Brest
Souviens-toi cet été indécis plein de brumes,
Tous ces bonheurs que nous eûmes, vagues et succincts.
À portée de nos mains, à un train de l’écume,
Les embruns que l’on hume demeurent indistincts.
La houle tempête, bat les foules de mâts,
Et s’abat la déferlante saoule de rage.
Dans l’eau trouble fête, sous cet affreux climat,
Mon masque se reflète quand gronde l’orage.
Mes idées noires aspirées dans le tourbillon,
L’eau perle maintenant sur ma coquille vide.
Mais ce que nous enlève l'océan avide,
Nous revient vite, lambeaux de ce cœur en haillons.
Depuis le port, je songe à ces beaux naufragés.
Ressens-tu quel goût amer et salé les ronge ?
Non, ces corps bleuis ne seront pas recrachés.
La mer met l’homme à terre et le voilà qui plonge.
Au loin, des nuances de gris qui se chamaillent,
La ville brûlée que la bruine abîme encore.
Des cratères fumants desquels on voit les failles
De ce théâtre que les abîmes décorent.
C’est l’heure. Il faut raser pour mieux reconstruire !
S’il le faut, je serais Pharaon dans l’exode :
Radical, absolu. Oui, je serais Hérode.
C’est l’heure. Pour créer, il me faut tout détruire.
Avril 2020
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