Chapitre I

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Enfourchée sur sa monture, Linssa galopait à bride abattue entre les majestueux arbres de la forêt d'Ocklandil. Chaque claquement de sabots fracassait le silence serein de l'endroit, troublant la quiétude ambiante. Le souffle haletant de son cheval, puissant et effréné, la poussait à se cramponner à la crinière tandis qu'ils jaillissaient d'une épaisse canopée. Les pics montagneux alentour se dressaient, émergeant des brumes, leurs cimes mystérieuses dissimulant habilement les sommets enneigés.

L'adolescente jeta un rapide coup d'œil en arrière. Ses deux compagnons, Myllia, sa sœur jumelle, et Skyel, leur ami d'enfance, maintenaient le rythme, inlassables, ne laissant aucune chance à la fuite dans cette course effrénée. Confrontée à la respiration haletante de sa monture, la jeune fille dut se résigner à admettre sa défaite et ralentir le galop. Ses poursuivants comblèrent rapidement l'écart qui les séparaient.

– Bah alors Linssy, s'écria Skyel, on ne tient plus le rythme ?

– Certainement pas ! rétorqua-t-elle, Pakko n'est plus tout jeune, tu sais !

– Quelle excuse, railla sa sœur jumelle. Pakko était le cheval le plus rapide d'Ocklandil il y a seulement un an !

Linssa, mauvaise perdante avérée, caressa vigoureusement l'encolure de son cheval.

– Je ne cherche pas d'excuse, je voulais juste le ménager un peu ! Et au cas où tu l'aurais oublié, Myllia, c'était moi qui le chevauchais lors de la course de l'année dernière !

Myllia et Skyel échangèrent un rire moqueur, avant que le garçon ne réplique :

– Tu ne manques jamais une occasion de nous le rappeler, ça c'est sûr !

La jeune fille rejeta fièrement ses cheveux blancs en arrière, arborant un air fier.

– Vous en entendrez parler jusqu'à mon dernier souffle !

Le trio reprit son trot, suivant le sentier qui les conduisait au village d'Ocklandil, situé à la lisière de la forêt. Ocklandil, un modeste hameau sans grande renommée, était niché au cœur du vaste territoire de la Tribu de l'Aigle. Ses habitants étaient principalement des paysans, des fermiers, des marchands, d'anciens mages ou soldats. La vie y était paisible et sereine. Éloigné de la capitale, le village évitait la plupart des contrôles et des patrouilles de l'armée royale. En réalité, Ocklandil était plus proche de la frontière avec la Tribu du Goéland que de la lointaine Cité de Cristal.

Alors que les trois amis pénétraient l'enceinte du village, les activités locales amorçaient doucement leur déclin, signe que la journée touchait à sa fin. Les commerçants repliaient leurs étals, balayant les rues après une journée de labeur frénétique.

Les vendeurs de tissus, de poissons, de pierres précieuses et d'artefacts se faisaient moins nombreux, abandonnant leurs tentatives d'alpaguer les passants avec leurs produits. Les soldats assurant la garde du village regagnaient leurs quartiers après leurs patrouilles, prêts à céder la place à l'équipe de nuit. De nombreuses roulottes, tirées par des mulets ou des chevaux de trait, sillonnaient les sinuosités des chemins menant à l'avenue commerçante. Des enfants des rues arpentaient l'allée, brandissant des bâtons en bois et s'adonnant à leur jeu favori : celui des guerriers, une passion commune à tous les enfants.

Étant familiers de longue date avec le village, le trio connaissait nombreux commerçant et vieillard croisé sur leur chemin. Ils avançaient d'un pas tranquille dans les ruelles, échangeant des salutations amicales avec certains visages familiers. Bientôt, ils atteignirent la modeste demeure où résidait le garçon.

Skyel descendit de sa monture et s'adressa aux deux sœurs :

– On se retrouve ici demain. J'espère que vous êtes prêtes pour votre première Lecture !

Un frisson parcourut le corps de Linssa dès l'évocation de cet événement. L'idée de devoir attendre une nuit entière avant de vivre sa première Lecture était pour elle une torture indescriptible. Elle avait enfin réussi à reléguer cette information au fond de son esprit et regrettait déjà que Skyel le lui ai rappelé. L'évènement allait de nouveau monopoliser toutes ses pensées.

– Tu prends un malin plaisir à la torturer, déclara Myllia en observant le visage de Linssa, trépignant d'impatience.

– Elle a attendu toutes ces années, j'imagine qu'une nuit de plus ne sera pas si insupportable que ça ! répliqua Skyel, amusé.

Alors que Linssa était reparti dans le tumulte de ses pensées parasites, le regard affectueux que Skyel et Myllia échangèrent lui échappa complètement.

– Je n'en peux plus d'attendre ! marmonna-t-elle, plongée dans ses divagations. Imagine si j'ai une Énergie blanche toute nulle ! Ou pire, si je découvre que je suis une prêtresse des soins, ce serait tellement naze. J'espère vraiment avoir un pouvoir hyper rare. Imagine, je pourrais être maître de la mort ! Ça, ça aurait de la classe !

Cela faisait longtemps que ses deux compagnons ne faisaient plus attention à ses divagations redondantes. Les deux sœurs se remirent en route sous le monologue incessant de Linssa.

✧✧✧

Dans le cocon chaleureux du salon familial, trônait un pain frais, tout juste sorti du four. La mère des jeunes filles, encore revêtue de son tablier, les accueillit avec un sourire ravi :

– Vous voilà de retour de bonne heure aujourd'hui ! Comment se sont déroulés vos cours ? s'enquit-elle.

Linssa esquiva la question, répondant avec empressement :

– C'est demain, maman ! Tu réalises ? Demain !

– Je ne risquais pas d'oublier, Linssy. Tu ne parles que de ça, rétorqua-t-elle amusée avant de s'approcher afin de saluer ses filles d'une étreinte affectueuse.

Aelyna, leur mère, était particulièrement jeune lorsqu'elle mit au monde les jumelles, il y a de cela quatorze ans. Leur ressemblance était frappante : un large sourire orné de fossettes, des yeux d'un noir profond et une peau d'un éclat olive. Leur beauté était saisissante, presque arrogante, tout comme celle de leur mère. Seul un trait majeur les distinguait : contrairement à la chevelure ébène de leur mère, Linssa et Myllia arboraient des cheveux d'un blanc éclatant, presque argenté. Ceux de Linssa s'arrêtaient juste au-dessus des épaules, encadrant vivement son visage espiègle, tandis que ceux de Myllia, plus longs et entretenus, descendaient dans son dos avec distinction.

Les deux filles ne savait pas grand-chose de leur père, leur mère leur avait cependant toujours assuré qu'elles avaient hérité de sa chevelure argentée. Aelyna, gardienne de mystères quant à son passé, leur avait tout de même fait la promesse de partager un jour des détails plus approfondis sur son histoire.

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