Bon baiser de l'au-delà (part.8)
Sitôt confronté à ce tableau, ce directeur ne peut s’empêcher de hurler à son tour, attirant naturellement son épouse qui avait elle aussi entendu sa fille, mais avait opter pour terminer les deux bouffées de cigarette qui lui restaient avant de venir s’enquérir de nouvelles complaintes interminables portées sur tout et sur rien.
Cependant, face aux exhortations de son mari, elle a accéléré le pas jusqu’à se mettre à courir dans l’escalier, consciente qu’il s’agissait d’un phénomène plus grave que les perpétuels mécontentements d’ados en mal de sensation forte.
Et soudain, une tache noire, hominiforme et entièrement trempée, se pose face à elle et coupe court à son élan lorsqu’elle atteint la dernière marche. Une femme nue au visage dérobé derrière sa longue et abondante chevelure qui la gratifie d’un baiser sur le front avant de s’évaporer tout comme elle est apparue. A-t-elle rêvé ? Elle ne saurait le dire et l’instant ne se prête clairement pas à ce genre d’examen. C’est pourquoi elle reprend sa course jusqu’au bout du couloir. Là où elle s’enfile dans la chambre en passant sous le bras que son époux à lever pour le porter devant sa bouche. Là où elle s’effondre à ses pieds, sans tête, ni colonne vertébrale.
D’un geste brusque, Hikaru se volte et se heurte aussitôt aux restes de sa bienaimée qui planent un instant avant s’écraser au sol. Là, juste à l’entrée de la chambre. Tout comme si une partie du corps avait poursuivi sa course, tandis que l’autre avait décidé de ne pas le suivre. Puis s’insurge ce bruit lugubre, parfait mélange d’essoufflement et de crépitement. La lumière se mette à clignoter et baisser d’intensité, plongeant la demeure dans une pseudo-obscurité. Suffisamment illuminé, toutefois, pour qu’il puisse percevoir ces deux yeux qui s’ouvrent et le fixe, à moins d’un bras de distance, pour le presser à prendre la fuite et se réfugier dans son bureau, angoisser comme jamais il ne l’a été auparavant.
Il verrouille la porte, sans y repenser à deux fois, s’avance jusqu’à son bureau pour empoigner un coupe-papier avant de se retourner face à l’entrée. Dans son autre main, le téléphone sur lequel il compose le numéro d’urgence de la police. Nul temps d’envoyer l’appel ! L’infâme soupire altéré par cet indéfini krt-krt se laisse entendre une fois encore. Là, juste au-dessus de lui, d’où chute quelques gouttelettes d’eau et se ravive ce regard chargé de chagrin qui le scrute depuis le plafond. Là où se trouve une femme nue, la peau anormalement noircie, comme si elle s’était roulée dans du charbon avant d’être grossièrement lavée. Le corps gangréné et vengeur de Miko qui s’abat au sol, face à lui, à trente centimètres à peine. Forcément, il reste planté sur place, dans l’incapacité totale de bouger le petit doigt, alors qu’il a personnellement assisté à ses funérailles. Même à l’instant où elle s’avance et se colle à lui pour l’embrasser sur le front, avant de reculer d’une dizaine de centimètre puis étendre doucement son bras en sa direction, jusqu’à le toucher du bout des doigts. Il panique, sans pour autant se mouvoir. Puis la main poursuit son avancée dans cette gestuelle toujours aussi lente qui presse, pénètre sa poitrine, lui disloque les côtes et s’enroulent autour de son cœur.
Il se sent mal. Il « a » mal, alors qu’elle lui presse le palpitant de sa main moite et glaciale qui revient à vitesse mesurée, afin qu’il puisse sentir la vie lui échapper. Et juste avant que l’aorte ne cède, elle le lui arrache d’un coup sec, avant de l’embrocher sur le coupe-papier, puis porter le tout dans sa bouche pour les lui enfoncer au font du gosier, sa main et son avant-bras y compris. Après quoi, tandis qu’il agonise, elle se met à lui caresser le visage, appuie ses pouces contre ses glandes lacrymales, les enfonces et lui arrache les yeux juste avant que le gougea ne s’effondre, sans vie.
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