aux obsèques de votre compagnon. Les examens du légiste sont terminés.

Un silence lui répond.

— Sachez que ses parents ont été prévenus. Ils prendront sûrement contact avec vous.

— Mais…

Devant mon visage interloqué, Cécile intervient :

— Que se passe-t-il ?

J'adresse un "merci" distrait au policier et repose le téléphone.

Après mes explications, mon amie m'assure qu'elle m'assistera dans les démarches à accomplir.

— Sais-tu quelles sont mes relations avec mes beaux-parents ?

— Pas très bonnes, je crois, me confie-t-elle avec une grimace.

Je baisse les yeux dans un soupir.

Cécile prend ma main dans la sienne pour me réconforter.

— Tiens, tu as remis ta montre mais pas ton anneau ?

— Ces bijoux ne me plaisent pas, ils ne me correspondent pas. Je conserve la montre pour l'instant parce qu'elle m'est utile. Par contre, cette bague n'a aucune signification pour moi. En plus, elle est trop compliquée, j'aime les choses simples.

— Je vois que tu prends la situation en main.

Puis, avec un rictus inquiet, elle ajoute :

— Quand veux-tu aller chez toi ?

— Tu penses que c'est possible cet après-midi ? Nous pourrions aller chercher mon véhicule juste avant.

— D'accord. Nous irons après le déjeuner.

Déjà, mes yeux partent dans le vague. Tous les silences, sous-entendus puis révélations atténuées des uns et des autres me laissent présager un retour pénible.

Mon amie passe sa main devant mon visage pour chasser de vilaines images.

— Tu as sans doute raison de régler ces problèmes au plus tôt. C'est sûrement préférable pour la bonne évolution de ta grossesse.

Elle s'approche d'un tiroir et en retire une enveloppe, des clés tintent à l'intérieur. Elle me les montre.

— Tu t'en souviens ?

Réticente à les toucher, je les examine.

— Ce sont les clés de chez moi ? Non, ça ne me dit rien.

Un premier choc se produirait-il à leur contact ?

— Mais comment se fait-il que tu les aies ?

Un soupir soulève sa poitrine.

— Le mardi matin, quand je suis rentrée, j'ai trouvé ce message dans ma boîte aux lettres.

— Un message de qui ?

— De Patrick.

Ne pourrait-elle pas parler plus vite, plus clairement ?

— Que dit-il ? Et quand l'a-t-il déposé ?

— Vraisemblablement, il est passé très tôt mardi matin.

Elle distille les informations d'une façon qui m'agace.

D'une main hésitante, elle me présente un feuillet griffonné.

Cécile,

Julie est à l'hôpital de Narbonne depuis samedi.

Je ne pense pas que ce soit bien grave. Tu la connais, elle panique pour un rien.

Je lui ai déposé quelques affaires.

La vie avec elle est devenue vraiment trop difficile. Je pars.

Voilà les clés de l'appartement, tu pourras les lui remettre.

Patrick

Je passe mes doigts sur cette écriture saccadée. Son aspect m'est assez déplaisant. Est-ce vraiment celle de l'homme que j'aimais ?

Les yeux toujours rivés au papier, j'interroge mon amie :

— Depuis que tu es venue me chercher, tu savais qu'il m'avait quittée, pourquoi ne me l'as-tu pas dit ?

— Je ne savais pas comment tu le prendrais, répond-elle tout bas.

Je l'observe quelques secondes. Son comportement s'avère parfois étrangement nébuleux.

Puis, je prends le trousseau dans ma main.

— Pourquoi y a-t-il une clé neuve ?

Cécile hésite encore avant de répondre.

— L'appartement a été cambriolé. On a dû faire changer la serrure.

— Certaines choses ont été volées ?

— D'après les premiers constats, rien. La télé et le magnétoscope sont là. Un certain nombre d'objets étaient sur le sol mais, à part les affaires de Patrick, tout semble intact. Les policiers n'ont pas découvert la raison du cambriolage mais ils continuent à enquêter. Peut-être pourras-tu dire si quelque chose manque.

— Je l'espère.

Pendant plusieurs minutes, le silence s'installe dans la maison. Nous préparons le déjeuner.

Mon esprit continue désespérément à divaguer. Comment va se passer le contact avec cet appartement ? Pourquoi ce cambriolage ? Que cherchaient-ils ? Cette épreuve me permettra-t-elle de retrouver la mémoire ?

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