Lionne-1
Après l’éclat d’Hugo, Océane était partie. Finalement, tout le repas était parti au congélateur, même la part de Léa. Elle n’avait pas faim, pas soif, pas sommeil. Les bras en croix sur son lit qui sentait bon l’adoucissant et la luxure, elle attendait une réponse sur le sens des évènements, un déclic qui ne venait pas.
Je me sens vide.
Le désir était retombé, mais la culpabilité demeurait. Hugo avait amplement mérité ce qui lui était arrivé, mais Léa ne pouvait s’empêcher de se dire qu’elle aurait préféré ne pas être l’agent du Karma. Blesser son ex-petit ami lui avait fait du bien, sur l’instant. À présent, elle ne parvenait pas à savoir ce qu’elle ressentait. À l'égard d'Hugo, pour Océane, envers elle-même. Tout était flou.
Après seulement deux heures de sommeil, il avait fallu retourner en cours. Grâce à Hugo, Léa connaissait les amphis de psycho et les horaires des cours. Avant de rejoindre le sien, elle se réjouit à l’idée de faire la surprise d'une visite à Océane. Pour éviter de tomber sur son ex, elle se faufila derrière un bâtiment de façon à voir sans être vue. La jolie brune n’était pas matinale, ce fut presque à l’heure du début des cours qu’elle arriva, main dans la main avec un homme à la peau brune.
Léa n’en croyait pas ses yeux et pourtant, c’était bien l’amant de la vidéo qu’Océane lui avait envoyée morceau par morceau. La courbure de ses épaules, sa carnation de métis, l’angle de sa mâchoire, tout correspondait. Avant d’entrer dans le bâtiment, elle lui déposa une bise rapide sur les lèvres, mais il la retint pour la ramener contre lui et lui imposa un long et langoureux baiser. Les bras autour de son cou, Océane le lui rendit avec une passion qui tordit le ventre de Léa. Lorsqu’ils se séparèrent pour de bon, la jolie brune gloussa avant de disparaître en courant dans le bâtiment.
Désabusée, écœurée d’avoir été trahie à son tour, Léa se rendit machinalement vers son propre cours. Plus qu’en retard, elle avançait comme un robot lorsqu’un coup à l’épaule lui arracha un cri de surprise.
— Oh pardon ! Je suis sincèrement désolée ! lança une fille aux lunettes envahissantes sur un visage en forme de cœur.
Son air ahuri indiquait qu’elle découvrait Léa sur son chemin, comme si la blonde avait été invisible avant le choc. Sa queue de cheval approximative, l’absence de maquillage et ses vêtements tirés sur le côté par deux sacs imposants lui donnaient l’air d’une assistance dépassée par la surcharge de travail. Léa l’avait déjà vue auparavant sans vraiment lui accorder d’importance. Elle l’observa sans lui répondre.
— Tu es toute blanche, est-ce que ça va ? lui demanda la jeune fille en remettant ses lunettes en place.
Le mouvement lui coûta l’un des bandoulières, ce qui acheva de tirer son gilet et sa chemise sur son épaule. Ramenant le tout avec une grimace d’effort, elle lui rendit son regard muet avant de détourner les yeux, comme si l’affronter était devenu trop perturbant.
L’amertume de Léa se changea en autre chose. Elle ausculta la jeune étudiante plus en détail. Loin de ressembler à Océane, avec ses seins lourds et ses hanches larges, sa peau claire parsemée de petits grains de beauté était rougie par sa course et, probablement aussi, par la honte d’être rentrée aussi violemment dans quelqu’un. Ses cheveux châtains étaient fins, les mèches qu’elle n’avait pas domptées en les ramenant en arrière lui tombaient sur les joues, quelques fils de bronze s’égarant jusqu’au milieu de son visage.
— On est dans le même cours, marmonna Léa. C’est quoi ton nom déjà ?
— Lucille. On est ensemble depuis l’année dernière, en fait.
C'est ça, Lucille. Maintenant je me rappelle d'elle.
Soudain, Léa sentit un désir fulgurent monter pour cette quasi-inconnue. La façon dont elle l’observait en coin, la rougeur qui ne disparaissait pas, sa course effrénée pour lutter en vain contre un retard qui semblait avoir perdu toute importance, le gilet décalé et sa jupe noire plissée qui dévoilait ses jambes jusqu’aux genoux, tout l’attirait sans vrai motif.
Sous son gilet ouvert, Lucille portait une chemise blanche à large col. L’un des boutons était décroché et le suivant mis à sa place. Léa trouva ça charmant, elle s’en empara et le fit sauter.
— Qu’est-ce que… ah, je me suis habillée de travers ce matin. Oh putain, le cours !
— Trop tard, prophétisa Léa. C’est Guerrera, mieux vaut être absentes qu’en retard.
— Mais…
— Il ne remarquera pas deux personnes en moins. S’il nous voit nous pointer maintenant, par contre...
Le regard de Lucille se porta vers la double porte à une dizaine de mètres seulement, l'étudiante semblait perplexe. Léa en profita pour s’emparer d’un autre bouton qu’elle fit sauter d’un coup de doigts expert. Sa victime se retourna vers elle en sursautant.
— J’en avais un autre de mal mis ?
— Non, répondit simplement Léa en se dirigeant vers le prochain.
Sidéré, Lucille la laissa lui en défaire deux de plus avant de lui attraper la main entre les siennes.
— Mais qu’est-ce que tu fiches ! siffla-t-elle comme si elle hésitait entre crier et chuchoter.
— Je te déshabille.
— Quoi mais… ici ? Ça va pas non ?
— Tu préfères aller ailleurs ? proposa Léa sans la moindre ironie.
Stupéfaite, Lucille ouvrit la bouche sans rien dire.
Elle a beugué ? C’est trop drôle.
Poussant son avantage, Léa avança sur sa victime et Lucille recula d’autant, jusqu’à rencontrer le mur du couloir. Piégée, elle ne fit pourtant rien pour empêcher la jambe de Léa de passer entre ses cuisses.
— Pas… pas ici, répéta Lucille lorsqu’elle approcha son visage du sien.
Après un court instant de réflexion, Léa s’écarta de sa proie, mais lorsque la main de Lucille se détacha de la sienne, elle en profita pour l’attraper à son tour. Tirant avec douceur sur le bras, elle l’entraîna jusqu’aux sanitaires proches.
La porte se referma avec un bruit de ressort fatigué derrière elle. Lucille était plus rouge que jamais, ses grands yeux la regardant avec un mélange d’appréhension et d’envie.
Elle a les yeux verts. Je n’avais jamais remarqué.
Léa agrippa sa captive par la taille et l’amena lentement contre elle. Lucille se laissait faire, comme hypnotisée par son regard qu’elle n’esquivait plus. Les remarques acerbes sur la jeune étudiante revinrent en mémoire à Léa, la façon dont ses amies de première année s’étaient moquées de la petite boulotte qui passait son temps à la regarder, la dévorant sans discrétion du regard dès qu'elle lui tournait le dos. Une proie facile, une victime parfaite pour passer sa colère et son sentiment d'impuissance.
Lorsque leurs ventres se rencontrèrent, Lucille ouvrit la bouche pour parler, mais Léa l’avertit :
— Si tu veux arrêter, dis-le. Sinon tais-toi.
Les lèvres de sa proie se pincèrent, puis quelques incisives apparurent lorsqu’elle se mordit celle du bas. Léa fit glisser sa main sur la nuque dégagée pour attirer le visage rond vers le sien. Lucille ne résista pas, fermant les yeux pour s’abandonner au contact doux de leurs lèvres jointes. Au contraire, la jeune blonde gardait les yeux grands ouverts, ne lâchant pas sa proie des yeux un seul instant.
Timide, la langue de Lucille vint à sa rencontre. Elle l’accepta et la caressa lentement de la pointe de la sienne, avant d’envahir à son tour la bouche entrouverte de sa partenaire. Le baiser s’éternisa et Léa perdit patience. Sans cesser d’embrasser Lucille, elle la lâcha pour se débarrasser de son blouson et entreprit de lui arracher son gilet. Jusque-là docile, Lucille commença à paniquer, ses bras tremblant sans résister sous l’assaut.
Le gilet brun tomba, puis les derniers boutons s’effacèrent pour que Léa puisse ouvrir la chemise immaculée. En-dessous, une poitrine généreuse compressée par un soutien-gorge très simple l’attendait. Léa quitta les lèvres de son amante pour aller enfoncer langue et dents dans la chair tendre. Lucille gémit avant de porter une main sur sa propre bouche, visiblement gênée de sa réaction.
Ça ne fait pourtant que commencer, pauvre petite chose.
Ses doigts glissèrent le long de la taille de Lucille, cherchant la fermeture de sa jupe. Elle trouva le crochet et le fit sauter pile au moment où deux voix se firent entendre dans le couloir adjacent. Après un échange de regards paniqués, Léa poussa Lucille dans une des cabines de toilettes et y entra, le gilet et son blouson à la main.
À peine eut-elle le temps de fermer le loquet derrière elles que la porte grinça, délivrant les voix de deux hommes en train de se raconter leur weekend en se dirigeant vers elles.
Foutues toilettes mixtes !
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