Duel

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Frédéric se sentait bourré d'énergie, gonflé à bloc. Malgré un affrontement qui durait depuis un moment, il ignorait la fatigue. Il jeta un œil à son adversaire, qui peinait à retrouver son souffle. Frédéric lui en faisait baver, il rendait coup pour coup en mettant toute sa force derrière chaque frappe. Ajouté à cela une technique parfaite, il ne lui laissait aucune chance. Un vrai massacre.

« Alors, tu demandes grâce ou il faut que je t'achève ? » lança-t-il avec un sourire carnassier.

Il ne reçut qu'un regard mauvais en guise de réponse, ce qui le fit sourire encore plus. Encore un peu et il mettrait fin à ses souffrances.

Il se mit en position pour sa prochaine attaque. Il allait lui servir un coup qu'il n'aurait pas le temps de voir venir. Il détendit son bras d'un geste sec et précis, entendit deux rebonds, suivis de près par un cri de protestation. Oups, touché.

« Ça va pas la tête de frapper aussi fort ? T'essayes de me tuer ou quoi ? »

« Fais pas ta fillette, Philippe. Et balle de match ! »

Frédéric jubilait. Même si son frère contestait ce point, ça ne changerait pas l'issue de la partie, il avait bien trop de retard à rattraper. Il subit sans sourciller le regard assassin de Philippe tout en allant se mettre en position pour servir.

Il fit rebondir la balle à ses pieds, une fois, deux fois, jeta un dernier coup d'œil à son frère avant de se tourner vers le mur. II envoya une balle facile que Philippe n'eut aucun mal à renvoyer. Frédéric avait décidé de faire durer cette dernière balle. Pas de frappe vicieuse ou d'amortis, un jeu tout en longueur, relativement reposant comparé au reste du match.

Il se fit surprendre par une balle plus courte, qu'il rattrapa de justesse. À partir de là, le jeu s'accéléra à nouveau. La balle allait et venait sans répit, l'air de la petite salle vibrait du bruit fracassant des rebonds, les échos s'entremêlant en une étrange harmonie. Frédéric était emporté par la beauté du jeu, son sang pulsait au rythme de ses frappes, lui donnant un sentiment de puissance, d'invincibilité. D'un coup qui atteignit la perfection, il mit fin au combat.

Les derniers échos du jeu s'éteignirent peu à peu, faisant place au souffle laborieux des deux joueurs. Frédéric fut le premier à se redresser, arborant le sourire de la victoire.

« Encore une victoire pour le plus beau de la famille ! »

« Un peu... de respect... pour ton aîné », rétorqua Philippe le souffle encore court.

« Ha ! Et puis quoi encore ? Pas de pitié pour les feignasses ! Viens t’entraîner plus souvent et on en reparlera. »

Mais son frère s'abstint de répondre. Le sourire toujours aux lèvres, Frédéric le regarda lui tourner le dos pour aller prendre une bouteille d'eau, avant de se tourner à nouveau vers lui.

« Au lieu de faire le malin, » fit-il en lui lançant la bouteille, « tu ferais mieux de boire avant de tomber dans les pommes. »

Frédéric la rattrapa adroitement d'une main et avala plusieurs gorgées d'eau, un brin agacé. Bien sûr son frère avait raison, même s'il n'aimait pas qu'on lui rappelle cette petite faiblesse quelque peu gênante. Non pas qu'il risquait un malaise vagal dès que son cœur battait un peu vite, mais ils savaient tous deux qu'il augmentait ce risque quand il ne buvait pas assez.

Il rejoignit son frère, qui s'était assis sur le banc pour boire lui aussi. Il s'assit à côté de lui, but encore une longue rasade d'eau, puis donna une joyeuse claque sur son épaule.

« Bon, on y retourne ? »

« Niet ! » lâcha Philippe en secouant la tête. « Continue sans moi si ça t'amuse. De toute façon faut que je retourne bosser. »

« Dommage, tu commençais tout juste à t'améliorer. »

« Ouais, c'est ça... »

« On devrait remettre ça ce soir. »

Philippe tourna la tête vers lui, les sourcils froncés.

« Ne me dis pas que tu as oublié ! »

« Oublié quoi ?... Ah oui, ta baraque. »

« Tu as dit que tu venais », dit Philippe d'un air soupçonneux.

« Ne t'inquiète pas, je serai là. Mais ne te fais pas trop d'illusions quand même. Je te le répète, avec ces vieilles maisons, on n'est jamais certain de pouvoir en faire quelque chose, et des fois il n'y a rien à garder. »

« Elle tient beaucoup à cette maison », insista Philippe.

« J'en suis sûr, ta femme est tellement accrochée à ses souvenirs familiaux, il y aurait de quoi ouvrir un musée. »

« Tu as — »

« C'est bon, » l'interrompit-il, « je ferai mon possible. Mais je te rappelle que je suis architecte, pas magicien. »

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