Le titan féminin

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La porte externe du district de Karaness s'ouvre et nous nous élançons au galop à la suite du major Erwin. Nous entrons aussitôt dans la vieille ville et des titans ne tardent pas à faire leur apparition, contraignant les escouades d'assistance à aller les combattre pour nous défendre. Pendant que nous galopons, Eren demande :

- Dis, Auruo : est-ce que tu crois que nos amis sont assez forts pour vaincre les titans ?

- Pardon ? Mais qu'est-ce que t'as fichu pendant tout ce mois ? Tu n'as rien écouté ou quoi ? Écoute bien, petit morveux : le succès d'une expédition extra-muros repose sur la capacité à éviter le combat avec les. . . Aïe !

Une fois de plus, sa langue saigne suite à la morsure involontaire qu'il lui a infligée.

"C'est plutôt lui qui n'apprend rien. . ." pensé-je.

- Nos amis ont déjà vaincu les titans à Trost, rappelé-je à Eren. Ils ont gagné en expérience pendant cette bataille. Je ne vois donc pas de raison pour qu'ils ne réussissent pas cette fois encore et, comme s'apprêtait à le dire Auruo, la formation du major Erwin a pour but d'éviter au maximum tout combat direct avec les titans afin de limiter le nombre de victimes. Tout se passera bien, tu verras.

Il acquiesce en me rendant mon sourire. Pour être franche, je ne peux pas non plus m'empêcher de me faire du souci pour nos amis, même si je crois parfaitement en ce que je viens de dire. La formation du major a en effet permis de diminuer considérablement le nombre de morts, mais jamais le bataillon d'exploration n'est rentré totalement indemne. Tout ce que je souhaite est que nos camarades de promotion ne fassent pas partie de ces pertes.

Quand nous sortons de la ville, le grand blond tend son bras gauche sur le côté en ordonnant :

- Traque longue distance ! En formation !

Les différentes escouades se séparent aussitôt pour suivre la disposition représentée sur le plan du major. Nous nous retrouvons rapidement au centre de la formation.

Plusieurs minutes plus tard, alors que nous chevauchons toujours au milieu des plaines, nous remarquons s'élever dans le ciel des colonnes de fumée verte.

- Des fumigènes, constate le caporal-chef Livaï. Couleur verte. Auruo ! Réplique-leur !

- Bien reçu ! Je m'en occupe !

Sur ces mots, il sort un lance-fumigène pour exécuter l'ordre de son supérieur. C'est alors qu'un soldat approche de nous au galop en déclarant :

- Je viens au rapport ! J'ai un message pour vous ! Les équipes de reconnaissance de l'aile droite sont décimées ! Il n'y a plus de reconnaissance ! annonce-t-il d'une voix catastrophée.

Mes yeux s'écarquillent de surprise et d'horreur. L'aile droite ? C'est là où se situe Armin ! Je sens mes mains trembler et resserre mon emprise sur les rênes de ma monture pour cesser le tremblement. Heureusement que lui et les autres ne font pas partie des escouades de reconnaissance. . .

Le messager sue à grosses gouttes et je ne peux m'empêcher de penser que c'est plus dû à la peur qu'à l'effort, mais il poursuit tout de même :

- Faîtes passer ce message à l'aile gauche !

- Petra, tu as entendu ? Vas-y, lui ordonne son supérieur d'une voix calme et détachée.

Son attitude peut paraître surprenante, voir même déstabilisante, mais étant habituée à son impassibilité, je ne m'étonne pas du tout. Au contraire, j'admire le sang-froid dont il fait preuve malgré la mauvaise tournure que prennent les événements.

- Oui ! lui répond la rousse en s'éloignant.

Je la regarde filer au galop, puis tourne la tête sur la droite. Vu la position de nos amis sur le plan dessiné par le major, les titans n'ont pas encore dû arriver jusqu'à eux. Cela signifie qu'ils vont encore bien, du moins pour le moment. . .

Je secoue la tête. Je ne dois pas laisser ce genre de pensées négatives m'envahir. Au même moment, trois colonnes de fumée noire apparaissent sur la droite. Elles sont bien plus proches que les précédentes. . .

- Un déviant ! s'exclame mon cadet.

- Eren ! l'interpelle notre supérieur. Envoie le signal !

- Oui, d'accord !

Pendant que l'adolescent s'exécute, le caporal-chef Livaï poursuit :

- Ça s'annonce mal. De toute évidence, on a laissé les titans pénétrer profondément dans la formation.

Tout ce que je souhaite est que les soldats qui affrontent ce déviant ne fassent pas partie de nos camarades de promotion.

Quelques minutes plus tard, nous entrons dans une forêt d'arbres géants dont nous suivons le sentier. Eren s'adresse alors à notre supérieur :

- Caporal-chef ! Caporal-chef Livaï !

- Quoi ? répond ce dernier sur un ton quelque peu agacé.

- Comment ça "quoi" ? ! On s'enfonce dans la forêt ! Et la forêt est tellement dense et les arbres tellement hauts qu'on ne verra pas les titans s'approcher !

Il est vrai que cette sorte d'arbres ont une hauteur minimale plus importante encore que celle des murs nous protégeant.

- En plus, poursuit le jeune brun, quelque chose arrive sur la droite. Comment faire pour éviter les titans et protéger les chariots ?

- Arrête de geindre, je le sais déjà, tout ça ! Je sais très bien qu'on ne pourra pas tout mener de front !

- Oh ! Mais alors pourquoi ?

- Regarde bien autour de toi : tu vois ces grands arbres qui nous entourent ? C'est un environnement idéal pour utiliser l'équipement tridimensionnel. Alors réfléchis avant de parler et d'une manière générale, si tu ne veux pas mourir très vite, sers-toi de ta tête !

- D'accord !

- Tu sais, Eren, ajouté-je, nous pourrons sentir les titans arriver même si nous ne pouvons pas les voir. Ils n'ont jamais été des créatures silencieuses. Rien que le tremblement du sol sous leurs pas devrait nous alerter de leur présence. Tu n'as donc pas à te faire de souci pour le moment. Si des titans approchent, nous les entendrons arriver.

- Oui, tu as raison, dit-il en hochant la tête.

Au moment où l'adolescent semble être rassuré par ces explications et la certitude de nos aînés, la voix d'Auruo vient nous troubler :

- C'est quoi ce plan ? C'est n'importe quoi ! marmonne-t-il entre ses dents. Franchement, ça veut dire quoi ? Quand est-ce que quelqu'un va vraiment nous dire ce qui se passe ?

C'est alors que nous remarquons que tous les membres de l'escouade expriment l'incompréhension et je réalise qu'Eren n'a fait que dire tout haut ce que tous les autres ici pensent tout bas. Tous, sauf notre supérieur, mais qui sait ce que cache son impassibilité ? Pourtant, ils suivent tous le plan sans hésiter. Ils doivent avoir une confiance inébranlable en le major Erwin pour accepter de risquer leurs vies sur un plan qu'ils ne comprennent même pas.

Mes pensées sont interrompues par un bruit de détonation.

- Un fumigène noir ! s'exclame Eren.

- C'est juste derrière nous ! constate Auruo.

- Ça doit être la créature qui est venue de la droite, dit Erd.

- Dégainez vos lames, ordonne le caporal-chef Livaï d'une voix calme en montrant l'exemple. Si jamais cette chose se montre, il faudra agir vite.

Je prends un sabre en acier renforcé dans chaque main et sens aussitôt une forte appréhension monter. La créature dont parle Erd a été décrite comme un déviant. J'en ai déjà affronté et tué quelques-uns lors de la bataille de Trost, mais quelque chose me dit que la situation est différente cette fois-ci. En fait, je ne crois pas du tout que cette chose soit un simple déviant. Si tel était le cas, elle aurait peut-être fait quelques morts, mais les soldats expérimentés de l'aile droite auraient tout de même fini par l'achever d'eux-mêmes. Au lieu de cela, elle a décimé les escouades de reconnaissance et est parvenue à entrer jusqu'au centre de la formation. Ce n'est pas normal. Quelque chose me dit qu'il s'agit plutôt d'un titan parfaitement conscient. Ou plutôt. . . C'est son détenteur qui est parfaitement conscient. . .

Au moment où je me fais cette réflexion, un soldat surgit dans notre dos. Il se sert de son équipement de manoeuvre tridimensionnelle pour se déplacer en hauteur entre les arbres et semble fuir quelque chose, qui ne tarde pas à se montrer : une gigantesque main apparaît pour cogner l'homme, qui meurt sur le coup. L'instant suivant, un titan aux formes féminines et aux proportions harmonieuses nous poursuit. Ses courts cheveux blonds s'agitent dans tous les sens tandis qu'elle court à une vitesse affollante dans notre direction.

Eren ne peut s'empêcher de lâcher un petit cri de surprise, pendant que le caporal-chef nous intime :

- Plus vite !

C'est alors que la créature casse un arbre, qui manque de s'écraser sur nous, nous arrachant à mon cadet et moi un cri. Pendant qu'elle continue de nous pourchasser, je remarque que son regard bleu, brillant d'une lueur de convoitise, est fixé sur Eren. C'est de toute évidence ce dernier qui l'intéresse. Mes sourcils se froncent, tandis que je lui lance une expression de défi.

"Tu peux toujours courir, mais je ne te laisserai pas l'emmener, dussé-je mourir pour cela !" pensé-je.

- Mince ! Elle est ultra-rapide ! lâche Gunther. Et dans cette forêt, on a aucun moyen de parer ses attaques !

- Elle nous rattrape ! ajoute Erd.

- Caporal-chef ! appelle Petra. Passons en manoeuvre tridimensionnelle ! Caporal-chef !

C'est alors que deux soldats appraissent dans le dos du titan et l'un d'eux lui crie :

- Où tu vas comme ça ? !

- Des renforts arrivent de l'arrière ! commente la jolie rousse.

Ils tentent de s'aggriper à sa nuque pour la trancher, mais elle attrape le câble de l'un d'entre eux pour l'écraser contre un tronc, lui arrachant un cri d'agonie, puis serre l'autre dans son poing pour le réduire au même état.

Je ne peux m'empêcher de penser que si elle nous attrape, nous subirons tous le même sort, sauf Eren. . .

- Caporal-chef ! panique Petra. Quels sont vos ordres ? !

- Il faut l'arrêter ! déclare Auruo. Elle est ultra-dangereuse ! On n'a pas le choix, c'est à nous de le faire !

- Je vais te massacrer ! dit Erd d'une voix rageuse en dégainant l'une de ses lames.

Eren esquisse un sourire de triomphe, qui s'évanouit aussitôt qu'il constate que notre supérieur ne réagit pas.

- Caporal-chef Livaï ?

- Caporal-chef ! insiste Petra.

- Donnez-nous vos ordres ! exige Gunther.

- Si ça continue, elle va nous rattraper ! ajoute Erd. Il faut l'abattre ici-même ! C'est pour ça qu'on entrés dans la forêt ! N'est-ce pas ? J'ai raison, caporal-chef ?

- Caporal-chef, vos ordres ! supplie Eren.

Pour ma part, je suis partagée entre l'urgence de réagir qu'éprouvent mes camarades et ma confiance en notre supérieur. Je me dis que nous devons absolument faire quelque chose pour nous tirer de cette situation dangereuse, mais que si le caporal-chef Livaï ne réagit pas, c'est qu'il a d'excellentes raisons de le faire. Il ne nous condamnerait pas gratuitement, surtout pas alors qu'Eren, notre seul espoir de vaincre les titans, se trouve parmi nous.

- Je vous conseille de vous boucher les oreilles, répond-il enfin.

Il sort une sorte de petit pistolet et je comprends qu'il veut lancer une grenade assourdissante. Pour quelle autre raison devrions-nous nous boucher les oreilles ? Je m'exécute donc, comme tous les soldats m'entourant, sauf Auruo qui est donc sonné par la détonation. Cela ne semble cependant avoir d'effet que sur lui, car le titan continue de courir sans s'interrompre.

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