Bon baiser de l'au-delà (part.4)
— Chérie ? tu es rentrée ? s’en ravit la mère qui se lève d’un bond et la prend dans ces bras.
En dépit du réconfort que cela lui procure, celle-ci remarque aussitôt que quelques choses a changé. D’une part, la fillette endosse une robe de nuit rouge, courte, qui ne lui appartient pas. Son corps nue en dessous en dit plus qu’il n’en faut, alors qu’une coulée de sang asséchée allant de son entrejambe jusqu’à ses pieds confirme les faits. Rageuse, la mère cherche à ne rien laisser transparaître et caresse la joue de sa fille, blafarde, froide. Trop froide !
— Maman, je suis frigorifiée ! je veux un bain ! pose la fillette qui grelotte et claque des dents.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Et ainsi, quelques cinq minutes plus tard, la baignoire remplie à plus de la moitié, Yuko se débarrasse de sa robe de nuit et laisse apparaître son corps entièrement contusionné.
— Que… Que t’est-il arrivé ? laisse échapper sa mère, épouvantée.
— Maman ! C’est les méchants messieurs qui travaillent à l’école qui m’ont fait mal, répond la concernée qui attrape son Berlingo de jus de pomme laisser sur le lavabo et préalablement prit dans le frigidaire.
— Viens t’installer dans la baignoire, ma puce. Demande Miko, anéantie, alors qu’elle l’aide à s’y installer.
— Merci, Maman, ça va me redonner chaud.
— Dis-moi Yuko, qui t’as fait du mal ? requête cette mère qui s’obstine de toutes ses forces à dissimuler la rage interne qui bouillonne en elle.
— C’est Monsieur le Directeur de l’école, Monsieur le concierge et Professeur Yang. Maman ! je ne veux plus aller à l’école ! Ils me font trop peur !
— Ne t’inquiète pas ma chérie, je vais arranger ça et tu verras, lorsque tu y retourneras, les méchants messieurs ne seront plus là pour te faire du mal. Pour toujours ! Reste tranquille dans ton bain, je vais vite téléphoner, cherche à réconforter cette mère.
Nantie d’une fureur qu’elle ne se connaissait pas, elle sort de la salle de bain et s’en va appeler la police pour dénoncer les faits. À regret, c’est de la bouche du policier qui a répondu qu’elle apprend qu’elle a elle-même supprimée une partie des preuves en lavant sa fille. Et comme les trois lascars font partie de la haute société locale, les accusations sont plus difficiles à ingérer. Même pour la police qui laisse très vite comprendre qu’il ne croit pas que les malotrus mentionnés aient pu commettre un pareil larcin.
Il fallait évidemment s’en douter ! Un Directeur d’école, édile de la ville. Un concierge connu de tous et avenant en toutes circonstances, ainsi que le professeur le plus côté de la ville, en attente d’une réponse pour rejoindre l’université la plus en vogue du pays. De quoi apeurer les forces de l’ordre qui pourraient se heurter à leurs avocats véreux. Et ainsi, davantage plus agacée, Miko opte pour rejoindre Yuko dans le bain.
Sitôt fait, installée derrière sa fille, elle se rend compte que malgré le temps passé dans l’eau chaude, cette dernière reste toujours aussi gelée. Or, elle la retourne et un cri de frayeur lui échappe, avant que toutes les larmes de son corps ne se mettent à cascader sur son visage empourpré par l’excès de colère qui ne s’atténue pas. Un corps meurtri, le teint livide et des pupilles opaques. Il ne lui en faut pas moins pour comprendre que sa fille n’est plus. Ce qui se tient fasse à elle, c’est son spectre. L’émanation de vie de cette enfant qu’elle a tant aimé. Tant chéri. Chair de sa chair qui lui a été enlevé dans l’une des plus atroces conditions et dont nul système judiciaire ne pourra sanctionner les fautifs.
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