Bon baiser de l'au-delà (part.1)
— Une légende raconte qu’après un décès, le condamné pourrais revenir en spectre dans les sept jours qui suivent. Il pourra ainsi faire ses adieux et demander pardon pour tous ses péchés et espérer obtenir la permission d’entrer au paradis. Bien entendu, moi, je n’y crois pas ! Les fantômes, ça n’existe pas ! Et toi, papy, tu en penses quoi ?
Yuko, une fillette d’à peine six ans, bien qu’avancée pour son âge, s’adresse à son grand-père qui, après un repas copieux, a fini par piquer du nez et plonger dans une somnolence suffisante pour ne plus rien singulariser de ce qui se raconte autour de lui.
— Laisse papy tranquille, il est vieux ! réplique la mère qui commence à débarrasser la table de tatami.
— Rho, d’accord ! répond la jeune fille au long cheveux noir encore décoiffée.
Elle attrape ensuite son bol et s’en va le poser sur le plan de travail de la cuisine. Après quoi, elle part dans sa chambre pour s’apprêter de son ensemble d’écolière, avant de revenir à sa place, auprès du vieil homme proche de se mettre à ronfler.
— Hey ! Papy ! Réveille-toi, ce n’est pas ton lit !
Surpris par les petites mains qui tentent de le secouer, l’homme émerge en sursaut et, une fois revenu à lui, regarde la petite fille à qui il adresse un sourire. Malgré tout, la fatigue est bien présente et ses yeux ne tardent à se refermer une nouvelle fois.
— Yuko ! arrête de crier ! ordonne la mère face à l’évier.
— Mais maman, papy s’est encore endormi !
— Ce n’est pas grave, laisse-le.
— D’accord ! Tu peux m’attacher les cheveux, toi ? Comme ça, je pourrai aller à l’école.
La mère s’empare du linge suspendu sur la poignée du four et se sèche les mains, avant de venir s’accroupir derrière son enfant pour lui peigner les cheveux et les arranger en un chignon détaché, prenant toutefois soin de lui laisser sa frange droite. Après quoi, elle se lève et tend le sac à dos à sa fille, dans lequel elle glisse une pomme rouge. Elle se baisse à nouveau pour lui biser le front puis, sans un mot, s’en retourne à sa vaisselle, tandis que la gamine enfile ses basquettes, ouvre la porte de la maison et s’en va en prenant soin de bien refermer derrière elle.
Un instant plus tard, lorsque la mère termine enfin, elle prend l’initiative de réveiller son vieux père, pour l’aider à se rendre dans sa chambre pour lui offrir une meilleure confortabilité.
— Papa, je fais vite un saut au marché. Toi, tu ne bouges pas de là, d’accord ? Papa, tu m’entends ? Je reviens bientôt !
Sans réponse qui, malgré tout, atteste ses demandes, la jeune mère, célibataire, embrasse tendrement le front de son géniteur puis quitte la chambre, peux rassurée de l’abandonner à son sort. Mais le devoir n’attend pas. Or, elle enfile ses bottines blanches, appuie son sac à main sur l’épaule et franchit à son tour le pas de porte, se retourne, la verrouille et descend la vingtaine de marches menant à la ruelle adjacente qui remonte depuis le village.
À une centaine de mètres à peine, s’étale le vaste marché local. Là où elle achète quelques légumineux, un peu de fruits et de la viande de diverses variétés. Ce n’est qu’après une bonne heure de visite et un festival gustatif qu’elle reprend le chemin de sa demeure.
Parvenue sur le palier de son immeuble, elle pénètre son appartement et se déchausse, avant de fermer la porte à clef et s’en aller déposer les deux gros sacs qui lui encombrent les épaules sur le plan de travail. Elle ne prend toutefois pas soin de ranger ses courses dans l’immédiat. Son instinct la pousse à aller jeter un œil dans la chambre de son père, pour s’assurer qu’il dort encore. Mais à sa grande surprise, celui-ci reste assis sur le bord du lit, les yeux lever au plafond, sa bouche dégoulinante de bave.
— Papa ? Qu’est-ce que tu as ? s’affole-t-elle aussitôt, en lui déposant une main sur l’épaule.
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