La rivière Dorcy est un affluent, enjambé par un pont.

Et sous celui-ci, se trouve la Dorcas.

Tapie dans la vase, avec laquelle se confond sa fourrure grasse, elle observe les passants de ses petits yeux jaunes enfoncés dans leurs orbites.

Parfois, sans que personne ne puisse le prévoir, elle sort de l’eau son interminable queue grise et flexible, qu’elle fait remonter lentement le long de la pierre, jusqu’à ce qu’elle puisse reposer sur le chemin, invisible au milieu des irrégularités du pont.

Puis, lorsque quelqu’un a le malheur de poser le pied dessus, la Dorcas enserre la jambe de sa victime avec son appendice, avant de l’entrainer jusqu’à sa gueule béante de piranha !

Nul ne peut y échapper quand elle vous tient !

Et puisque ce passage est obligatoire pour se rendre à la ville voisine, tous étaient des proies possibles pour cette vicieuse bête.

Les habitants ont bien tenté de la déloger plusieurs fois, mais ils se sont heurtés au don de camouflage de l’animal.

Même en sachant qu’elle se trouvait là, personne n’avait jamais été en mesure de la débusquer !

Jusqu’au jour où un voyageur vint à se présenter.

Celui-ci, en apprenant l’existence du monstre, se rendit sur le pont où il s’assit.

La Dorcas ne se montra pas le premier jour, ni le second, ni le troisième… Le voyageur attendit trois longues semaines. Puis, il se rappela la patience infinie dont était apparemment capable la bête pour placer sa queue. Peut-être ne l’avait-il pas vue s’installer ?

Il alla acheter une chèvre, qu’il enjoignit à traverser le pont.

Et comme espérer, au moment où elle atteignit le second tiers du pont : la queue du monstre l’attrapa et vif comme l’éclaire ramena sa proie !

L’étranger vit la Dorcas, avec sa gueule énorme, ses barbillons disgracieux et sa fourrure similaire à la vase où elle se cache !

Il prend alors un bâton, qu’il jette droit dans le gosier du prédateur.

La Dorcas pousse un ultime rugissement de rage, puis coule à pic dans les eaux, terrassée.

Les habitants du village décident alors d’organiser une fête, en l’honneur de leur sauveur !

Puis, après deux jours, il reprit sa route.

…Et en traversant le pont, fut victime de la solide Dorcas vengeresse.