Bon baiser de l'au-delà (part.5)

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 En un regard, un puissant courroux aussi dévastateur qu’un ras-de-marré titanesque s’est emparée d’elle. Malgré tout, un minimum de bon sens demeure. Suffisamment, du moins, pour qu’elle s’interroge de façon rationnelle. Doit-elle dégotter un avocat encore plus véreux que ceux des coupables ? Impossible ! Son maigre revenu suffisait à peine à subvenir à leurs besoins. Doit-elle imposer sa vendetta elle-même ? Certes qu’elle n’a plus rien à perdre. Mais en s’engageant sur cette voie, elle sait pertinemment que la police lui tombera sur le poil avant même son passage à l’acte. Et au vu de son statut social, elle ne serait pas prête de revoir la lumière du jour avant longtemps. Sans nul doute pas avant qu’elle ne soit devenu plus vieille et plus sénile encore que son père.

Quel bien cela me procurerait, si une aliénation foudroyant me prenait de court à cet instant, songe-t-elle, envieuse que cela se produise.

 Évidemment, la magie n’opère pas. Même ça, ce n’est que pour les gens fortunés. Ainsi elle se lève et sort de la baignoire, noyée de chagrin et ravagé par la haine.

 — Maman, pourquoi tu ne restes pas près de moi ? se désole l’image de cette fillette partie bien trop vite, bien trop jeune.

 Un effluve de vitalité qui, pour des raisons inconnues, a su transcender les lois de la physique pour se matérialiser en une chose palpable. Imitant les plus infimes irrégularités de ce qu’elle avait été. De ce qu’elle était au moment précis de son décès.

 Sa mère ne peut donner réponse dans l’immédiat. Les mots lui manquent. La force lui manque. Elle n’est qu’une âme en peine. Un esprit détruit par les calamités endurées ces derniers jours. Et sous un sourire qu’elle s’efforce à offrir à son enfant, elle tourne les talons et s’en va, traînant ses pieds nus et trempés sur le dallage froid. Elle s’en va, rejoindre la solution ultime, laissé à l’abandon dans le panier de séchage posé à côté de l’évier de la cuisine. Ce couteau de boucher qu’elle a lavé, après que son père l’ait attrapé pour le brandir sous le nez du policier. Cet ustensile si coutumier et si souvent redouté qu’elle contemple un instant, une fois en main, avant de s’entailler les veines du poignet gauche, suivies par celles du poignet droit. Après quoi, dans un ultime espoir libérateur, elle le porte contre sa jugulaire gauche pour le laisser glisser jusqu’à sa droite, en profondeur, sectionnant ainsi trachée et carotide par la même occasion, son regard désespéré rivé dans celui de Yuko qui se tient étrangement là, debout face à elle, son visage inexpressif, endossant sa sordide robe de nuit rouge.

 — Je vous rejoins, toi est papy !

 Tel est ce que Miko souhaiterait lancer à cet instant. Mais plus le moindre son ne sort de sa bouche, si ce n’est un souffle saccadé, alors que son sang qui ne se répand à terre s’écoule dans sa gorge jusqu’à obstruer ses poumons. La tête lui tourne. La fatigue l’envahi. Puis arrivent la noirceur, le froid. Peu à peu, petit à petit. En sa tête et en son cœur, cette envie de vengeance qui refuse de la quitter.

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